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Mineurs isolés étrangers : l’Etat fait un pas en direction des départements

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Le gouvernement et l’ADF ont signé, le 31 mai, un protocole dans lequel l’Etat s’engage à assumer financièrement les cinq premiers jours de prise en charge des mineurs étrangers isolés. Le texte vise également à assurer une meilleure répartition de cette population entre les départements.

Véritable pomme de discorde entre les conseils généraux et l’Etat, le sujet de la prise en charge des mineurs isolés étrangers est en suspens depuis des années. Se dirigerait-on aujourd’hui vers une issue C’est en tout cas l’espoir de la ministre de la Justice qui, le 31 mai, a annoncé la signature d’un protocole qui doit permettre une meilleure répartition de la charge financière entre départements et prévoit une prise en charge partielle de l’Etat (sur les réactions des acteurs de terrain, voir ce numéro, page 19). Un texte repris in extenso – complété çà et là de quelques précisions – par la chancellerie dans une instruction envoyée le même jour aux parquets.

Conclu par Christiane Taubira mais aussi par ses collègues des Affaires sociales et de l’Intérieur, avec l’Assemblée des départements de France (ADF), ce protocole était attendu. C’est la décision du président du conseil général de Seine-Saint-Denis, en septembre 2011, de ne plus accueillir de nouveaux jeunes sans aide de l’Etat (1) qui avait relancé la question de la charge financière que les départements les plus exposés peinent à assumer pour ce public. Le garde des Sceaux de l’époque avait alors décidé de soulager le conseil général par un dispositif de répartition des mineurs vers une vingtaine de départements du grand bassin parisien. Mais au-delà de cette solution d’urgence, la question de la participation de l’Etat à l’accueil de ces jeunes migrants et de l’harmonisation des pratiques des départements restait entière. Un groupe de travail initié par Christiane Taubira a donc commencé à plancher sur le sujet avec l’ADF en novembre dernier. Les discussions ont abouti aux cinq pages du protocole, prévoyant notamment la prise en charge financière par l’Etat des cinq premiers jours d’accueil des mineurs étrangers isolés, période que le conseil général doit mettre à profit pour évaluer leur situation. Il appartient ensuite au parquet d’orienter le jeune reconnu mineur vers un service d’aide sociale à l’enfance, selon un système de répartition nationale.

La procédure « sera mise en œuvre de façon homogène sur l’ensemble du territoire national » sauf en outre-mer, précise le protocole. La situation géographique de ces territoires et la plus forte proportion de mineurs isolés – souvent très jeunes – s’y présentant (à Mayotte et en Guyane en particulier) appellent en effet « d’autres types de réponses », a expliqué aux ASH la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ), en précisant qu’un groupe de travail est envisagé pour plancher sur le sujet.

Une trame d’évaluation à respecter

Point de départ de la procédure : le conseil général du lieu où le jeune se déclarant mineur isolé étranger a été repéré ou s’est présenté doit l’accueillir pendant cinq jours durant lesquels il procède à l’évaluation de sa situation et détermine les actions de protection et d’aide nécessaires. Concrètement, il s’agit en particulier de s’assurer de la minorité de l’intéressé et de son isolement sur le territoire français.

Afin de s’assurer de l’homogénéité des pratiques, un « protocole d’évaluation » a été établi (2). Une « trame d’évaluation » – à suivre pour conduire les entretiens – y est détaillée. Le document décrit les éléments pouvant plaider en faveur de la minorité du jeune selon l’âge que lui-même affirme avoir, ainsi que de sa situation d’isolement sur le territoire français. Il indique également que « l’évaluation ne pourra conclure à un âge précis mais au fait que le jeune peut, ou non, avoir l’âge qu’il allègue ».

Au terme de cette étape, si le doute persiste « et seulement dans ce cas », indique l’accord signé par l’Etat et l’ADF, il peut alors être procédé à une expertise médicale de l’âge sur réquisitions du parquet. Là encore, des règles spécifiques détaillées dans le protocole d’évaluation doivent être respectées.

Une prise en charge de l’Etat à concurrence de 250 € par jour

Les coûts liés à la période de l’évaluation du mineur sont pris en charge par l’Etat dans la limite de cinq jours, sur la base d’un remboursement forfaitaire au conseil général… et sous réserve du respect par les départements du protocole d’évaluation. Le montant a été fixé à 250 € par jeune et par jour. « Il correspond à l’évaluation qui a été réalisée par le groupe de travail de la totalité des frais engagés, c’est-à-dire les dépenses d’entretien et d’hébergement, les dépenses liées aux investigations pratiquées ainsi qu’aux déplacements nécessaires », explique le protocole. Le remboursement « interviendra sur justification par les départements auprès de l’Agence de services et de paiement […] du nombre de jeunes ayant fait l’objet d’une évaluation dans la limite de cinq jours ».

Sur quelle ligne budgétaire seront prélevés les fonds nécessaires au financement de cette prise en charge ? Selon la DPJJ, l’Etat va utiliser « un reliquat de crédits du ministère de l’Intérieur ».

Les différents scénarios possibles après le délai de cinq jours

Deux hypothèses se présentent selon que l’évaluation du jeune a pu être ou non réalisée dans le délai de cinq jours.

Si la minorité et l’isolement de l’intéressé ont été clairement établis et qu’il en résulte une situation de danger, le président du conseil général saisit alors le procureur de la République du lieu où le mineur a été trouvé. A charge pour ce dernier de désigner par ordonnance de placement provisoire le conseil général du lieu de placement définitif. De façon concomitante, il se dessaisit si besoin au bénéfice du parquet du lieu de placement définitif du mineur, lequel saisit ensuite le juge des enfants compétent dans le délai légal de huit jours. La prise en charge financière du mineur relève du conseil général de son lieu de placement définitif à compter de l’ordonnance de placement provisoire.

Reprenant les termes du protocole d’accord, la circulaire du ministère de la Justice demande que, « dans toute la mesure du possible », l’évaluation du jeune soit réalisée pendant le délai de cinq jours. Toutefois, si la minorité ne peut être établie et si l’évaluation doit être poursuivie, le président du conseil général du lieu où le jeune a été repéré ou s’est présenté saisit le procureur de la République territorialement compétent pour que l’intéressé lui soit confié par ordonnance de placement provisoire. Deux scénarios peuvent alors se présenter. Si, avant le terme du délai légal de huit jours, le jeune est reconnu mineur isolé étranger, le parquet saisit le juge des enfants et requiert le maintien de son placement à l’aide sociale à l’enfance dans le département qu’il estime être le plus opportun pour l’accueillir (voir ci-dessous). Le juge des enfants apprécie ensuite la nécessité de ce maintien et, dans l’affirmative, se dessaisit au profit du juge des enfants du lieu où se trouve l’établissement auquel ce mineur a été confié. Si, en revanche, au terme du délai de huit jours, la situation du jeune n’est toujours pas clarifiée, le parquet saisit le juge des enfants et requiert le maintien de la mesure de placement dans son lieu de placement initial jusqu’à l’issue de l’évaluation. Une fois cette dernière aboutie, le juge des enfants en communique les résultats au parquet. Si le jeune est reconnu mineur isolé étranger, le parquet prend des réquisitions aux fins de placement dans le département qu’il aura déterminé. Le juge des enfants se dessaisit alors, le cas échéant, au profit du juge des enfants du lieu où se trouve l’établissement auquel le mineur est confié.

A noter : le protocole d’accord prévoit que l’acheminement du mineur vers un département différent de celui sur lequel il a été repéré ou s’est présenté aux services de l’aide sociale à l’enfance sera effectué à l’initiative du conseil général du département où l’évaluation a été réalisée, et sur la base de l’ordonnance de placement provisoire prise par le parquet ou de la décision de placement du juge des enfants. Les coûts liés à cet acheminement sont compris dans le forfait de 250 €/jour par jeune mineur accueilli, précise le texte.

Une « cellule nationale » pour recenser les places disponibles

« Une fois la minorité établie, le placement du jeune dans un service d’aide sociale à l’enfance doit se faire avec un souci de rapidité afin que sa protection et le suivi éducatif se mettent en place au plus vite », indique le protocole. On l’a vu, la décision du placement définitif du mineur – et par conséquent le choix du département – appartient au parquet ou au juge des enfants auquel le parquet a adressé des réquisitions proposant un département. Ce choix du département définitif est guidé par une « clé de répartition correspondant à la part de population de moins de 19 ans dans chaque département », indique le protocole. A la DPJJ, on précise qu’a été établie, pour chaque département, la proportion « envisagée » de jeunes pouvant être accueillis, l’idée étant de parvenir à désengorger les départements les plus impactés par un nombre très important de mineurs isolés étrangers en répartissant équitablement les effectifs. Pour aider les parquets, une « cellule nationale », placée à la DPJJ, est chargée de mettre « à tout moment » à leur disposition « des informations actualisées leur permettant de savoir dans quel département il sera opportun de placer le mineur, et qui sera en mesure de l’accueillir », explique Christiane Taubira dans sa circulaire. Ils devront par conséquent « prendre contact avec la cellule nationale préalablement au prononcé de l’ordonnance de placement provisoire ou des réquisitions qu’ils adresseront au juge des enfants pour proposer un département auprès duquel placer le mineur ».

Tout ce dispositif fera l’objet d’une évaluation au bout de 12 mois sous ses aspects opérationnels et financiers. Un comité de suivi opérationnel – comportant des représentants de l’Etat, des départements et des associations – sera, par ailleurs, mis en place et un rapport conjoint des inspections générales des affaires sociales, de l’administration et des services judiciaires complétera l’évaluation à l’issue des 12 mois.

[Circulaire du 31 mai 2013, NOR : JUSF1314192C]
Notes

(1) Voir ASH n° 2728 du 14-10-11, p. 16.

(2) Selon la DPJJ, le document sera prochainement mis en ligne sur le site du ministère de la Justice. Il devrait par ailleurs être diffusé par l’ADF aux départements.

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