Après la présentation du rapport des inspections générales des affaires sociales (IGAS) et des finances (IGF) sur le financement de l’insertion par l’activité économique (IAE), en avril dernier (1), le calendrier de concertation sur une réforme plus globale du secteur, selon les axes de travail définis par les ministres du Travail et de l’Economie sociale et solidaire, a été fixé par le CNIAE (Conseil national de l’insertion par l’activité économique) lors de sa réunion du 15 mai.
Le premier groupe de travail – sur le financement – doit rendre ses conclusions mi-juin, ce qui devrait permettre d’en tenir compte dans les arbitrages budgétaires de la prochaine loi de finances. Les deux autres – sur la gouvernance et l’accompagnement et le suivi des publics – devraient se réunir trois fois entre juin et octobre. Malgré ce calendrier très serré, les réseaux espèrent aboutir à une refonte d’ampleur qui permette aux structures (SIAE) à la fois d’assumer leur mission d’accompagnement vers l’emploi des publics fragilisés et d’être reconnues comme des acteurs du développement économique et social local. Une perspective ambitieuse, qui ne peut faire l’économie, plaident-ils, d’un renfort de moyens et de coopérations plus organisées.
Priorité en matière de financement : compenser les difficultés budgétaires des structures en leur attribuant sans attendre les dix millions d’euros déjà votés en faveur de l’IAE dans la loi de finances pour 2013, et en débloquant les crédits traditionnellement sous-consommés (en moyenne dix millions d’euros chaque année). Oui à l’aide au poste modulable, qui représente la proposition majeure du rapport des inspections, mais en indexant son montant sur le SMIC pour l’ensemble des structures, réclament-ils. Le CNEI (Comité national des entreprises d’insertion) et Chantier école insistent également sur la nécessité d’établir le montant de base « en adéquation avec le coût de la mission socle d’insertion » des structures, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.
Parmi leurs 29 propositions communes, la FNARS (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale) et Emmaüs France détaillent leurs attentes sur les critères de modulation de l’aide au poste. Alors que le profil des publics accueillis, les moyens d’accompagnement et les résultats en termes d’insertion sont les trois paramètres retenus par le rapport, les deux réseaux souhaiteraient que soient considérés comme sorties « positives » l’accès au logement, la reconnaissance du statut de travailleur handicapé, l’accès au permis de conduire ou encore l’inscription à une formation préqualifiante. Au-delà des taux de sortie, il s’agit d’évaluer l’« impact social » (hors emploi) et l’« impact territorial » (contribution au développement solidaire et durable) des actions engagées, ajoute le Coorace. Les associations veulent aussi que les résultats des structures tiennent compte de leur situation territoriale (taux de chômage, nombre de bénéficiaires du RSA…)
Côté gouvernance, elles estiment que la formation devrait faire partie de la compétence des comités départementaux de l’insertion par l’activité économique (CDIAE). D’où la proposition de la FNARS et d’Emmaüs d’élargir leur composition aux OPCA (organismes paritaires collecteurs agréés). Pour développer la construction de parcours diversifiés, la création d’ensembliers d’insertion, sous la forme de « groupes économiques solidaires », est plébiscitée. Ceux-ci permettraient un agrément transférable d’une structure à l’autre pour les salariés accompagnés et un dialogue de gestion unique pour les structures qui les composent. L’articulation entre les CDIAE et les « instances régionales ou départementales de contractualisation des politiques de l’emploi, de la formation professionnelle ou de la cohésion sociale est indispensable », ajoutent la FNARS et Emmaüs France. Soutenant la proposition des inspections d’intégrer des salariés en insertion au sein du CNIAE, les deux associations recommandent de « valoriser dans les dialogues de gestion, via des indicateurs de performance élargis, la mise en œuvre de démarches participatives » dans les structures.
Elles insistent également sur leur volonté d’améliorer la qualité de l’offre d’insertion, à leur avis trop peu affirmée dans le rapport de l’IGAS et l’IGF. Elles souhaitent que soit organisé « l’accompagnement dans l’emploi des personnes en s’appuyant sur les techniques de médiation active et en reconnaissant cette compétence aux structures de l’IAE ». Autre proposition : la mise en œuvre d’un contrat de travail commun à tous les salariés en insertion, quel que soit le type de structure, « avec une souplesse réelle en termes de durée de travail hebdomadaire, de durée dans le temps et des possibilités accrues de travail en entreprise par l’immersion et le détachement ». Renforcer l’accès à la formation implique, en outre, d’adapter les montants et les mécanismes des appels à projets du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) aux besoins des structures de l’IAE, soulignent la FNARS, Emmaüs et le Coorace. Les associations réaffirment, par ailleurs, que l’IAE doit s’adresser à l’ensemble des publics en difficulté, y compris en rupture de droit, au-delà des critères administratifs privilégiés par le rapport (demandeurs d’emploi de longue durée, bénéficiaires de minima sociaux et personnes placées sous main de justice).
Le CNEI, qui rappelle son ambition de tripler l’offre dans les entreprises d’insertion durant le quinquennat, met l’accent sur la nécessité d’articuler la réforme avec le projet de loi sur l’économie sociale et solidaire. Celui-ci prévoit notamment la possibilité, pour les acheteurs publics, de réserver une part de leurs marchés aux structures de l’IAE. L’enjeu, abonde le Coorace, est de porter une « vision entrepreneuriale de l’insertion, ancrée dans les territoires, participative et forte de ses capacités de coopération et d’innovation ».
(1) Voir ASH n° 2806 du 19-04-13, p. 5.