Un quart de la population pénale serait concerné par la précarité, indique le ministère de la Justice dans une récente circulaire où il donne des instructions pour lutter contre la pauvreté dans les établissements pénitentiaires. Cette lutte « s’inscrit dans une politique globale, concertée entre le chef d’établissement et le directeur fonctionnel du service pénitentiaire d’insertion et de probation » (SPIP) et « fait intervenir les partenaires associatifs et institutionnels ».
La circulaire rappelle que, en application de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, est qualifiée de personne « sans ressources suffisantes » une personne dont cumulativement :
→ le niveau de ressources sur la part disponible du compte nominatif (1) pendant le mois courant est inférieur à 50 € ;
→ le niveau de ressources sur la part disponible du compte nominatif au cours du mois précédent est inférieur à 50 € ;
→ le montant de dépenses dans le mois courant (dépenses cumulées sur 30 jours) est inférieur à 50 €.
Une fois qu’un détenu a été repéré comme n’ayant pas de ressources suffisantes, l’attribution des aides numéraires ou en nature est de droit.
Peuvent bénéficier des aides les personnes écrouées et hébergées, les détenus hospitalisés ainsi que les personnes placées en semi-liberté sauf si, pour ces dernières, il apparaît, après vérification de leur relevé bancaire par le conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation, qu’elles perçoivent des revenus.
Le repérage des personnes sans ressources suffisantes doit se faire « au plus tôt » : un premier diagnostic doit donc être établi dès l’arrivée à l’établissement pénitentiaire lors des entretiens « ? arrivant ? ». Et les personnes détenues doivent se voir délivrer, soit par le SPIP, soit par la direction de l’établissement pénitentiaire, une information concernant les aides auxquelles elles peuvent prétendre, les critères d’octroi et la procédure à suivre pour effectuer une demande. En cours de détention, c’est l’examen régulier des comptes nominatifs par la commission pluridisciplinaire unique (CPU) qui constitue le mode de repérage des personnes sans ressources suffisantes. La préparation à la sortie est une autre étape essentielle : l’administration doit donc prévenir les situations de dénuement à la sortie et être vigilante à fournir les aides existantes.
A l’arrivée en détention, pour les personnes qui étaient libres auparavant, une aide d’urgence d’au maximum 20 € peut être accordée avant la première CPU. Les personnes transférées d’un autre établissement pénitentiaire ou qui sortent d’une hospitalisation sous écrou peuvent aussi bénéficier de cette aide d’urgence si elles n’ont pas déjà reçu, pendant le mois, l’aide financière de 20 € maximum accordée pendant la détention aux personnes sans ressources suffisantes (voir ci-dessous).
Par ailleurs, toutes les personnes détenues se voient remettre :
→ un kit hygiène, qui doit être renouvelé une fois par mois s’agissant des personnes dont les ressources sont insuffisantes ;
→ un kit couchage ;
→ un kit vaisselle ;
→ un kit pour l’entretien de la cellule, comprenant les produits et ustensiles nécessaires ;
→ des sous-vêtements et des chaussures de type claquettes ;
→ un nécessaire de correspondance (stylo, enveloppes, feuilles et deux timbres a minima).
Un accès au téléphone est également garanti, rappelle la circulaire.
Dès lors qu’elle a été reconnue comme sans ressources suffisantes en CPU, la personne détenue a droit à une aide en numéraire d’un montant forfaitaire qui ne peut dépasser 20 € par mois. Une somme insaisissable.
Par ailleurs, au-delà d’un accès « privilégié » aux activités rémunérées, les détenus sans ressources doivent accéder gratuitement :
→ à l’enseignement, via la prise en charge des droits d’inscription à l’enseignement à distance (CNED, Auxilia…). En outre, à défaut d’offre d’activité rémunérée compatible avec la situation individuelle de la personne, il y a lieu d’étudier avec le secteur associatif la possibilité que l’administration pénitentiaire et/ou les partenaires associatifs lui verse une aide si elle est engagée dans des activités non rémunérées utiles à l’insertion (par exemple : actions de lutte contre l’illettrisme, formation scolaire ou professionnelle non rémunérée…) ;
→ aux activités socio-éducatives, culturelles et sportives, une tenue de sport pouvant même être fournie, sur leur demande, à ceux qui participent régulièrement aux séances d’activités physiques et sportives ;
→ à la télévision. Les aides en numéraire octroyées aux détenus sans ressources ne doivent pas servir aux frais de location et d’abonnement des télévisions, insiste la chancellerie.
L’administration pénitentiaire doit aussi fournir des aides :
→ permettant le maintien des relations avec l’extérieur, notamment avec la famille (fourniture de deux timbres a minima, d’enveloppes et de feuilles à la demande de la personne détenue) ;
→ soutenant les efforts d’insertion socioprofessionnelle (fournitures scolaires ou revues éducatives par exemple).
En outre, afin de favoriser les démarches administratives nécessaires à la préparation à la sortie, l’administration pénitentiaire doit financer le timbre fiscal exigible lors du renouvellement d’une carte nationale d’identité, en cas de perte ou de vol de celle-ci, ainsi que le coût des photographies d’identité.
« Ni le comportement, ni les choix opérés par la personne détenue en termes d’activités ne sauraient constituer un motif d’exclusion des aides, sauf cas exceptionnel », précise la chancellerie. Ainsi, si l’intéressé « refuse de s’engager dans une activité rémunérée […], proposée à la suite de sa demande, et sans autre motif que la convenance personnelle, il pourra lui être supprimé l’aide financière de 20 € ».
Par ailleurs, explique la chancellerie, il convient également de ne pas discriminer l’accès aux unités de vie familiale (UVF) en fonction des ressources matérielles des personnes détenues. « Les pratiques qui reviendraient à limiter le nombre des UVF, à en réduire la durée, à solliciter la famille pour qu’elle pourvoie aux dépenses liées à l’achat des vivres nécessaires au séjour en UVF doivent être proscrites. » Et l’établissement pénitentiaire doit, si le détenu n’a pas d’activité rémunérée, subvenir aux dépenses occasionnées par la cantine en UVF, à hauteur de 10 € par jour et par personne présente (enfant compris).
Les mesures prises dans le cadre de la préparation à la sortie doivent faciliter l’accès aux dispositifs de droit commun et accompagner les démarches d’insertion des personnes détenues, dans le cadre de partenariats avec les collectivités locales et le monde associatif. L’aide apportée peut être une aide administrative consistant notamment en l’instruction, en amont de la sortie, des dossiers par les centres communaux d’action sociale, les caisses primaires d’assurance maladie, les caisses d’allocations familiales ou bien encore Pôle emploi. Une liste des adresses utiles (SPIP, associations caritatives, organismes pouvant assurer un hébergement, agences Pôle emploi, missions locales…) doit en outre être remise à la personne sortant de détention.
Une aide matérielle peut aussi être fournie aux sortants par l’établissement pénitentiaire, en fonction de l’examen des situations individuelles par la CPU : fourniture de vêtements et d’un sac pour en permettre le transport ; participation à l’acquisition d’un titre de transport ; remise d’un « kit sortant » qui doit comprendre a minima des produits d’hygiène, une carte téléphonique et un ou plusieurs chèques multiservices.
(1) Constitué auprès du directeur de l’établissement pénitentiaire, le compte nominatif est un compte sur lequel les valeurs pécuniaires du détenu sont consignées. La part disponible du compte est celle laissée à la libre disposition du détenu.