Conformément à la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, les professionnels des établissements et services sociaux et médico-sociaux assurant une mission de protection de l’enfance (1) sont tenus de réaliser, en cours de mesure, une évaluation interdisciplinaire de la situation des mineurs (2) et des jeunes majeurs. Dans ce cadre, l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) vient de publier une recommandation sur les conditions de réalisation de cette évaluation (3), qui doit, selon elle, permettre de « construire un projet le plus personnalisé possible, au plus près de la situation, des attentes et des besoins de la personne » et de rechercher systématiquement l’intérêt du jeune. Cette recommandation complète celle que l’agence a publiée en 2008 sur « les attentes de la personne et le projet personnalisé ».
Pour l’ANESM, une évaluation interdisciplinaire de la situation du mineur ou du jeune majeur doit être effectuée au moins une fois par an et prendre en compte les précédentes évaluations, notamment l’évaluation initiale, éventuellement une mesure judiciaire d’investigation éducative, le projet pour l’enfant et le projet personnalisé. Cette évaluation ne doit pas être un simple diagnostic qui aboutirait à un état des lieux mais une « démarche méthodique et structurée qui cherche à identifier et à comprendre les difficultés rencontrées par un mineur/jeune majeur et sa famille afin d’élaborer des hypothèses de travail guidant les réponses à apporter en termes d’orientation et d’accompagnement du mineur/jeune majeur, tout au long de l’intervention ». Elle doit aussi permettre de mesurer les effets de ces réponses et de les ajuster si nécessaire. Aussi, insiste l’agence, faut-il « évaluer chaque situation comme une situation unique requérant une évaluation individuelle, y compris pour différents mineurs appartenant à une même fratrie ». Autres points cruciaux, selon elle : développer la participation du mineur/jeune majeur et de ses parents au processus d’évaluation interdisciplinaire de sa propre situation, mais aussi partager, tout en respectant le secret professionnel, les informations nécessaires à la réalisation des évaluations au sein même de l’équipe pluridisciplinaire de l’établissement ou du service et avec les partenaires extérieurs.
Signalons qu’un chapitre de la recommandation est consacré aux modalités du travail en équipe et en partenariat : comment construire une équipe pluridisciplinaire, assurer l’articulation avec les services du conseil général ou encore développer des partenariats dans les domaines sanitaire, scolaire, de la formation et de l’insertion. Des indications sont aussi fournies pour la rédaction du rapport annuel sur le déroulement de la mesure prononcée à l’égard du mineur/jeune majeur.
L’évaluation interdisciplinaire n’est « pas un acte isolé mais un processus qui s’inscrit dans le temps » dans la mesure où il tient compte de l’histoire et des accompagnements précédents du mineur/jeune majeur, évalue sa situation actuelle et celle de son environnement, et détermine des pistes de travail permettant de l’inscrire dans un projet personnalisé. Aussi convient-il d’établir une méthodologie de l’évaluation, estime l’ANESM, qui appelle les professionnels de la protection de l’enfance à, par exemple, veiller à ce que la situation de chaque mineur/jeune majeur soit évaluée et réévaluée, « y compris les mineurs moins “bruyants” qui ne paraissent pas en difficulté mais qui peuvent développer une souffrance réelle, peu ou pas perceptible » et à définir la fréquence de l’évaluation interdisciplinaire la plus adaptée à la situation du mineur. Sur ce dernier point, l’agence préconise de réaliser au moins une évaluation à mi-parcours et une évaluation à chaque fois qu’une urgence ou un événement important intervient dans le parcours et la vie du mineur/jeune majeur.
Dans tous les cas, l’évaluation doit être articulée autour des quatre axes suivants :
→ l’évolution et le développement du mineur/jeune majeur. Il s’agit, entre autres, d’évaluer sa santé, son développement personnel, affectif, intellectuel, etc., ses rapports avec sa famille, son estime de lui, de faire le point sur son parcours scolaire ou de formation professionnelle, mais aussi de mesurer le degré de compréhension de sa situation et de la mesure dont il bénéficie ainsi que le degré de motivation et d’implication dans la mise en œuvre de son projet personnalisé ;
→ l’adaptation des réponses parentales vis-à-vis du mineur (capacité à donner des soins de base, à garantir sa sécurité…), les potentialités et les ressources des parents…;
→ l’environnement du mineur/jeune majeur. Il convient, par exemple, d’évaluer les facteurs familiaux et environnementaux qui influent sur son développement, d’identifier ce qui peut être une ressource pour lui au-delà de sa famille (amis, voisins…) et d’évaluer si l’environnement constitue une ressource ou un danger ;
→ l’impact sur le mineur/jeune majeur du travail d’accompagnement en cours.
L’ANESM souligne que la seule prise en compte de ces quatre axes ne suffit pas à s’engager dans une approche globale et que « l’étape indispensable consiste à opérer des liens entre ces différents axes ».
Pour l’ANESM, il faut favoriser la participation du mineur/jeune majeur et de ses parents au processus d’évaluation interdisciplinaire car cela « permet une adhésion accrue, une co-construction, un meilleur déroulement de la mesure et améliore [son] accompagnement ». Par exemple, il convient, selon l’agence, d’organiser le recueil de l’avis, des perceptions et des ressentis du mineur de manière adaptée à son âge et à ses moyens de communication par le professionnel le plus approprié, de repérer les conditions les plus favorables au déroulement de l’évaluation (locaux, horaires, interlocuteurs…), d’expliquer aux parents les enjeux des temps d’évaluation et les méthodes de travail, et de porter une attention particulière aux parents dont la situation (sociale, culturelle…) fait méconnaître le système social et judiciaire. Quoi qu’il en soit, précise l’agence, il doit y avoir des temps d’évaluation séparés avec le mineur et les parents et des temps conjoints, la pertinence, la fréquence et la durée de ces derniers devant être déterminées par l’intérêt du mineur.
S’agissant du jeune majeur, l’ANESM préconise d’anticiper le passage de la minorité à la majorité et notamment d’évaluer la pertinence ou non, avec les services du conseil général, d’un contrat jeune majeur. L’objectif étant d’éviter toute rupture de prise en charge. Dans ce cadre, il s’agira, entre autres, de fixer avec lui des « objectifs mesurables, réalistes et supportables » et d’anticiper ou non l’accès aux dispositifs de droit commun et/ou de solliciter le relais d’associations d’anciens pupilles de l’Etat pouvant poursuivre la prise en charge de jeunes majeurs de plus de 21 ans.
(1) Plus précisément, les établissements et services du secteur public du conseil général (foyers de l’enfance, services de placement familial…), ceux du secteur associatif en hébergement et en milieu ouvert (villages d’enfants…), ceux relevant du secteur public ou habilité de la protection judiciaire de la jeunesse, les services d’accueil de jour et les maisons de l’adolescent.
(2) Sont concernés les mineurs bénéficiant d’une mesure d’aide à domicile (mesure d’action éducative en milieu ouvert, par exemple), ceux placés au titre d’une mesure administrative, ceux confiés par le juge des enfants à l’aide sociale à l’enfance, ceux confiés aux services du conseil général au titre de la délégation d’autorité parentale ou encore ceux accompagnés dans le cadre pénal.
(3) Disponible sur