Le 1er octobre 2013 : c’est à cette date qu’entrera en vigueur l’abrogation par le Conseil constitutionnel de deux articles de la loi du 5 juillet 2011 qui a réformé les soins psychiatriques sans consentement (1). Et c’est la raison pour laquelle la mission d’information sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie, constituée en fin d’année dernière par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, a décidé de consacrer un rapport d’étape à cette question (2). Présidée par le député (UMP) Jean-Pierre Barbier, la mission a rendu publiques le 29 mai ses 17 recommandations visant à améliorer le dispositif des soins sans consentement. Lors de la présentation du texte en commission, son rapporteur, le député (PS) Denys Robiliard a souligné la forte augmentation du nombre d’hospitalisations sous contrainte ces dernières années, de « près de 50 % entre 2006 et 2011 ».
Pour mémoire, la loi du 5 juillet 2011 a prévu des conditions plus strictes de levée de l’hospitalisation sans consentement pour les personnes qui ont été admises en unité pour malades difficiles (UMD) ou qui ont commis des infractions pénales en état de trouble mental, à savoir : le recueil de l’avis d’un collège de soignants et la réalisation de deux expertises par des psychiatres (articles L. 3211-12, II et L. 3213-8 du code de la santé publique). Or, pour ce qui concerne les patients en UMD, ces dispositions ont été annulées parce que les conditions de leur admission dans ces unités n’étaient pas fixées par la loi mais par un décret. Par conséquent, si le législateur n’intervient pas, ces personnes seront soumises, à compter du 1er octobre prochain, au dispositif de sortie de droit commun moins rigoureux (3).
Pour la mission, le maintien d’un régime renforcé pour la levée des mesures de soins sous contrainte de ces personnes ne semble « pas nécessaire ». En effet, explique-t-elle, à l’issue de son séjour en UMD, « le patient n’est pas livré à lui-même et la mesure de soins sans consentement dont il fait l’objet n’est pas levée : ses soins se poursuivent, hors de l’UMD, soit dans un établissement spécialisé, soit dans un service de psychiatrie d’un centre hospitalier général, soit en milieu carcéral ». Quant aux conditions d’admission, le rapport suggère au législateur de réécrire l’article L. 3222-3 du code de la santé publique en y intégrant certaines dispositions prévues aux articles R. 3222-1 à R. 3222-9 du même code, qui « forment un ensemble complet et précis de dispositions relatives aux UMD ».
S’agissant des personnes déclarées pénalement irresponsables en raison de troubles mentaux, la censure du Conseil constitutionnel a été motivée par une procédure inadaptée d’admission en soins sans consentement. En effet, d’une part, l’information du préfet par l’autorité judiciaire en vue d’une admission en soins psychiatriques est possible quelles que soient la gravité et la nature de l’infraction commise en état de trouble mental et, d’autre part, la procédure ne prévoit pas l’information préalable de la personne concernée (4). Par conséquent, les personnes concernées retomberont elles aussi dans le régime de droit commun à compter du 1er octobre prochain à défaut de correction du dispositif par le législateur.
Pour la mission, le maintien d’un régime plus rigoureux de levée des mesures de soins sans consentement pour les personnes déclarées pénalement irresponsables est « souhaitable ». En effet, se justifie-t-elle, « même en l’absence de responsabilité pénale, des actes n’en ont pas moins été commis ». Cependant, le maintien de ce régime doit être assorti d’un meilleur encadrement de la transmission d’informations entre les autorités judiciaires et le préfet. Elle invite donc le législateur à « envisager la possibilité de recours à cette transmission au vu de la gravité et de la nature de l’infraction commise en état de trouble mental ». Plus précisément, il s’agirait de la réserver « aux infractions révélant en elles-mêmes la dangerosité de leur auteur » ou, autrement dit, lorsqu’un crime a été commis. D’autre part, recommande la mission, la loi doit prévoir que la personne intéressée est informée par l’autorité judiciaire (procureur de la République, juge d’instruction…) de la transmission au préfet.
La loi du 5 juillet 2011 a substitué à la notion d’hospitalisation celle d’admission. Or, pour la mission, il s’agit d’une « véritable incohérence terminologique » et d’un « déni de la situation du patient qui, en réalité fait l’objet d’un placement ». Elle recommande donc de remplacer la notion d’admission en soins sans consentement par celle de placement en soins sans consentement. Une terminologie qui « restitue plus la vérité d’une procédure autoritaire », a indiqué Denys Robiliard à la commission.
La loi a également instauré un contrôle systématique du juge des libertés et de la détention avant l’expiration d’un délai de 15 jours à compter de l’admission en hospitalisation complète. La mission propose de ramener ce délai à cinq jours. Une mesure qui permettra « ipso facto » de réduire le nombre de certificats médicaux réalisés par les psychiatres, souligne-t-elle en expliquant que, « non seulement la multiplication des certificats médicaux requis se traduit par une charge excessive pour les psychiatres et par leur moindre disponibilité à l’égard des patients, mais paradoxalement, elle finit par nuire » aux droits de ces derniers (5). Autre paradoxe : tout en multipliant les certificats dans les premiers jours de l’hospitalisation sans consentement, la loi n’a pas prévu de certificat actualisé en cas d’appel de la décision du juge alors qu’il peut s’écouler jusqu’à 25 jours entre le dernier certificat réalisé et la décision en appel. Or, au moment de l’audience d’appel, l’état du malade est susceptible d’avoir considérablement évolué, pointe la mission en plaidant pour l’obligation d’un certificat médical actualisé en cas d’appel.
Signalons encore que la mission recommande, comme plusieurs rapports avant elle (6), de tenir les audiences à l’hôpital et de réserver la visioconférence aux cas de force majeure. Elle se déclare en outre favorable à la publicité de l’audience sauf, notamment, demande contraire de la personne faisant l’objet de l’hospitalisation. Elle propose également de rendre obligatoire la présence d’un avocat tout en relevant que, dans les faits, celle-ci semble assurée dans la quasi-totalité des cas.
Plusieurs propositions visent à améliorer la prise en charge des personnes admises en soins sans consentement. La mission appelle ainsi « à mettre en place les moyens adaptés pour [les] amener à l’hôpital » car, faute de dispositif dédié, ce sont les pompiers qui assurent le transport dans les situations de crise. Elle recommande également de procéder « effectivement » à l’examen somatique des malades lors de leur admission dans l’établissement puis durant leur traitement. Enfin, elle plaide pour le rétablissement des sorties d’essai non conditionnées à un programme de soins.
(1) Pour une présentation détaillée de la réforme, voir le numéro juridique des ASH, Les soins psychiatriques sans consentement – Mars 2012. Sur la décision du Conseil constitutionnel, voir ASH n° 2757 du 27-04-12, p. 5.
(2) Rapport d’information n° 1085 – Mai 2013 – Disponible sur
(3) A savoir : un avis conjoint de deux psychiatres de l’établissement d’accueil désignés par le directeur, dont un seul participe à la prise en charge du patient, se prononçant sur la nécessité de poursuivre l’hospitalisation complète.
(4) Plus précisément, rappelons que la loi du 5 juillet 2011 a prévu que, lorsque les autorités judiciaires estiment que l’état mental d’une personne qui a bénéficié d’un classement sans suite ou d’une déclaration d’irresponsabilité pénale nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte de façon grave à l’ordre public, elles avisent immédiatement le préfet qui peut prononcer une mesure d’admission en soins psychiatriques après avoir ordonné la production d’un certificat médical sur l’état du malade.
(5) Auditionné par la mission, le contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue, a en effet indiqué que « la pénurie de psychiatres se traduit par de fausses garanties ». Ainsi, selon lui, « s’il n’y a pas assez de psychiatres dans un établissement, un psychiatre de la grande ville voisine va être recruté et faire 80 à 150 kilomètres le week-end pour venir signer toute une série de certificats sans voir aucunement les malades ».