« Notre système d’asile est à bout de souffle », a déclaré le ministre de l’Intérieur dans un entretien accordé au journal Le Monde des 5 et 6 mai, où il dévoile la réforme qu’il entend mener en la matière. Une réforme qui s’impose notamment du fait de l’accord politique trouvé, le 25 avril dernier, au niveau européen, sur le texte révisant la directive du 1er décembre 2005 relative à la procédure d’octroi et de retrait de la protection internationale. Ce texte devra en effet être transposé en droit interne dans les deux ans suivant son adoption formelle par le Parlement européen, prévue en juin prochain (1).
Pour Manuel Valls, « il faut […] tout revoir : la qualité de l’accueil, celle de l’hébergement, l’accessibilité de la procédure… Il y a une trop grande concentration des demandeurs d’asile : plus de 45 % arrivent en Ile-de-France. Des départements comme l’Oise sont débordés, ainsi que des grandes villes comme Lyon, Rennes ou Dijon », explique-t-il. Le ministre entend donc « lancer une grande consultation nationale avec les associations et les élus locaux à partir de juillet. Elle sera animée par un parlementaire et se conclura à l’automne ». A son issue, « sur certains aspects, comme le logement, nous procéderons par voie réglementaire. Les dispositions européennes pourront, elles, être intégrées à un projet de loi », précise le ministre.
Promesse électorale de François Hollande, la réduction du délai d’instruction des demandes d’asile de 18 à 6 mois fera aussi partie de la réforme, a indiqué Manuel Valls. Un abaissement également au menu du texte européen, qui prévoit toutefois que le délai pourra être de neuf mois dans trois cas précis : lorsqu’il y a un grand nombre de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides qui demandent simultanément une protection internationale, quand des « questions complexes de fait et/ou de droit » sont posées ou lorsque le retard est causé par le fait que le demandeur n’a pas respecté ses obligations procédurales. Pour faire baisser les délais d’instruction, le ministre table notamment sur « un nouveau schéma d’organisation » à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, où des recrutements sont en cours. « Nous allons aussi simplifier toutes les étapes, de la domiciliation jusqu’à l’accueil en préfecture », a indiqué le pensionnaire de la place Beauvau. « Il faut diminuer le nombre d’acteurs tout en étant plus directif pour imposer aux demandeurs d’asile d’aller dans des régions moins surchargées », a-t-il ajouté.
Côté hébergement, sur les 4 000 places de centres d’accueil pour demandeurs d’asile prévues par le plan de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, 2 000 seront ouvertes dès le 1er juillet 2013 (2), a confirmé Manuel Valls. Et « les autres avant le premier trimestre 2014 », a-t-il précisé. « Comme cela se fait dans d’autres pays, il faudra désigner des villes et des régions. Cela fera partie des points abordés lors de la consultation avec les élus locaux. »
Si Manuel Valls souhaite renforcer les droits des demandeurs d’asile, il estime qu’il faut aussi avoir « une action déterminée sur les déboutés » du droit d’asile. En pratique, en effet, « peu de déboutés sont éloignés, relève-t-il. S’ils restent en France sans titre de séjour, ils dévoient le droit d’asile, et relèvent alors de la lutte contre l’immigration irrégulière ».
Le ministre de l’Intérieur a également indiqué que la procédure devant la Cour nationale du droit d’asile « sera profondément revue par un décret publié avant l’été ». Enfin, il s’est déclaré « ouvert » à un examen de la liste des pays d’origine sûrs, tout en restant prudent car, selon lui, « toutes les demandes ne se valent pas et il faut pouvoir les hiérarchiser ».
(1) Ce texte fait partie du « paquet asile » proposé par la Commission européenne et qui doit permettre la mise en place d’un régime d’asile européen commun. Sur les cinq instruments de ce « paquet », seule la directive relative aux conditions que doivent remplir les demandeurs d’asile est entrée en vigueur en janvier 2012. Un accord politique a par ailleurs été trouvé sur les trois autres textes, qui seront également soumis pour adoption au Parlement en juin prochain. Il s’agit de la réforme de la directive fixant des normes pour l’accueil des demandeurs d’asile, du règlement de Dublin de 2003 établissant les mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile et du règlement de 2002 relatif à la base de données d’empreintes digitales Eurodac.