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Prise en charge des mineurs isolés : des réponses qui ne referment pas le débat

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« Une première avancée. » C’est ainsi que l’Assemblée des départements de France (ADF) considère le protocole qu’elle a signé, après un long processus de concertation avec l’Etat, sur la prise en charge des mineurs isolés étrangers (voir ce numéro, page 42). L’association d’élus se félicite du financement par l’Etat de la période de mise à l’abri de ces jeunes jusqu’à leur orientation et de la régulation nationale du dispositif. Mais le texte « ne concerne que les 1 500 nouveaux arrivants chaque année et pas les 6 000 mineurs et 3 000 jeunes majeurs pris en charge aujourd’hui par l’aide sociale à l’enfance, chiffre en constante augmentation, souligne-t-elle. La loi du 5 mars 2007 sur la protection de l’enfance les a placés sous la responsabilité des départements, ce qui représente une charge annuelle de l’ordre de 250 millions d’euros. » L’ADF rappelle donc qu’elle réclame, tout comme le défenseur des droits, la création, au sein du Fonds national de protection de l’enfance, d’un fonds d’intervention destiné aux départements particulièrement confrontés à l’accueil de ces jeunes.

Réforme trop complexe

La réforme « marque une implication de l’Etat sur ce dossier, demandée et attendue depuis plusieurs années », se réjouit également France terre d’asile. Même si l’engagement financier reste limité, l’harmonisation du « premier accueil fondé sur le droit commun de la protection de l’enfance et la généralisation d’un protocole d’évaluation de l’âge minimisant le recours à l’examen de l’âge osseux constituent des avancées notables ». L’association, qui plaide également en faveur d’un système national de péréquation financière, continue néanmoins de s’interroger sur l’« applicabilité » de la réforme, qu’elle juge trop complexe et subordonnée à la bonne volonté des départements. Or, parmi ceux du grand bassin parisien concernés par le dispositif de répartition mis en place pour soulager la Seine-Saint-Denis en octobre 2011, certains renâclent déjà à jouer le jeu…

Loin de tout régler, le dispositif pourrait comporter des failles, s’inquiète l’Uniopss. Quel respect de l’intérêt supérieur de l’enfant dans le système de répartition nationale ? Quelle qualité de « mise à l’abri » des jeunes pendant les cinq jours financés par l’Etat ? Quels moyens pour les associations chargées de l’accueil et de l’évaluation de la situation du mineur ? L’organisation, qui regrette de ne pas avoir été associée aux travaux, souhaite au moins faire partie du comité de suivi de la réforme.

Dans le droit commun ?

Plus sévère, DEI (Défense des enfants International)-France enjoint à l’Etat de « reprendre son ouvrage ». Au lieu de s’inscrire dans le droit commun, le protocole « détourne en vérité le texte et l’esprit de la loi de la protection de l’enfance en faisant du procureur de la République le pivot de la prise en charge judiciaire ». L’association s’interroge sur les garanties entourant la procédure – dont l’information du jeune sur ses droits et ses possibilités de recours – et craint que la courte période de cinq jours de prise en charge financière par l’Etat ne tourne en « loterie pour des jeunes particulièrement vulnérables ». « Non seulement on dessaisit le juge au profit du parquet, mais on dessaisit la justice au profit du service social ! », s’insurge Jean-Pierre Rosenczveig, président du tribunal pour enfant de Bobigny (Seine-Saint-Denis). Autant de réserves qui rejoignent celles émises par le défenseur des droits dans un courrier adressé à la garde des Sceaux le 30 avril. Dans la mesure où la décision du procureur n’est pas susceptible d’appel, il s’inquiète du sort des jeunes laissés en dehors du dispositif, même si le protocole précise qu’ils peuvent toujours saisir le juge des enfants de leur situation. Dominique Baudis dit également être « en attente d’éléments d’information » sur le contenu des formations qui pourront être délivrées aux personnels chargés de l’évaluation des mineurs.

Sur ce dernier point, Laurence Vagnier, directrice de projet « mineurs isolés étrangers » à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, indique que l’administration réfléchit à la mise en place d’une formation qui pourrait, en plus du protocole d’évaluation, accompagner les départements dans l’harmonisation des pratiques. Par ailleurs, le délai de cinq jours de prise en charge financière « correspond au délai légal pour saisir l’autorité judiciaire, ce qui nous permet d’envisager le dispositif à droit constant ». Elle rappelle que, si nécessaire, les services du conseil général pourront prolonger les investigations dans le cadre d’une ordonnance de placement provisoire. « Face à une problématique d’une grande complexité, le protocole représente une avancée certaine pour la prise en charge et l’intérêt des mineurs isolés, commente-t-elle. Il y aura une évaluation du dispositif qui permettra, le cas échéant, d’apporter des ajustements. » La solidarité départementale n’a pas de raison de faire défaut, rassure-t-elle. « Dès lors que la péréquation est assurée entre 96 départements de métropole, les effectifs de mineurs concernés resteront tout à fait raisonnables pour chacun d’entre eux. »

Côté terrain

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