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Le gouvernement va rénover la politique familiale pour la rendre « plus juste »

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Baisse du plafond du quotient familial et de certaines aides de la PAJE, augmentation du complément familial et de l’ASF, réforme du congé parental… Les mesures annoncées le 3 juin ciblent mieux, selon le gouvernement, les familles modestes, tout en assurant la pérennité de la branche famille.

Parce que « la société et les familles ont évolué et les besoins des parents et des familles aussi », le gouvernement a engagé une rénovation de la politique familiale selon des modalités que le Premier ministre a présentées au Haut Conseil de la famille le 3 juin. Objectifs, selon lui : « rétablir la justice », en ciblant certaines aides sur les familles les plus modestes, « tout en préservant l’universalité des allocations familiales », et en luttant contre la pauvreté des enfants. Mais aussi ramener à l’équilibre d’ici à 2016 les comptes de la branche famille de la sécurité sociale, déficitaires de 2,5 milliards d’euros en 2012. Sur la base du rapport « Fragonard » d’avril dernier (1), Jean-Marc Ayrault a notamment annoncé la baisse du plafond du quotient familial, la modulation de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE), le doublement du complément familial pour les familles pauvres… Le gouvernement l’a assuré : toutes les économies dégagées bénéficieront à la caisse nationale des allocations familiales (CNAF). Des économies qui devront permettre d’améliorer les services aux familles (création de nouvelles places d’accueil pour les enfants de moins de 3 ans, doublement des moyens dédiés au soutien à la parentalité…) et favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes, notamment via la réforme du congé parental.

Ciblage des aides sur les plus modestes

« Les familles très aisées, qui cumulent les allocations familiales et d’importantes réductions d’impôt, sont très favorisées par la politique [familiale] », constate le gouvernement. Pour assurer une meilleure redistribution entre les familles en fonction de leurs revenus, le plafond du quotient familial (2) va donc être abaissé de 2 000 à 1 500 € par demi-part. Plus précisément, selon Matignon, ce nouveau plafonnement vise les ménages au-delà du niveau de revenu suivant :

→ 5 370 € par mois pour un couple avec un enfant ;

→ 5 850 € par mois pour un couple avec deux enfants ;

→ 6 820 € par mois pour un couple avec trois enfants ;

→ 7 780 € par mois pour un couple avec quatre enfants.

C’est une « mesure de justice évidente » qui va « limiter l’avantage fiscal que procure [ce] mécanisme aux familles les plus aisées », a expliqué Jean-Marc Ayrault. Ce sont 1,3 million de ménages qui seront concernés (soit 12 %) (3) et verront leur « impôt sur le revenu augmenter en moyenne de 64 € par mois », a-t-il souligné. Par exemple, « une famille de deux enfants dont le revenu est de 6 000 € par mois verra sa réduction d’impôt au titre du quotient familial diminuer de 250 €, soit 21 € par mois ». Rendement escompté de la mesure : un milliard d’euros dès 2014. Dans tous les cas, assure Matignon, « toutes ces familles conservent leurs allocations familiales de 130 € par mois (196 € si tous les enfants ont plus de 14 ans) » (4).

Par ailleurs, le chef du gouvernement a annoncé que, pour les enfants nés à compter du 1er avril 2014, le montant de l’allocation de base de la PAJE – 184,62(4) depuis le 1er avril dernier – sera divisé par deux pour les ménages dont les ressources mensuelles dépassent 3 250 € pour un couple avec un seul revenu ou 4 000 € pour un couple avec deux revenus ou pour une personne isolée. Cette mesure concernera 280 000 ménages (soit 12 % des ménages éligibles à la PAJE). Jean-Marc Ayrault a en outre indiqué que le montant de l’allocation de base ne sera pas revalorisé jusqu’à ce qu’il soit égal à celui du complément familial (167,34 € en métropole depuis le 1er avril dernier). « Le montant des deux prestations sera donc aligné d’ici à 2016 au terme d’une convergence progressive préconisée par le rapport “Fragonard”. » Au final, estime Matignon, les économies ainsi réalisées s’élèveront à 460 millions d’euros en 2016.

Autre mesure décidée : l’uniformisation du montant du complément de libre choix d’activité (CLCA). Actuellement, il est forfaitaire, servi en fonction de la quotité travaillée et des revenus, et majoré de 184,62 € pour les familles qui ne bénéficient pas de l’allocation de base de la PAJE. Pour les enfants nés à compter du 1er avril 2014, le montant du CLCA sera identique pour toutes les familles, quel que soit le niveau de leurs ressources, et modulé uniquement en fonction de la quotité travaillée (cessation complète d’activité, activité inférieure à 50 % et activité comprise entre 50 et 80 %). Les familles qui ne perçoivent pas l’allocation de base ne bénéficieront plus de la majoration et leur allocation « sera donc inférieure de 184 € par mois à celle versée aujourd’hui », explique Matignon. Cette mesure devrait engendrer 190 millions d’euros d’économies en 2016.

Le gouvernement va également supprimer la réduction d’impôt pour frais de scolarité dans le secondaire – 61 € par enfant au collège et 153 € par enfant au lycée –, « recentrant ainsi les aides publiques destinées à compenser les dépenses scolaires sur les familles les plus modestes via l’allocation de rentrée scolaire, dont le montant a déjà été augmenté de 25 % en 2012 ». Ces ménages verront donc en moyenne leur impôt sur le revenu augmenter de 12 € par mois. Rendement attendu : 235 millions d’euros dès 2014.

Revalorisation du complément familial et de l’ASF

En France, un enfant sur cinq est touché par la pauvreté, en particulier dans les familles monoparentales et les familles nombreuses. C’est pourquoi le gouvernement a décidé de doubler, entre 2014 et 2018, le montant du complément familial – montant aujourd’hui fixé à 167,34 € par mois –, en plus de l’inflation, pour les familles nombreuses vivant sous le seuil de pauvreté, soit près de 400 000 familles. Ainsi, « toutes les familles de trois enfants qui disposent d’un revenu inférieur à 1 700 € par mois (toutes les familles de quatre enfants qui disposent d’un revenu inférieur à 2 000 € par mois) verront à terme leur complément familial augmenter de 90 € par mois », assure Matignon.

Le gouvernement va aussi revaloriser de 25 % le montant de l’allocation de soutien familial (ASF), en plus de l’inflation, entre 2014 et 2018. « Toutes les familles allocataires de l’ASF verront à terme leur aide augmenter de près de 40 € par mois en moyenne », précisent les services de Jean-Marc Ayrault. Bénéficieront de cette mesure 735 000 familles et les 570 000 enfants dont le parent est à la fois titulaire du revenu de solidarité active et de l’ASF.

Amélioration des services aux familles

Pour développer de nouveaux services aux familles, le gouvernement a proposé à la CNAF d’augmenter le budget de son Fonds national d’action sociale (FNAS) de 7,5 % par an, pour atteindre plus de 6,5 milliards d’euros en 2017. Ce budget servira notamment au financement de 275 000 nouvelles solutions d’accueil des enfants de moins de 3 ans :

→ 100 000 places d’accueil collectif (financement de nouvelles structures et rénovation des équipements existants). Rappelons que, conformément au plan de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale (5), les crèches devront accueillir a minima 10 % d’enfants issus de familles pauvres ;

→ 75 000 places en école maternelle pour les 2-3 ans, « en priorité dans les zones d’éducation prioritaire » ;

→ 100 000 places auprès des assistantes maternelles, « grâce à la revalorisation de cette profession dans le cadre d’un plan “métiers” permettant le développement des carrières, de meilleures formations et un soutien financier accru au développement de “relais assistantes maternelles” afin d’assurer une présence de proximité sur tout le territoire ».

Au-delà de l’aspect quantitatif, le gouvernement entend aussi se concentrer sur la qualité de l’accueil et la réduction des inégalités territoriales et sociales, en développant, par exemple, des réponses adaptées aux besoins des parents (accueil en horaires atypiques et en urgence, accueil des enfants porteurs d’un handicap).

Les crédits du FNAS devraient aussi permettre de doubler les moyens consacrés aux dispositifs de soutien à la parentalité : s’élevant aujourd’hui à 50 millions d’euros, les crédits disponibles devraient atteindre les 100 millions d’euros à la fin quinquennat. Ils serviront, entre autres, à développer les lieux d’écoute et de partage d’expérience, l’accompagnement des parents au soutien scolaire de leurs enfants, l’aide au départ en vacances et la médiation familiale, précise Matignon. Par ailleurs, la CNAF développera les centres sociaux sur les territoires ruraux et périurbains (en visant les publics jeunes et adolescents), et renforcera le maillage du territoire et l’attractivité de ces structures (6).

Afin de pouvoir assurer ces missions, les caisses d’allocations familiales (CAF) – « actuellement en tension », reconnaît le gouvernement – verront leurs effectifs renforcés, notamment pour l’accueil. Une initiative qui pourrait se concrétiser par le recrutement de jeunes en emploi d’avenir, « à hauteur de 700 sur deux ans », a indiqué Jean-Marc Ayrault.

Réforme du congé parental

Afin de favoriser un meilleur partage des responsabilités parentales, le gouvernement a confirmé qu’il réformera le congé parental (trois ans au maximum) et la prestation qui y est associée, le complément de libre choix d’activité. Cette mesure sera inscrite dans le projet de loi pour l’égalité entre les hommes et les femmes qui doit être présenté en conseil des ministres le 3 juillet. L’idée est qu’« une part du CLCA, définie en nombre de mois, ne pourra être prise que si le second parent – le plus souvent le père – fait lui aussi usage de son droit », a expliqué Jean-Marc Ayrault. En pratique, les parents seront assurés d’en bénéficier pendant deux ans et demi, les autres six mois restants ne pouvant donc être pris que par l’autre parent. Si, au préalable, ce partage est intervenu, l’un ou l’autre des parents pourra bénéficier du congé de six mois restants. Pour l’heure la période de partage a été fixée à six mois mais elle « sera régulièrement évaluée » en fonction de la capacité de la réforme à atteindre ce résultat, a précisé le chef du gouvernement. « Naturellement, a-t-il assuré, les familles monoparentales ne seront pas concernées par ce dispositif et leurs droits seront maintenus. » La réforme entrera en vigueur le 1er juillet 2014 et n’aura pas d’effet sur les droits en cours.

Par ailleurs, afin de soutenir les familles monoparentales particulièrement exposées au risque de pauvreté, le gouvernement a annoncé qu’il allait expérimenter dans une dizaine de CAF un mécanisme de garantie contre les impayés de pensions alimentaires, dont les modalités seront définies par le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

Notes

(1) Voir ASH n° 2805 du 12-04-13, p. 5.

(2) Avantage fiscal réduisant l’impôt sur le revenu en fonction du nombre d’enfants à charge, le quotient familial consiste à diviser le revenu imposable d’un foyer par un nombre de parts, en fonction de sa configuration : 1 part pour chacun des parents,1/2 part pour chacun des deux premiers enfants et 1 part par enfant supplémentaire. Ce revenu par parts est ensuite soumis au barème de l’impôt et le montant ainsi obtenu est multiplié par le nombre de parts afin de définir le montant total de l’impôt.

(3) Selon les services de Matignon, les ménages concernés appartiennent à 73 % aux 10 % des ménages dont le niveau de vie est le plus élevé et à plus de 95 % aux 20 % des ménages les plus aisés.

(4) La modulation du montant des allocations familiales en fonction des revenus, un temps envisagée, a été abandonnée, le gouvernement estimant que la baisse du plafond du quotient familial touchera des familles plus aisées. En outre, cette modulation aurait, d’après Matignon, complexifié le travail des caisses d’allocations familiales.

(5) Voir ASH n° 2794 du 25-01-13, p. 39.

(6) 2 082 centres sociaux et 845 structures de voisinage ont été recensés et couvrent 45 % de la population.

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