Comment introduire « plus de lisibilité, de simplicité, de transparence et d’efficacité » dans des processus d’attribution de logements sociaux, perçus aujourd’hui comme de véritables « parcours du combattant [semés] d’embûches, de zones d’ombre et d’incompréhensions » ? C’était tout l’enjeu de la concertation lancée en janvier dernier et clôturée le 22 mai par la ministre de l’Egalité des territoires et du Logement. Quatre groupes de travail avaient été mis sur pied pour plancher sur la question (1). Parallèlement, un « comité des sages » – composé de personnalités de divers horizons (parlementaires, représentants associatifs ou d’administrations) – devait s’assurer du bon déroulement de cette concertation et de la cohérence des propositions émises.
Au terme de quatre mois de travaux, cette « première phase » vers une refonte du système d’attribution des logements sociaux a abouti à 30 propositions – déclinées dans un rapport de plus de 200 pages –, ainsi qu’à un avis émis par le comité des sages (2). Parmi ces propositions, Cécile Duflot a décidé de mettre l’accent sur « quatre axes de réforme principaux ».
La première étape consistera à aller vers une simplification de la demande de logement social. Après le formulaire unique (3), « nous devons aller vers un dépôt unique de dossier », a-t-elle indiqué. « Chaque demandeur n’aura à déposer sa demande qu’en un seul lieu, et elle vaudra pour l’ensemble des réservataires et des bailleurs. » L’idée, autrement dit, est d’éviter au demandeur de devoir dupliquer son dossier auprès de plusieurs guichets. Il pourra également déposer sa demande sur Internet, a encore promis la ministre.
Le deuxième axe de la réforme consistera à améliorer l’information des demandeurs tout au long du processus de demande jusqu’à l’attribution. Il s’agira, en amont, de « mieux faire connaître l’ensemble du processus d’attribution » et, en aval, « d’informer les demandeurs sur le suivi de leur demande », a expliqué Cécile Duflot, qui souhaite en particulier une information sur les délais théoriques d’attente en fonction de la demande.
A qui reviendrait-il de délivrer ces informations ? Le groupe de travail qui a planché sur le sujet plaide pour la création d’un service commun d’information, d’enregistrement et d’accueil des demandeurs. Une idée validée par le comité des sages, qui évoque « un lieu d’accueil physique des demandeurs pouvant, non seulement délivrer une information générale sur la procédure d’attribution et l’offre de logements, mais aussi délivrer aux demandeurs, oralement et par écrit, des informations individualisées notamment sur les chances de succès de leur demande et sur l’offre de logements disponibles (hors contingents) dans les secteurs géographiques qu’ils ont choisis ». La création d’un tel lieu pose la question de son coût pour les acteurs, note le comité, mais celui-ci pourrait être limité par la mutualisation de moyens existants.
Concrètement, ces deux premiers axes de réforme que sont « l’établissement d’un dossier unique » de demande et « l’accès de tous à une information commune » figureront, en tant que « première pierre de la réforme des attributions », dans le projet de loi « urbanisme et logement » attendu avant l’été en conseil des ministres. Les troisième et quatrième axes retenus, à l’inverse, « nécessiteront une concertation approfondie pour leur mise en œuvre opérationnelle ».
Le troisième axe de réforme annoncé par la ministre consiste à définir « l’échelle territoriale pertinente » pour la politique d’attribution des logements sociaux. Cécile Duflot retient à cet égard des travaux de concertation que choisir le niveau intercommunal pour porter cette politique « fait sens aux yeux de nombreux acteurs ». Une idée qu’elle partage. Elle estime ainsi que le rôle de pivot de l’organisation et du pilotage de cette politique devra être confié aux agglomérations, au moins sur les territoires où la tension en matière de logement le justifie.
Cette réforme devra toutefois s’articuler de manière complémentaire avec les futures lois de décentralisation (4), dont la première est en cours d’examen au Parlement. En attendant, la ministre encourage toutefois toutes les collectivités volontaires à effectuer cette mission au niveau de l’intercommunalité.
Quatrième et dernier axe de réforme annoncé : la mise en place d’un système de hiérarchisation des demandes (dit « scoring »), c’est-à-dire des barèmes pour évaluer les dossiers de candidature et éviter toute forme d’arbitraire et de clientélisme. Conscients du risque qu’un tel outil pourrait aboutir à un système automatique d’attribution, le groupe de travail qui a planché sur le sujet, le comité des sages et la ministre ont souligné la nécessité de ne considérer un tel système de cotation que comme un outil d’aide à la décision et de conserver une approche humaine. « L’attribution d’un logement social […] est une question profondément humaine pour le ménage concerné », a ainsi insisté Cécile Duflot. « Aucun système complètement automatisé ne peut répondre à la globalité des situations. Il faut gagner en efficacité sans perdre en humanité. » Concrètement, la ministre souhaite qu’un « travail précis et approfondi soit mené sur le sujet dans les mois à venir ». « Si nous voulons que la cotation soit un appui transparent et efficace à la prise de décision, alors il doit être partagé et reconnu par tous », a-t-elle martelé.
Plus globalement, Cécile Duflot a indiqué vouloir mettre en place un « comité de suivi partenarial de la réforme » – qui sera chargé à la fois de l’accompagner dans la poursuite de la définition de cette réforme et dans les modalités de mise en œuvre –, ainsi qu’un système d’évaluation du futur dispositif.
(2) Le rapport des groupes du travail et l’avis du comité des sages sont disponibles sur
(3) Depuis le 1er avril 2011, le demandeur ne fait plus qu’une seule demande de logement au moyen d’un formulaire CERFA unique, auquel il doit adjoindre les pièces justificatives pour l’instruction. Cette simplification des démarches est néanmoins à relativiser, le demandeur devant dupliquer son dossier d’instruction (pièces justificatives) auprès des bailleurs et des réservataires supposés pouvoir s’en saisir.