« Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe. » Telle est la nouvelle formulation de l’article 143 du code civil, prévue par la loi ouvrant le mariage aux couples homosexuels. Un texte que le Parlement a définitivement adopté le 23 avril, après des mois de débats houleux et de manifestations parfois émaillées d’actions violentes. Sous réserve de sa validation par le Conseil constitutionnel, saisi par l’opposition, les premiers mariages de couples de femmes ou d’hommes pourraient être célébrés dans le courant du mois de juin, s’est félicitée la ministre de la Justice. Christiane Taubira a en outre assuré avoir « pris toutes les dispositions pour que les textes nécessaires aux adaptations du code de procédure civile, les textes et documents relatifs à l’état civil et au nom de famille ainsi que les livrets de famille […] soient prêts à cette échéance ».
A noter : plusieurs dispositions de la loi concernent tous les couples mariés ou non et quelle que soit leur orientation sexuelle.
Un nouvel article 6-1 du code civil prévoit que le mariage et la filiation adoptive emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus par la loi que les époux soient de sexe différent ou de même sexe, à l’exception de ceux relatifs à la filiation biologique. La conséquence la plus médiatisée de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe – et aussi la plus contestée par les opposants au texte – est l’ouverture automatique de l’adoption dans les mêmes conditions que les couples hétérosexuels (obtention d’un agrément auprès du conseil général…). Toutefois, ce nouveau droit devrait rester très théorique face au contexte de l’adoption nationale et internationale et compte tenu du fait que la majorité des pays étrangers interdisent l’adoption par des couples homosexuels (1).
C’est donc la possibilité d’adopter l’enfant biologique du conjoint qui, dans la pratique, va constituer la grande avancée de la réforme en permettant de sécuriser juridiquement la situation des familles homoparentales (2), plus particulièrement dans les cas de séparation du couple ou de décès du parent biologique. En effet, rappelons que, jusqu’à présent, l’adoption de l’enfant par le partenaire n’était pas possible au sein d’un couple non marié, et donc au sein d’un couple homosexuel, dans la mesure où elle revient à priver le père ou la mère biologique de l’enfant de l’autorité parentale. Une règle qui pouvait toutefois faire l’objet d’appréciations divergentes par les tribunaux (3). En outre, le texte modifie les dispositions du code civil relatives aux conditions de l’adoption plénière et de l’adoption simple pour permettre l’adoption par le conjoint de l’enfant qui a déjà fait l’objet d’une adoption plénière ou simple par l’autre membre du couple.
Relevons par ailleurs que, sans attendre le projet de loi relatif à la famille annoncé par le gouvernement pour l’automne, le texte apporte des précisions sur les droits des tiers. Ainsi, comme auparavant, il revient au juge aux affaires familiales de fixer les modalités des relations entre l’enfant et un tiers, parent ou non, si tel est l’intérêt de l’enfant. La loi précise désormais que cela doit être le cas « en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui et l’un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation et a noué avec lui des liens affectifs durables ».
A noter : la loi élargit, pour tous les couples, le choix du lieu du mariage par les futurs époux en l’étendant à la commune du domicile d’un de leurs parents.
Au-delà des modifications du code civil opérées par la loi, les mesures nécessaires pour adapter l’ensemble des dispositions législatives en vigueur à l’extension des droits des conjoints et parents de sexe différent à ceux de même sexe seront prises par ordonnances. Ce, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi. Cela concernera par exemple l’adaptation du code du travail pour l’octroi des congés pour événements familiaux.
D’autres droits sociaux sont directement ouverts par la loi. C’est le cas notamment du droit aux prestations en espèces en cas de congé d’adoption que peuvent prendre les salariés. Jusqu’à présent réservée à la femme assurée qui pouvait toutefois la céder au père adoptif, l’indemnisation du congé est désormais ouverte à l’un ou l’autre parent adoptif sans considération de sexe. La loi prévoit également désormais que la période d’indemnisation peut faire l’objet d’une répartition entre les deux adoptants. La majoration de durée d’assurance vieillesse de quatre trimestres en cas d’adoption et au titre de l’éducation de l’enfant est également étendue aux couples de même sexe. Si les parents ne désignent pas le bénéficiaire et en l’absence de désaccord exprimé, la majoration est partagée par moitié entre eux. Rappelons que, pour les couples hétérosexuels, dans ce cas, la majoration est attribuée à la mère seule.
En cas de désaccord des parents sur le nom de famille de l’enfant, la loi prévoit que ce dernier prend leurs deux noms, dans la limite du premier nom de famille pour chacun d’eux, accolés dans l’ordre alphabétique. Rappelons que, jusqu’à présent, seul le cas d’absence de déclaration conjointe était prévu, avec dévolution du nom du père. La loi précise encore que, en cas d’adoption et en l’absence de déclaration conjointe mentionnant le nom de l’enfant, celui-ci prend le nom de l’adoptant et de son conjoint ou de chacun des deux adoptants dans la limite du premier nom de famille pour chacun d’eux, accolés dans l’ordre alphabétique. Cette mesure est applicable à tous les couples.
Elle devait figurer dans la future loi relative à la famille sous réserve de l’avis du Conseil consultatif national d’éthique attendu en octobre prochain. Mais la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de femmes – que certains parlementaires socialistes ont pendant un temps envisagé d’intégrer dans la loi sur le mariage homosexuel avant d’y renoncer – ne semble plus faire partie de l’agenda gouvernemental pour 2013. Dans un entretien au quotidien 20 minutes du 25 avril, le Premier ministre a en effet estimé qu’« il y a un rythme pour chaque réforme » et qu’« on ne va pas ouvrir tous les jours un nouveau débat ». « Il faut donner du temps et des signes d’apaisement », a estimé Jean-Marc Ayrault.
(1) Fin 2011, l’Observatoire national de l’enfance en danger relevait 22 747 agréments en vue d’adoption en cours de validité pour 2 345 enfants adoptables en France. De son côté, le service de l’adoption internationale du ministère des Affaires étrangères a comptabilisé 1 569 adoptions internationales en 2012 (– 22 % par rapport à l’année précédente).
(2) « Selon une étude de l’Institut national des études démographiques, entre 25 000 et 40 000 enfants seraient élevés actuellement en France par des couples du même sexe », indique l’étude d’impact du projet de loi. « Cette évaluation est cependant contestée par les associations de familles homoparentales qui évaluent à 300 000 le nombre de familles concernées. »
(3) En dernier lieu, la Cour européenne des droits de l’Homme, dans une affaire concernant la France, a jugé que refuser à l’un des membres d’un couple homosexuel d’adopter l’enfant de l’autre n’est pas discriminatoire. En revanche, la Cour de cassation a validé un jugement américain prononçant l’adoption par une femme homosexuelle de l’enfant de sa compagne, l’une et l’autre exerçant l’autorité parentale sur l’enfant. Rappelons par ailleurs que, dès 2006, la Cour de cassation a admis que l’autorité parentale détenue par un seul parent peut être déléguée à une personne de même sexe avec laquelle il vit en union stable et continue – Voir ASH n° 2445 du 3-03-06, p. 18, n° 2668-2669 du 16-07-10, p. 15 et n° 2752 du 23-03-12, p. 14.