A l’heure où le président de la République et le gouvernement mettent la question de l’emploi au premier rang de leurs préoccupations, plusieurs rapports viennent opportunément rappeler que nous sommes loin du compte en ce qui concerne la politique publique d’insertion professionnelle.
Ainsi, dans un rapport rendu fin avril (1), le Conseil d’analyse économique (CAE) n’y va pas par quatre chemins lorsqu’il s’agit de juger l’efficacité des mécanismes d’aide à l’emploi des jeunes : 17 % de la tranche des 15-29 ans ne sont ni en emploi ni en formation, soit près de 2 millions de personnes, parmi lesquelles 900 000 ne cherchent même plus d’emploi. Ce sont des jeunes « à la dérive », selon l’expression même du CAE… Triste constat que ne contribuent pas à nuancer ou à atténuer les jugements portés sur les dispositifs d’insertion professionnelle des jeunes.
D’un côté, l’apprentissage, insuffisamment ciblé vers les jeunes non diplômés, n’atteint pas les étiages qui en feraient un instrument concourant efficacement au renversement de la situation, alors que l’on sait de longue date qu’il est un des moyens les plus efficaces en matière d’insertion durable dans l’emploi. Il conviendrait de le développer fortement vers les jeunes pour lesquels il est seul à même d’assurer un véritable accès à l’emploi, et donc de repenser son contenu, notamment en termes de formation, ainsi que ses moyens.
De l’autre, la mesure phare du gouvernement, les « emplois d’avenir », qui sont censés constituer l’outil principal en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes peu ou pas qualifiés, ne semble pas tenir les espérances mises en elle. Encore trop peu nombreux pour peser efficacement ne serait-ce que sur les chiffres, ces contrats ne trouvent preneurs pour l’essentiel que dans les secteurs public et associatif. Or, selon le CAE, ce sont les entreprises privées qui sont en capacité d’offrir des terrains véritables de formation et d’insertion durable. Ce qui supposerait de réorienter les budgets vers cet objectif.
Concomitamment, le Conseil d’orientation pour l’emploi (COE), que le gouvernement avait chargé d’une étude sur les aides aux entreprises en faveur de l’emploi, vient de rendre deux rapports : l’un visant à donner une vision d’ensemble des divers dispositifs, l’autre proposant une évaluation de ces mêmes dispositifs (2). Le ton moins incisif du COE n’enlève rien au jugement très mitigé qu’il porte sur les contrats aidés. Alors qu’ils doivent concourir à l’insertion professionnelle des personnes les plus éloignées du marché du travail, la conjoncture très déprimée incline à les utiliser plutôt comme moyen d’atténuer la hausse du chômage en fournissant des activités temporaires. De même, la comparaison de l’efficacité du placement de ces contrats dans le secteur marchand par rapport au secteur non marchand plaide pour un recours au premier, plus efficace en termes de durabilité des emplois. Sous réserve toutefois de convaincre les entreprises…
Pour améliorer l’efficacité de ces politiques, on retombe sur des préconisations déjà souvent mises en avant : mettre en place des formations adaptées aux personnes les plus fragiles et les plus démunies par rapport aux exigences du marché de l’emploi ; rééquilibrer les contrats aidés pour accroître leur nombre dans le secteur marchand ; penser les passerelles entre secteurs non marchand et marchand, soit du point de vue des activités (en visant des métiers nécessitant des compétences proches), soit du point de vue des interfaces possibles (telles les structures de l’insertion par l’activité économique); distinguer entre les effets structurels attendus (insérer durablement les personnes) et les effets conjoncturels (offrir des activités d’attente) en créant des enveloppes financières distinctes.
Que conclure de tout cela ? Certainement un sentiment de saturation, tant il apparaît que les rapports se suivent et se ressemblent. La trop grande complexité des dispositifs, leur variabilité incessante… autant de constats connus depuis trente ans. A cela s’ajoute les biais qui s’introduisent dans leur utilisation, notamment le fait qu’ils ne servent pas les publics pour lesquels ils sont faits ou qu’ils sont détournés des objectifs qui leurs sont assignés. Le fait aussi que leur succès tient dans la capacité de mobiliser prioritairement les entreprises pour qu’elles accueillent des publics a priori éloignés de l’emploi ne peut guère surprendre. Alors que les ressources affectées à la politique de l’emploi sont très importantes, faut-il se résigner à ce qu’elles soient principalement consacrées à « gérer » des populations à distance de l’emploi sans contribuer significativement à les intégrer dans les modalités ? communes de mise au travail avec les droits et les obligations qui en découlent ? La question reste posée.