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L’ONPES veut redonner à l’assistance ses lettres de noblesse

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L’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale invite les pouvoirs publics à réhabiliter le sens républicain de l’assistance aux plus démunis et à reconsidérer le rôle du travail social.

Cette fois, l’ambition n’est pas statistique ni prospective. Mais une réflexion de sciences sociales pour mieux porter un message dont la dimension est éminemment politique. Deux ans quasiment jour pour jour après le « cancer de l’assistanat » dénoncé par l’ancien ministre (UMP) Laurent Wauquiez, l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES) a remis le 16 mai à la ministre déléguée chargée de la lutte contre l’exclusion, Marie-Arlette Carlotti, un rapport annuel « différent », selon le qualificatif de son président, Jérôme Vignon. Titré « Penser l’assistance » (1), il pourrait bien faire date par sa volonté de réhabiliter cette notion héritée de l’histoire de la République. « Le Conseil de l’ONPES a fait le choix de ce sujet en 2011, lorsqu’est apparu que la question de l’aide aux plus démunis, brocardée sous le vocable d’assistanat, devenait un thème de campagne, révélant par là même que la pauvreté n’est pas seulement une question objective, mais aussi la conséquence d’un climat social, d’une manière de regarder ou de considérer les populations en grande difficulté », a expliqué Jérôme Vignon lors de la présentation du rapport, en présence d’Etienne Pinte, président du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE), et de plusieurs membres de son « huitième collège » (représentants des personnes en situation de précarité).

Droits et devoirs

Il existe, depuis la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1793, « un lien entre l’universel de la citoyenneté et la fonction sociale d’assistance aux malheureux », rappelle Jérôme Vignon. Depuis que la IIIe République a consacré le devoir de solidarité nationale – et l’après-guerre, les fondements de la Sécurité sociale –, le droit à l’aide sociale a, néanmoins, constamment été mis en tension entre les obligations de la société et celles de l’individu. Activation, contractualisation, responsabilisation… Si la relation d’assistance « à la française » repose sur un équilibre entre droits et devoirs réciproques, « à partir des années 1970, sous la pression des difficultés économiques et du développement d’une approche libérale, une lecture plus “économique” prévaut », et met l’accent sur les obligations des bénéficiaires. Evolution politique cependant contrecarrée par les acquis juridiques : « la tendance la plus récente de la jurisprudence est d’insister sur l’accès effectif aux droits et donc sur des obligations de résultats pour les pouvoirs publics », souligne le président de l’ONPES.

Il n’empêche. Dans une société de tempérament « à la fois solidariste et soupçonneux », la pression sur les plus démunis augmente en même temps que la courbe du chômage. A partir d’une étude qualitative menée auprès de 19 personnes en situation de pauvreté, avec l’aide de trois associations, l’observatoire rend compte des effets de l’opacité et de la complexité du système d’aides sociales. Adossées à une logique de contrôle et de justifications permanentes, les règles qui les régissent aboutissent à un sentiment d’incompréhension, d’humiliation, de rejet qui favorise le non-recours aujourd’hui reconnu comme une défaillance des politiques publiques.

Levier vers l’autonomie

Penser l’assistance donc, mais pour mieux en sortir. Dans le souci de promouvoir une « vie digne et autonome », le rapport de l’ONPES « se risque, au-delà de la seule observation, à ouvrir des pistes ayant pour but d’accentuer la fonction “habilitatrice” de l’aide publique ». Il enjoint aux pouvoirs publics de reconnaître le rôle du travail social, qu’il s’agit à la fois d’« individualiser », afin de valoriser la parole et les capacités des personnes accompagnées, et d’« institutionnaliser » pour lui reconnaître « un rôle majeur dans l’unité, voire dans le dynamisme de notre pays », défend Jérôme Vignon. Concrètement, il propose de privilégier la notion de « droits objectifs » qui ont présidé à la construction du système de protection sociale et de réduire « le rôle de la prescription sociale discrétionnaire ». Il suggère de favoriser le déclenchement automatique de prestations, sans instruction sociale, ou encore de développer les plateformes multipartenariales qui permettent le rapprochement de plusieurs institutions et l’idendification de publics « invisibles » dans certains dispositifs. Pour l’observatoire, l’acte III de la décentralisation (2) devrait aider à favoriser l’universalité et la simplicité des aides ainsi que la coopération entre les acteurs nationaux et départementaux. Plus lisibles, moins « inquisiteurs », les dispositifs doivent aussi favoriser les approches globales d’accompagnement, notamment par un redimensionnement de l’insertion par l’activité économique.

Relevant que les prestations d’assurance sociale ont davantage progressé (+ 8,6 %) entre 2008 et 2010 que celles de l’assistance (+ 6,6 %), l’ONPES prône une augmentation du socle de base de ces dernières afin qu’elles puissent jouer leur rôle « de levier vers une plus grande autonomie ». Parce que l’effort national consenti pour lutter contre la pauvreté doit être considéré comme un « investissement social », il appelle à la mise en place d’une méthodologie qui permettrait de mesurer les gains économiques et sociaux des divers domaines de la dépense publique.

Noblesse du travail social

Au final, Jérôme Vignon espère avoir convaincu le gouvernement de « la proximité entre assistance et citoyenneté, entre assistance et noblesse du travail social ». Objectif atteint ? L’exercice a été jugé « salutaire » par Marie-Arlette Carlotti, qui a déclaré vouloir s’en emparer pour continuer à mettre en œuvre le plan quinquennal de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale (3), dont le souci de rompre avec la stigmatisation des plus pauvres a constitué la toile de fond. Parmi les mesures annoncées à cette occasion : la lutte contre le non-recours aux prestations sociales, l’augmentation de 10 % en cinq ans du revenu de solidarité active (RSA) (contre 25 % réclamés par le CNLE), l’organisation des états généraux du travail social en 2014 – précédés de séminaires inter-régionnaux qui devraient démarrer à l’automne. Il faudra cependant attendre les conclusions de la mission du député socialiste Christophe Sirugue – annoncées pour fin mai – pour connaître les intentions du gouvernement sur la réforme du RSA « activité » et de la prime pour l’emploi. Mais aussi le contenu de la prochaine convention d’objectifs et de gestion de la caisse nationale des allocations familiales pour mesurer le nouvel équilibre entre aide à l’accès aux droits et lutte contre la fraude sociale…

Notes

(1) Disponible sur www.onpes.gouv.fr.

(2) Voir ASH n° 2807 du 26-04-13, p 14.

(3) Voir ASH n° 2794 du 25-04-13, p 39.

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