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A tous ceux qui vivent « avec »…

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Consonne occlusive, le P « se caractérise par un silence pendant le temps où les lèvres sont maintenues fermées, suivi d’une explosion brève ». « Supposé se situer sur l’arc-en-ciel entre le bleu et le violet », l’indigo n’existe pas dans le spectre des couleurs visibles. Depuis qu’il est tombé à la rue, Pascal se vit comme une consonne indigo. Transparent. Inaudible. Alors qu’il s’assied au milieu de la foule, les regards glissent sur lui, les passants dévient légèrement leur trajectoire, contournent l’obstacle sans même le regarder. On ne lui adresse la parole « que pour faire et refaire le bilan de [sa] situation, beaucoup des travailleurs sociaux ne supposant y parvenir qu’à l’éternelle condition de repartir de zéro », le condamnant à « l’autofiction ». Cette vie de la rue, ce basculement « dans un état de cloisonnement où nul n’est plus en mesure de vous entendre », Pascal voulait en faire « un roman gros et vrai comme un dictionnaire ». L’ouvrage, écrit sous pseudonyme par un bénévole des Restos du cœur, est plus mince mais tout aussi riche. Pascal n’y témoigne qu’à peine de son quotidien, de la débrouille ou des amitiés qui commencent par le prêt d’une couverture ou le partage d’une bouteille. Son propos est autre : se faire entendre et comprendre de ceux qui vivent « avec » – un toit, un abri, un domicile fixe. Happer leur attention, être reconnu comme un semblable par ceux qui le lisent. Pouvoir dire et être entendu. Pouvoir exprimer ses propres aspirations sans voir ses « besoins individuels » dilués dans une « réclamation collective d’annonces politiques ». Emerger d’une vie dans laquelle sentir sa propre peau en la scarifiant devient la seule preuve de son existence – alors même que chacun de ses gestes reste à la vue de tous, le privant de toute intimité. A l’adresse de la société, Pascal formule ce vœu : assumer de toute urgence « le risque de donner sans retour, ce qui ne veut pas dire donner sans attente », pour en finir avec des politiques sociales exigeant toujours plus de contreparties, qui résonnent comme autant de marques de défiance. « Pour que la personne en difficulté ne soit plus assistée sous conditions, mais endettée librement par la communauté ».

Moi, P, consonne indigo

Mir – Ed. de la Ramonda – 9 € – La moitié des bénéfices de la vente est versée à la personne dont l’histoire s’inspire – Plus d’infos sur www.sentinelles-indigo.org

Culture

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