L’amer retour au pays

Trois mille cinq cents euros, pas plus. C’est avec cette modique somme que Da Cheng et Xiao Qiu Zhang, 60 ans à peine, retournent en Chine après dix années de clandestinité passées en France. Cette aide au retour volontaire attribuée au couple par l’Office français de l’immigration et de l’intégration est leur seule richesse quand ils débarquent à Pékin.

Dans ce documentaire qui leur est consacré, M. Zhang et sa femme se souviennent qu’au moment de partir de leur pays ils ont vendu leur maison et payé 13 000 € au passeur pour atteindre l’Europe. Un continent qui n’était finalement pas l’eldorado qu’ils s’étaient imaginé. Dix ans à être sans papiers, dix ans pendant lesquels ils ont appris à dire adieu à leurs rêves de réussite, dix ans durant lesquels ils n’ont eu de cesse de demander une régularisation toujours refusée. Dix ans à se cacher, donc, à avoir peur de la police et de perdre leur travail. Dans leur appartement aux murs moisis de La Courneuve (Seine-Saint-Denis), ils ont passé leurs journées à coudre à la commande pour des grossistes peu scrupuleux. S’ils avaient été légalisés, ils auraient pu monter un commerce, affirment-ils. « Rester ici est inutile. Mais si on rentrait, il faudrait tout recommencer », peste Da Cheng. C’est pourtant ce à quoi le couple se résigne au fil du documentaire qui les suit de la banlieue parisienne jusqu’en Chine. Là-bas, Da Cheng et Xiao Qiu retrouvent leurs enfants, qu’ils n’ont pas vus grandir. C’est eux qui, pendant un temps au moins, devront aider financièrement leurs parents.

Les larmes aux yeux, M. et M^me Zhang retrouvent un pays dont ils ont raté le boom économique. Voir que leurs amis d’enfance ont tous bien réussi les rend presque amers. Ils ne se sentent finalement chez eux ni ici ni là-bas et ne gardent espoir que grâce à l’amour qu’ils partagent. Dans un rare moment d’optimisme, Xiao Qiu affirme malgré tout : « On est riches d’avoir connu la France. »

Emouvant et original, Monsieur et Madame Zhang, portrait d’une communauté méconnue, a reçu le prix ESJ-Lille au 20^e Festival international du grand reportage d’actualité et du documentaire de société (FIGRA) du Touquet.