Un arrêté d’admission en qualité de pupille de l’Etat peut être contesté au-delà du délai de 30 jours, qui court à compter de la date de l’arrêté, lorsque les personnes admises à former un recours en justice n’ont pas été informées de l’arrêté. C’est ce qu’a décidé la Cour de cassation le 9 avril dernier au motif que les modalités de contestation d’un arrêté d’admission en qualité de pupille de l’Etat, prévues par l’article L. 224-8 du code de l’action sociale et des familles (1), sont contraires à l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme qui garantit le droit d’accès concret et effectif à un tribunal. Une décision rendue sans attendre le 1er janvier 2014, date d’entrée en vigueur de l’abrogation de l’article L. 224-8 prononcée par le Conseil constitutionnel le 27 juillet 2012 (2). Autrement dit, seuls les arrêtés d’admission pris à compter du 1er janvier 2014 sont concernés par la décision du Conseil constitutionnel. Or, rappelons que la principale conséquence du statut de pupille de l’Etat est, pour l’enfant, d’être adoptable, c’est-à-dire de pouvoir être placé à tout moment en vue de l’adoption. Ce placement empêche alors toute restitution de l’enfant à sa famille d’origine. Le contrôle de conventionnalité opéré par la Cour de cassation à l’égard de l’article L. 224-8 permet donc d’anticiper les effets de la décision du Conseil constitutionnel et d’éviter qu’un enfant ne soit définitivement séparé de sa famille d’origine (3).
Dans cette affaire, un enfant a été admis au statut de pupille de l’Etat par un arrêté du 1er décembre 2009 (4). Sa grand-mère a déposé, le 18 février 2010, un recours en annulation de cet arrêté ainsi qu’une demande de garde devant le tribunal de grande instance de Nanterre. Ce dernier a déclaré sa demande recevable mais l’a rejetée. La cour d’appel de Versailles a, quant à elle, déclaré le recours irrecevable car formulé au-delà du délai de 30 jours prévu par l’article L. 224-8. Relevant que la grand-mère n’avait pas été informée en temps utile de l’arrêté d’admission et de la faculté de le contester, la Cour de cassation a cassé la décision des magistrats versaillais et renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Paris.
(1) Le premier alinéa de l’article L. 224-8 du code de l’action sociale et des familles prévoit que l’admission en qualité de pupille de l’Etat peut faire l’objet d’un recours, formé dans le délai de 30 jours suivant la date de l’arrêté du président du conseil général, devant le tribunal de grande instance. Ce recours peut être formé par les parents, en l’absence d’une déclaration judiciaire d’abandon ou d’un retrait total de l’autorité parentale, par les alliés de l’enfant ou toute personne justifiant d’un lien avec lui, notamment pour avoir assuré sa garde, de droit ou de fait, et qui demandent à en assumer la charge.
(2) Pour mémoire, ce texte a été jugé contraire à la Constitution dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité transmise par la Cour de cassation dans la même affaire. Le Conseil constitutionnel a estimé qu’il ne garantit pas aux personnes éventuellement intéressées de pouvoir exercer un recours effectif devant une juridiction. Toutefois, afin de permettre au législateur de trouver le moyen de porter l’arrêté d’admission à la connaissance des personnes susceptibles de former un recours, il ne l’a abrogé qu’à compter du 1er janvier 2014 – Voir ASH n° 2772 du 31-08-12, p. 14.
(3) Mais la décision de la Cour de cassation met aussi en difficulté les conseils généraux qui vont devoir veiller à l’information des personnes autorisées à former un recours alors que ses modalités ne sont pas encore définies.
(4) L’enfant, né le 7 avril 2009, sans filiation paternelle établie, a fait l’objet d’un placement provisoire à sa naissance par décision de l’autorité judiciaire. A la suite du décès de sa mère, le 30 octobre 2009, un procès-verbal de recueil de l’enfant par l’aide sociale à l’enfance a été établi le 30 novembre 2009.