« Quand une personne est handicapée, la médecine s’intéresse souvent à ce qui la handicape, mais pas à sa santé en général », déplore Christel Prado, présidente de l’Unapei (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis). Pour y remédier, l’association publie le 17 mai un « livre blanc » intitulé « Pour une santé accessible aux personnes handicapées mentales » (1), qui sera officiellement présenté lors de son congrès annuel, du 23 au 25 mai à Marseille, et remis à la ministre de la Santé, Marisol Touraine. Objectif : que ces patients puissent avoir accès aux dispositifs de droit commun, tout en bénéficiant de soins spécifiques à leur handicap (2). L’enjeu est d’autant plus important que « l’espérance de vie des personnes handicapées mentales a globalement triplé et tend à rattraper celle de la population générale ». Or cette avancée en âge « est à l’origine d’un besoin en soins de plus en plus important », souligne le « livre blanc ».
Pour l’Unapei, l’un des grands chantiers à mettre en œuvre est celui de la prévention, un champ duquel sont souvent exclues les personnes handicapées mentales. « L’opération M’T dents [qui propose des rendez-vous gratuits chez le dentiste tous les trois ans aux mineurs, NDLR] ne concerne pas les instituts médico-éducatifs. En gynécologie, il n’y a pas de dépistage pour les femmes handicapées mentales car c’est compliqué de leur faire passer un examen », dénonce Christel Prado. L’Unapei demande donc que les personnes handicapées mentales bénéficient des programmes de dépistage, de vaccination ou de prévention du surpoids et de l’obésité, par exemple, au même titre que le reste de la population. Pour cela, elle recommande notamment que les campagnes soient rédigées en français « facile à lire et à comprendre ». Elle propose également que soit réalisé un bilan de santé complet tous les trois à cinq ans, pris en charge par la sécurité sociale.
Autre point noir dans l’accès aux soins : la formation des professionnels. « L’enseignement du handicap est très limité (quelques dizaines d’heures) durant le cursus des études médicales ainsi que durant les études paramédicales », regrette l’Unapei. L’association souhaite donc qu’une plus large place soit faite à cette question et que des stages soient effectués par les étudiants en médecine dans le secteur médico-social et par les étudiants des cursus paramédicaux dans des structures sanitaires. Car, pour l’heure, « des deux côtés, on ne fait pas suffisamment d’efforts pour travailler ensemble ».
L’union propose, en outre, que la tarification des soins et leur remboursement soient réévalués, à hauteur du « double » ou du « triple de la tarification de base » de la sécurité sociale. « Chez le dentiste, par exemple, une personne avec autisme ne s’allonge et n’ouvre pas la bouche tout de suite… », précise Christel Prado. Ce surplus de temps nécessaire à la consultation devrait donc être compensé.
Ce « livre blanc » est publié alors que doit être rendu public d’ici peu le rapport de Pascal Jacob, président de l’association I=MC2, qui doit faire des propositions sur l’accès aux soins de l’ensemble des personnes handicapées. En attendant que ces chantiers soient mis en place, nombre de familles – aucune statistique officielle n’existe – renoncent aux soins. Soit par découragement face aux obstacles, soit en raison des coûts élevés. Or, l’Unapei le rappelle, plus les soins tardent, plus ils sont lourds et coûteux.
(1) Disponible auprès de l’Unapei : 15, rue Coysevox – 75876 Paris cedex 18 – Tél. 01 44 85 50 50 –