La loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable (DALO) a consacré le droit pour les personnes mal logées ainsi que pour celles dont la demande d’hébergement n’a reçu aucune réponse adaptée de pouvoir se tourner vers l’Etat pour obtenir un logement ou un hébergement (1). Le dispositif s’est mis en place en trois étapes. La première a été la mise en place de commissions de médiation dans chaque département avant le 1er janvier 2008. Puis un recours contentieux devant le tribunal administratif a été ouvert le 1er décembre 2008 aux personnes considérées comme prioritaires par une commission de médiation parce qu’elles se trouvent dans une situation critique et qu’aucune solution ne leur a été proposée par le préfet à l’issue de la médiation. La juridiction pouvant, à cet égard, ordonner à l’Etat, sous astreinte, de loger ou d’héberger le demandeur. La dernière étape est l’ouverture, le 1er janvier 2012, du recours contentieux aux demandeurs d’un logement social ou d’un hébergement qui n’ont pas reçu de proposition adaptée à leur situation après un délai considéré comme « anormalement long ».
Depuis quelques mois, la jurisprudence relative à la mise en œuvre du droit au logement opposable – hors recours contentieux spécifique au DALO – s’étoffe et se stabilise, le Conseil d’Etat ayant rendu plusieurs décisions relatives notamment à la notion d’hébergement et d’urgence à reloger, aux conditions à remplir par les demandeurs étrangers et à l’étendue de l’obligation de résultat qui pèse sur l’Etat en matière de relogement des personnes reconnues prioritaires par une commission de médiation.
L’hébergement attribué à une personne reconnue comme prioritaire par une commission de médiation « DALO » doit présenter un caractère de stabilité et ne peut donc pas être un hébergement d’urgence prévu par l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles. C’est ce qu’a décidé le Conseil d’Etat dans un arrêt du 22 avril dernier (Conseil d’Etat, 22 avril 2013, n° 358427) (2).
Les faits sont les suivants : un homme a été reconnu comme prioritaire et comme devant être hébergé, sur le fondement des dispositions de l’article L. 441-2-3 du code de la construction et de l’habitation, par une décision de la commission de médiation du Nord du 5 avril 2011. N’ayant reçu aucune offre adaptée dans le délai prescrit par l’article R. 441-16-1 du même code (3), il a saisi le tribunal administratif de Lille d’une demande tendant à ce qu’il soit enjoint au préfet du Nord d’exécuter cette décision. Par un jugement du 1er juillet 2011, le tribunal a ordonné au préfet d’assurer l’hébergement de l’intéressé dans un délai de 3 mois à compter de la notification du jugement, sous une astreinte de 50 € par jour de retard. Le préfet lui a alors proposé, à compter du 29 novembre 2011, un hébergement d’urgence dans le cadre du dispositif hivernal. Mais, par une ordonnance du 7 février 2012, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a jugé que « ce type d’hébergement, qui avait vocation à prendre fin à l’issue de la période de “trêve hivernale”, le 31 mars 2012, ne pouvait être regardé comme adapté aux besoins de l’intéressé ». Et a, en conséquence, procédé à la liquidation de l’astreinte et condamné l’Etat à verser la somme de 9 050 € au Fonds national d’accompagnement vers et dans le logement. L’Etat s’est alors pourvu en cassation devant le Conseil d’Etat pour faire annuler l’ordonnance, sans succès.
Pour rejeter le pourvoi de l’Etat, la Haute Juridiction administrative va faire une lecture des articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation, concernant la procédure à suivre devant la commission « DALO » par les demandeurs d’un hébergement, au regard de l’article L. 345-2-2 de code de l’action sociale et des familles relatif au dispositif d’hébergement d’urgence. Le Conseil d’Etat commence ainsi par rappeler que :
→ en vertu de l’article L. 441-2-3, III du code de la construction et de l’habitation, la commission de médiation « DALO » peut être saisie, sans condition de délai, par toute personne qui, sollicitant l’accueil dans une structure d’hébergement, un établissement ou logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale, n’a reçu aucune proposition adaptée en réponse à sa demande. Et transmet la liste des demandeurs pour lesquels doit être prévu un tel accueil au représentant de l’Etat dans le département, ce dernier devant alors, dans un délai fixé par décret, proposer aux intéressés une place dans une de ces structures. En outre, l’article L. 441-2-3-1, II du même code prévoit que toute personne reconnue comme prioritaire et comme devant être accueillie dans une de ces structures, et qui ne l’a pas été dans un délai fixé par décret, peut saisir la juridiction administrative afin que soit ordonné son accueil ;
→ l’article L. 345-2-2, al. 1 du code de l’action sociale et des familles prévoit le droit pour toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale d’accéder à tout moment à un dispositif d’hébergement d’urgence.
Pour les magistrats du Palais-Royal, il résulte des dispositions du code de la construction ci-dessus énoncées, « éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l’adoption de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, que la reconnaissance du droit à un hébergement par une décision d’une commission de médiation doit constituer, pour les demandeurs qui en bénéficient, une étape vers l’accès à un logement autonome ». En conséquence, « l’hébergement attribué à des demandeurs reconnus comme prioritaires par une commission de médiation doit présenter un caractère de stabilité, afin, notamment, de leur permettre de bénéficier d’un accompagnement adapté vers l’accès au logement ». Or, poursuit le Conseil d’Etat, en faisant bénéficier d’un hébergement d’urgence prévu par l’article L. 345-2-2, al. 1 du code de l’action sociale et des familles, qui se caractérise par son instabilité et sa saisonnalité, une personne dont la demande d’hébergement a été reconnue prioritaire par la commission de médiation, le préfet ne peut être considéré comme ayant procédé à l’exécution de la décision par laquelle le tribunal administratif, constatant l’absence de proposition adaptée à la suite de la décision la commission de médiation, a ordonné que soit assuré l’hébergement de l’intéressé. Donc, conclut-il, contrairement à ce que soutenait l’Etat, « l’ordonnance attaquée n’est entachée d’aucune erreur de droit en ce qu’elle juge qu’un hébergement dans une structure d’urgence ne pouvait être regardé comme un hébergement adapté au sens des dispositions de l’article L. 441-2-3 du code de la construction et de l’habitation ».
Selon un arrêt du Conseil d’Etat du 1er juin 2012, le fait que, postérieurement à la décision de la commission de médiation « DALO » le reconnaissant comme prioritaire et devant être logé d’urgence, un demandeur de logement se trouve temporairement hébergé dans un foyer ne suffit pas à faire disparaître l’urgence qu’il y a à le reloger (Conseil d’Etat, 1er juin 2012, n° 339631).
Pour mémoire, un tribunal administratif saisi d’un recours contentieux dans le cadre du DALO doit, s’il constate que le demandeur qui a été reconnu par une commission de médiation comme prioritaire et devant être logé d’urgence n’a pas reçu une offre de logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités, ordonner à l’administration de loger ou reloger l’intéressé… sauf si cette dernière apporte la preuve que l’urgence a complètement disparu.
En l’espèce, le tribunal administratif de Melun a, le 22 juillet 2009, considéré que l’urgence avait disparu puisque, après avoir été désigné par une commission de médiation comme prioritaire, le demandeur à l’origine de l’affaire avait été hébergé dans un foyer. Il n’y avait donc pas lieu, pour la juridiction du fond, d’enjoindre au préfet du Val-de-Marne d’assurer le logement de l’intéressé. Mais le Conseil d’Etat a annulé ce jugement, estimant que le tribunal administratif avait commis une erreur de droit. D’une part parce qu’« un hébergement dans un foyer ne saurait être regardé comme un logement tenant compte des besoins et capacités du demandeur ». Et, d’autre part, parce que la circonstance que, postérieurement à la décision de la commission de médiation, un demandeur de logement se trouve hébergé de façon temporaire dans une structure d’hébergement ou un logement de transition ne suffit pas à faire disparaître l’urgence qu’il y a à le reloger.
Dans un arrêt du 26 novembre 2012, le Conseil d’Etat a jugé qu’une commission de médiation « DALO » peut légalement refuser de reconnaître un demandeur comme prioritaire et devant être logé d’urgence si les personnes composant le foyer pour lequel il présente sa demande de logement ne séjournent pas toutes régulièrement sur le territoire français (Conseil d’Etat, 26 novembre 2012, n° 352420).
Retour sur les faits : un homme présente en 2009 un recours devant la commission de médiation de l’Essonne afin d’obtenir un logement pour lui-même, sa compagne de nationalité ukrainienne, qui ne réside pas régulièrement sur le territoire français, et un enfant. Par une décision du 26 août 2009, la commission de médiation rejette sa demande au motif que sa compagne est en situation irrégulière. Il se tourne alors vers le tribunal administratif de Versailles, qui lui donne gain de cause et annule la décision de la commission de médiation. Une décision validée par la cour d’appel de Versailles le 28 juin 2011 mais annulée par le Conseil d’Etat.
Pour rejeter les arguments du demandeur « DALO », les Hauts Magistrats ont fait une lecture combinée des articles du code de la construction et de l’habitation suivants :
→ l’article L. 300-1, selon lequel « le droit à un logement décent et indépendant […] est garanti par l’Etat à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière […], n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir » ;
→ l’article L. 441-2-3, II, al. 1, qui prévoit que « la commission de médiation peut être saisie par toute personne qui, satisfaisant aux conditions réglementaires d’accès à un logement locatif social, n’a reçu aucune proposition adaptée en réponse à sa demande de logement » ;
→ l’article R. 441-14-1, al. 2, aux termes duquel « peuvent être désignées par la commission comme prioritaires et devant être logées d’urgence en application du II de l’article L. 441-2-3 les personnes de bonne foi qui satisfont aux conditions réglementaires d’accès au logement social » ;
→ les articles L. 441-1 et R. 441-1, dont il résulte que les conditions réglementaires d’accès au logement social sont appréciées en prenant en compte la situation de l’ensemble des personnes du foyer pour le logement duquel un logement social est demandé et qu’au nombre de ces conditions figure notamment celle que ces personnes séjournent régulièrement sur le territoire français.
Selon le Conseil d’Etat, il résulte de la combinaison de l’ensemble des dispositions mentionnées ci-dessus que la commission de médiation peut valablement refuser de reconnaître un demandeur de logement comme prioritaire dès lors que toutes les personnes composant son foyer ne sont pas en situation régulière au regard du droit au séjour en France.
Plusieurs décisions du Conseil d’Etat ont précisé les contours de l’obligation de résultat pesant sur l’Etat en matière de droit au logement opposable, à savoir l’obligation pour celui-ci de trouver aux bénéficiaires du DALO un logement (ou un hébergement) tenant compte de leurs besoins. Une obligation dont l’étendue s’apprécie au regard du comportement du demandeur du logement et des diligences effectuées par l’administration.
Le 28 mars 2013, le Conseil d’Etat a, dans deux affaires très similaires, jugé que l’injonction faite par le juge administratif au préfet de loger ou de reloger un bénéficiaire du « DALO » doit être considérée comme exécutée dès lors qu’il a été proposé à l’intéressé un logement correspondant à ses besoins et à ses capacités – tels que déterminés par la commission de médiation – et que ce dernier l’a refusé sans motif impérieux (Conseil d’Etat, 28 mars 2013, n° 3479123 et n° 347918).
Selon l’article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation, rappelle la Haute Juridiction, un demandeur qui a été reconnu par une commission de médiation comme prioritaire et comme devant être logé en urgence et qui n’a pas reçu, dans un délai fixé par décret, une offre de logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités peut introduire un recours devant la juridiction administrative tendant à ce que soit ordonné son logement ou son relogement, injonction qui peut être assortie d’une astreinte. Et si le tribunal administratif constate, d’office ou sur la saisine du requérant, que l’injonction prononcée n’a pas été exécutée, il procède alors à la liquidation de l’astreinte en faveur du Fonds national d’accompagnement vers et dans le logement. C’est ce qui s’est passé dans les deux cas d’espèce soumis au Conseil d’Etat. Mais l’Etat s’est pourvu en cassation contre le jugement prononçant la liquidation de l’astreinte. Il considérait en effet qu’il avait bien répondu à l’injonction du tribunal puisqu’il avait fait une proposition de logement aux demandeurs et que ce sont ces derniers qui avaient refusé, sans motif, cette proposition. Un argument retenu par les Hauts Magistrats.
Pour le Conseil d’Etat, l’injonction prononcée sur le fondement de l’article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation « doit être considérée comme exécutée s’il a été proposé au demandeur reconnu comme prioritaire par une commission de médiation un logement correspondant aux caractéristiques déterminées par la commission et que ce logement a été refusé sans motif impérieux par le demandeur ». Or, relèvent les magistrats, dans les deux affaires, pour constater le défaut d’exécution de l’injonction, le tribunal administratif s’est contenté de retenir que le préfet n’avait pas relogé les intéressés, alors qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le préfet avait fait une offre de logement adaptée aux besoins et aux capacités des demandeurs et que ces derniers l’avaient refusée. Par conséquent, conclut le Conseil d’Etat, « en retenant que l’offre de logement formulée par le préfet ne constituait pas une mesure propre à exécuter le jugement, sans examiner si le logement proposé répondait aux caractéristiques déterminées par la commission de conciliation et, dans l’affirmative, si le refus [du demandeur] était justifié par un motif impérieux, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ».
Dans une décision du 28 mars 2013, le Conseil d’Etat a considéré que le refus d’un demandeur reconnu prioritaire de suivre l’accompagnement social déterminé par la commission de médiation « DALO » délie l’administration de l’obligation de résultat qui pèse sur elle (Conseil d’Etat, 28 mars 2013, n° 347794).
En l’espèce, une femme, bénéficiaire d’une décision favorable de la commission de médiation de la Haute-Garonne pour l’attribution d’un logement, a saisi le tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement de l’article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habilitation, d’une demande tendant à ce qu’il soit enjoint au préfet d’exécuter cette décision en lui attribuant un logement correspondant à ses besoins et à ses capacités. Le tribunal administratif a rejeté sa demande par un jugement du 14 octobre 2010 au motif que, ayant refusé de se voir appliquer la mesure d’accompagnement social dont la commission de médiation avait assorti sa décision, la requérante n’avait pas mis l’administration en mesure d’exécuter la décision de la commission. L’intéressée a alors saisi le Conseil d’Etat, mais n’a pas non plus obtenu gain de cause.
Pour les Hauts Magistrats administratifs, il résulte des articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation que le juge doit, s’il constate qu’un demandeur de logement a été reconnu par une commission de médiation comme prioritaire et devant être logé ou relogé d’urgence et que ne lui a pas été offert un logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités définis par la commission, ordonner à l’administration de loger ou reloger l’intéressé, sauf si cette dernière apporte la preuve que l’urgence a complètement disparu. Toutefois, ajoutent-ils, « un comportement de nature à faire obstacle à l’exécution par le préfet de la décision de la commission de médiation peut délier l’administration de l’obligation de résultat qui pèse sur elle ». Concrètement, poursuivent les juges, « lorsque […] la commission de médiation détermine des mesures d’accompagnement social qu’elle estime nécessaires, le refus de suivre un tel accompagnement social est un comportement de nature à délier l’administration de l’obligation de résultat qui pèse sur elle ». Une mesure d’accompagnement qui, selon les pièces du dossier, « était justifiée par le fait que [l’intéressée] avait fait l’objet d’une ordonnance d’expulsion du juge du tribunal d’instance de Toulouse en date du 23 septembre 2008 en raison des nuisances sonores dont elle avait été l’auteur, de jour comme de nuit, pendant 2 ans », relève le Conseil d’Etat. En conséquence, conclut la Haute Juridiction, le tribunal administratif n’a pas commis d’erreur de droit « en estimant que le refus de [la requérante] de suivre un accompagnement social la privait du droit de faire exécuter la décision de la commission de médiation ».
Même si elle atteste des diligences effectuées par l’administration, la proposition par le préfet de la candidature du demandeur reconnu prioritaire par une commission de médiation à une société HLM pour un logement correspondant à ses besoins et capacités ne peut s’analyser comme une offre de logement au sens des dispositions de l’article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation dès lors qu’elle n’est pas suivie d’un accord effectif de l’organisme HLM. C’est ce qu’a décidé le Conseil d’Etat dans un arrêt du 15 février 2013 (Conseil d’Etat, 15 février 2013, n° 336006).
Dans cette affaire, la bénéficiaire d’une décision favorable de la commission de médiation des Yvelines pour l’attribution d’un logement a saisi le tribunal administratif de Versailles sur le fondement de l’article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation afin que soit enjoint au préfet d’exécuter cette décision en lui attribuant un logement correspondant à ses besoins et ses capacités. Une demande que le tribunal administratif a rejeté le 5 juin 2009 au motif que l’intéressée avait mentionné des éléments erronés dans sa demande devant la commission « DALO ». La requérante s’est alors pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat, qui lui a donné gain de cause.
La Haute Juridiction administrative relève que le préfet a bien proposé la candidature de la bénéficiaire « DALO » à une société HLM, mais que la commission d’attribution des logements de cette société HLM a rejeté sa candidature « au motif que sa situation administrative était confuse ». Un rejet qui, pour les Hauts Magistrats du Palais-Royal, ne délie pas l’Etat de son obligation de résultat d’autant que, selon eux, « les simples inexactitudes de faible portée dont le formulaire de demande rempli par l’intéressée était entaché ne sont pas de nature à établir que l’absence d’offre de logement serait imputable à [celle-ci] ». Pour le Conseil d’Etat, il est donc « constant qu’aucune offre de logement correspondant à ses besoins et capacités n’a été faite à [l’intéressée] ». En outre, ajoute-t-il, « l’administration ne soutient pas que l’urgence à la reloger ait disparu du fait de circonstances postérieures à la décision de la commission de médiation ». Par conséquent, « il y a bien lieu d’enjoindre au préfet des Yvelines de faire à l’intéressée une offre de logement correspondant à ses besoins et capacités ».
Le contentieux généré par le DALO ne se limite pas au recours spécifique créé à l’article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation. Déjà, en amont de ce contentieux spécifique, les décisions des commissions de médiation sont en effet susceptibles de faire grief et peuvent donc faire l’objet d’un recours de droit commun, devant le tribunal administratif. Mais un recours est également possible en aval de la procédure spécifique. Le demandeur déclaré prioritaire et qui n’a pas obtenu satisfaction peut en effet engager un recours en responsabilité contre l’Etat dans le cadre d’une action indemnitaire. L’indemnité éventuellement accordée sera directement perçue par le requérant (contrairement au produit de l’astreinte prononcée dans le cadre d’un recours DALO spécifique). La cour administrative d’appel (CAA) de Paris l’a confirmé, dans un arrêt du 20 septembre 2012, en reconnaissant la responsabilité – pour faute – de l’Etat, pointant sa carence à proposer une offre de relogement dans le parc social à des personnes déclarées prioritaires dans le cadre de la procédure DALO mais aussi le défaut d’exécution du jugement du tribunal administratif enjoignant au préfet de reloger le demandeur (CAA de Paris, 20 septembre 2012, n° 11PA04843).
Dans cette affaire, le requérant a été déclaré comme prioritaire et comme devant être relogé en urgence par une décision de la commission de médiation de Paris, aux motifs qu’il vivait dans son logement en sur-occupation avec des enfants mineurs et que ce dernier était impropre à l’habitation. En l’absence de proposition de relogement dans les 6 mois ayant suivi cette décision, il a saisi le tribunal administratif de Paris pour que son relogement soit ordonné. La juridiction a enjoint au préfet de la région d’Ile-de-France d’assurer le relogement du demandeur et de sa famille, sous une astreinte de 430 € par mois de retard. Mais celui-ci n’a pris aucune mesure propre à exécuter ce jugement. Après s’être tourné vers le préfet en vue d’être indemnisé du préjudice subi du fait de son absence de relogement et avoir essuyé un refus de ce dernier, le requérant a alors saisi de nouveau le tribunal administratif de Paris… lequel a condamné l’Etat à lui verser la somme de 1 000 € en réparation de son préjudice. Trop peu pour le requérant, qui s’est donc tourné vers la cour administrative d’appel de Paris. Constatant que la situation du demandeur persistait depuis plus de 3 ans, celle-ci a réévalué le montant de l’indemnisation à 4 000 €, en reconnaissant au passage, pour en arriver à cette décision, la responsabilité de l’Etat. Elle a considéré plus précisément que les articles L. 300-1, L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation, « éclairés par les travaux parlementaires qui ont précédé leur adoption », fixent pour l’Etat une obligation de résultat, dont peuvent se prévaloir les demandeurs ayant exercé les recours amiable ou contentieux prévus par la loi. Or, en l’espèce, la cour a observé que, malgré les différentes démarches du préfet de la région Ile-de-France pour rendre effectif le droit au logement du requérant, ce dernier n’a fait l’objet d’aucune offre de relogement dans le parc social. Aucun des préfets des départements de la région n’a par ailleurs procédé à l’attribution d’un logement correspondant à ses besoins sur ses droits de réservation. Il y avait donc là une carence de l’Etat, constitutive d’une faute de nature à engager sa responsabilité. Autre élément constitutif d’une faute : le premier jugement du tribunal administratif, enjoignant au préfet d’assurer le relogement de l’intéressé et de sa famille, n’avait pas été exécuté.
Dans un arrêt du 28 mars dernier, le Conseil d’Etat a précisé que l’action engagée par la personne reconnue prioritaire par une commission de médiation « DALO » pour faire reconnaître la responsabilité de l’Etat et obtenir une indemnisation doit l’être via une requête autonome de celle par laquelle elle demande au tribunal administratif d’ordonner son logement ou relogement dans le cadre du recours contentieux spécifique au DALO.
La Haute Juridiction a en effet considéré que, lorsque le tribunal administratif est saisi dans le cadre du recours contentieux spécifique au « DALO » en vertu de l’article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation, il n’est compétent que pour ordonner le logement ou le relogement, le cas échéant sous astreinte, de la personne reconnue par la commission de médiation comme prioritaire et devant être logée d’urgence lorsque cette personne n’a pas reçu d’offre tenant compte de ses besoins et de ses capacités. Et que, « en revanche, ce juge ne peut être saisi de conclusions mettant en cause la responsabilité de l’Etat à raison de sa carence dans la mise en œuvre du droit au logement opposable, de telles conclusions ne pouvant être utilement présentées devant le tribunal administratif, statuant comme juge de droit commun du contentieux administratif, que dans le cadre d’une requête distincte ». Le Conseil d’Etat a ajouté que, « en présence de telles conclusions, le juge saisi en vertu des dispositions de l’article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation est tenu, en application de l’article R. 612-1 du code de justice administrative, d’inviter son auteur à les régulariser en les présentant dans le cadre d’une requête distincte ».
Notion d’hébergement. L’hébergement attribué à une personne reconnue comme prioritaire par une commission de médiation « DALO » doit présenter un caractère de stabilité et ne peut donc pas être un hébergement d’urgence tel que prévu par le code de l’action sociale et des familles.
Urgence à reloger. Le fait que, postérieurement à la décision de la commission de médiation « DALO » le reconnaissant comme prioritaire et devant être logé d’urgence, un demandeur de logement se trouve temporairement hébergé dans un foyer ne suffit pas à faire disparaître l’urgence qu’il y a à le reloger.
Demandeur étranger. Une commission de médiation « DALO » peut refuser de reconnaître un demandeur comme prioritaire et devant être logé d’urgence si les personnes composant son foyer ne séjournent pas toutes régulièrement sur le territoire français.
Obligation de résultat de l’Etat. Le refus par le demandeur « DALO » d’une offre de logement adapté ou de l’accompagnement social préconisé par la commission de médiation peut délier l’Etat de son obligation de lui trouver un logement ou un hébergement.
Lorsqu’une personne reconnue prioritaire par la commission de médiation saisit le juge administratif en vertu des dispositions de l’article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation afin de faire ordonner son logement ou relogement par l’Etat, il n’appartient pas au juge administratif d’apprécier la légalité de la décision de la commission de médiation, tant à la demande de l’administration ou du demandeur du logement, et même pour en tirer les conséquences d’une fraude. C’est ce qu’a décidé le Conseil d’Etat le 15 février dernier (Conseil d’Etat, 15 février 2013, n° 336006). Dans cette affaire, il était reproché à la requérante d’avoir mentionné des éléments erronés dans sa demande soumise à la commission de médiation. Le tribunal administratif avait donc rejeté sa demande, considérant que l’intéressé ne pouvait, du fait des erreurs dans son dossier, se prévaloir d’aucun droit tiré de la décision de la commission de médiation. Mais les Hauts Magistrats ont annulé le jugement du tribunal administratif, rappelant que seule l’autorité compétente pour prendre l’acte obtenu par fraude a le pouvoir de le retirer ou de l’abroger.
(1) Pour une présentation détaillée de la mise en œuvre du DALO, voir ASH n° 2797 du 15-02-13, p. 49.
(2) Tous les arrêts présentés dans ce dossier sont disponibles sur
(3) Ce délai est fixé à 3 mois. Dans les départements d’outre-mer et, jusqu’au 1er janvier 2014, dans les départements comportant au moins une agglomération, ou une partie d’une agglomération, de plus de 300 000 habitants, ce délai est de 6 mois !