Dix ans après la loi « Kouchner » de 2002 relative aux droits des malades, « des avancées sont constatées en matière de prise en compte de la parole de l’usager dans les choix qui le concernent (projet de vie, projet personnalisé de soins…), mais l’exercice des droits par les usagers reste trop complexe, qu’il s’agisse de leurs droits individuels ou de leurs droits collectifs ». Une complexité elle-même « source d’inégalités », souligne la Conférence nationale de santé (CNS) dans son rapport annuel 2012 sur les droits des usagers rendu public le 23 avril (1). Elle y formule donc des propositions pour réduire ces inégalités et simplifier l’exercice des droits, en particulier dans le secteur médico-social. Propositions qu’elle espère voir prises en compte dans les prochains textes législatifs. La commission spécialisée « droits des usagers » de la CNS assurera le suivi et l’évaluation de ces recommandations, dont un premier bilan sera dressé en juin 2014.
La CNS rappelle que la réduction des inégalités de santé dans le secteur médico-social passe notamment par un renforcement de la participation des usagers à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques de santé. Conformément à la loi de 2002, cela peut se faire au sein des conseils de la vie sociale (CVS) qu’il convient de développer, selon la conférence. En effet, déplore-t-elle, aujourd’hui, ils ne sont pas présents dans tous les établissements médico-sociaux et, lorsqu’ils existent, ils font face à des « difficultés dans leur fonctionnement » : difficultés à pourvoir les postes de représentants des personnes accueillies, insuffisance de la formation des usagers y siégeant, fréquence insuffisante des réunions, méconnaissance de l’existence même de ces instances… Le respect des droits des usagers peut aussi s’effectuer grâce au dispositif de médiation dit de la personne qualifiée. En vertu de l’article L. 311-5 du code de l’action sociale et des familles, toute personne prise en charge par un établissement ou un service social ou médico-social ou son représentant légal peut en effet faire appel, en vue de l’aider à faire valoir ses droits, à une personne qualifiée. En pratique, regrette la CNS, ce dispositif est incompris, peu développé et, lorsqu’il est en place, fait l’objet de remarques négatives (absence de listes de personnes qualifiées, ignorance des personnes accueillies de leur existence…). Aussi suggère-t-elle de prendre des « mesures correctrices urgentes » ou de le faire évoluer.
La Conférence nationale de santé recommande d’aller plus loin dans le respect des droits des usagers, notamment en favorisant l’articulation entre le sanitaire et le social, aujourd’hui ponctuelle, non généralisée et insuffisante. Il convient donc, selon elle, au niveau des agences régionales de santé (ARS), d’améliorer les modalités de coordination des politiques publiques « solidarité-santé-social ». Par exemple, en créant, auprès de l’ARS et de la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale entre les acteurs de la santé et du social, une commission de coordination des politiques publiques. La CNS suggère également de renforcer et de développer les services de premiers recours articulant le sanitaire et le social au plus près des populations.
Selon la conférence, l’amélioration de l’accès à la santé doit aussi passer par la mise en œuvre d’une « mission territoriale de service public en santé » incluant une mission d’« observation-évaluation », au niveau régional, de l’accès aux droits et à la santé. Il s’agirait de « définir les services et prestations de santé auxquels une population locale doit pouvoir bénéficier à proximité de son lieu de résidence (et a contrario à distance) et de construire la coordination des acteurs tout au long du parcours de l’usager ». Dans ce cadre, ajoute la CNS, il faudra s’assurer non seulement de l’accessibilité des transports aux personnes handicapées, aux personnes âgées et aux personnes en difficulté sociale, mais aussi de l’articulation entre le sanitaire et le social. Concrètement, souligne-t-elle, cela pourrait donner lieu à la mise en place d’un « réseau sentinelle associant des professionnels et associations de terrain pour identifier et signaler plus rapidement les situations de personnes rencontrant des difficultés d’accès aux droits et à la santé ».
Enfin, la conférence insiste sur la « participation démocratique des usagers et des populations aux politiques de santé », qui doit, selon elle, « être systématisée » et « répondre à une réelle volonté politique ». En pratique, précise l’instance, il convient d’associer étroitement les représentants des usagers à l’élaboration des politiques nationales et régionales de santé ou encore d’« encourager les “bonnes pratiques” méthodologiques (débat public, conférence de consensus, forum citoyen, atelier citoyen…) et favoriser une méthode partagée de recueil de la parole des usagers, sur tous les territoires ».
Dans un avis adopté le 2 avril, la Conférence nationale de santé (CNS) s’inquiète des conséquences de la crise économique et sociale sur les droits des usagers de la santé.
En effet, rappelle-t-elle, alors même qu’il élabore une stratégie nationale de santé (2), le gouvernement a annoncé une baisse de cinq milliards des dépenses publiques en 2014. La conférence s’interroge donc sur la priorité à donner au financement de la santé comparativement à d’autres secteurs dont les crédits sont sanctuarisés, voire accrus. Certes, admet-elle, au regard du contexte économique, « tous les objectifs ne peuvent être poursuivis en même temps » et « il va falloir effectuer des choix, hiérarchiser les actions tout en préservant la solidarité ». Quelles que soient les décisions à prendre, la CNS estime qu’il faudra « tout faire pour ne pas aggraver les inégalités de santé sans abandonner la perspective de les réduire » et, dans ce cadre, « privilégier les mesures à effet immédiat, même si elles doivent avoir un caractère temporaire ». Autres priorités, selon elle : développer la prévention et renforcer la coordination des prises en charge et de l’accompagnement. Dans ce cadre, il conviendra, par exemple, de « tout faire pour protéger le maillage des acteurs de terrain et promouvoir la notion d’équipe territoriale de santé incluant les aidants ». Un soutien qui, selon la conférence, ne doit « pas être inconditionnel » mais « favoriser ceux qui acceptent de s’investir dans les démarches de restructuration ou de coordination permettant d’éviter les redondances et les pertes d’efficacité tout en rendant un service de meilleure qualité ».
(1) Rapport disponible sur