La mémoire « fantôme »

Avec les actes de torture et de barbarie, les violences sexuelles sont celles qui ont les plus graves conséquences psychotraumatiques. Or leur impact sur la santé des femmes et des enfants, qui en sont l’essentiel des victimes, est très peu pris en compte par les médecins, s’insurge Muriel Salmona, psychiatre et psychothérapeute. Il n’existe d’ailleurs aucun enseignement sur la victimologie et la psychotraumatologie pendant les études médicales. Pourtant, les connaissances en la matière ont beaucoup progressé au cours des deux dernières décennies. Ce sont ces connaissances, dont certaines sont issues de ses propres travaux sur la mémoire traumatique, que Muriel Salmona fait partager ici avec une grande pédagogie. A l’instar du membre fantôme dont souffrent les personnes amputées, la « mémoire traumatique, qui s’installe après les violences, est une mémoire émotionnelle et sensorielle “fantôme” intrusive et incontrôlable des violences subies », explique l’auteure. C’est elle qu’il s’agit de traiter et d’aider à cicatriser, pour qu’elle ne revienne pas hanter les victimes, qui restent traumatisées pendant de longues années, parfois même toute leur vie. Et qui peuvent, éventuellement, alimenter elles-mêmes le cycle de la violence en devenant de futurs agresseurs. Plus la prise en charge psychothérapique est précoce, plus elle est efficace, précise Muriel Salmona. « Le thérapeute doit traduire en mots, de façon la plus juste possible, la réalité du vécu traumatique et de ses effets » et réintroduire du sens et de la cohérence dans ce qui a été impensable pour que la pensée se remette en marche.