Sans surprise, les maires placent l’emploi – devant l’habitat et le cadre de vie – en tête des éléments les plus importants pour le bien-être de leurs administrés. Mais, n’ayant que peu de marge de manœuvre dans ce domaine – et, de leur aveu, leurs relations avec Pôle emploi étant quasi inexistantes –, ils se préoccupent de plus en plus de la question du vivre ensemble, comme le souligne une autre enquête de l’ODAS (Observatoire national de l’action sociale décentralisée) sur « les priorités politiques et stratégiques des villes de plus de 30 000 habitants » (1), présentée le 6 juin. Le lien social passe en troisième position des facteurs de bien-être cités par les maires, devant la sécurité, alors que cet ordre était inversé lors de la dernière enquête de ce type, en 2006. « Les maires sont beaucoup plus conscients de la question du vivre ensemble que les élites parisiennes », tacle Jean-Louis Sanchez, délégué général de l’ODAS. « Si l’Etat est indiscutablement le mieux à même de produire des réglementations aptes à favoriser la cohésion sociale, la création d’un climat de confiance et de solidarités de proximité entre les habitants ne peut être que l’affaire du local », souligne l’enquête.
Toutefois, les édiles ont beau plaider pour plus de vivre ensemble, il y a souvent loin de la coupe aux lèvres. « Le problème numéro un des villes est l’absence de coordination interne autour de cette question », déplore Jean-Louis Sanchez. Parallèlement à cette étude, l’ODAS a mené une recherche-action auprès de sept villes (2) sur la gouvernance locale et la cohésion sociale, dans laquelle la question sociale est décrite comme victime de « cloisonnement entre services » et de « télescopage virulent entre la politique sociale et la politique de la ville ». Si les deux tiers des CCAS (centres communaux d’action sociale) réalisent désormais des analyses des besoins sociaux (ABS), « les diagnostics s’accumulent, [mais] il est rare qu’ils contribuent à orienter le choix des dirigeants », constate l’observatoire.
Les partenariats entre les villes et les autres institutions publiques sont, eux aussi, problématiques. Si les relations avec les départements s’améliorent, le taux de satisfaction des villes à ce sujet « n’est pas très élevé », reconnaît Jean-Louis Sanchez. Le conseil général « est bien plus [présent] en termes d’implantation d’équipements, d’attribution de prestations sociales et d’offre de services, qu’en termes de coopération stratégique », ajoute l’ODAS. Par ailleurs, les rapports se dégradent avec les caisses d’allocations familiales, qui ont de moins en moins de relations stratégiques avec les mairies, du fait de leur « enfermement » dans la gestion du RSA et de la baisse de leurs moyens.
Grâce à cette étude, ainsi qu’à une série de rencontres prévues dans les mois à venir, l’ODAS espère impulser une dynamique en faveur du vivre ensemble auprès des élus, dans la perspective des municipales de 2014. Avec une logique : ces derniers ont envie de s’impliquer, mais ils le feront plus volontiers s’ils savent qu’ils ne sont pas seuls.
(1) Enquête réalisée par l’ODAS auprès de 164 villes de plus de 30 000 habitants, soit 60 % des communes de cette catégorie. Les villes de plus de 100 000 habitants ainsi que les villes de province ont davantage répondu que les communes de taille plus moyenne et celles d’Ile-de-France. 52 % des répondants sont des généralistes de l’action municipale, 48 % des spécialistes du social.
(2) Besançon, Bordeaux, Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), Le Havre (Seine-Maritime), Strasbourg, Tourcoing (Nord) et Valenciennes (Nord).