La France ne peut exclure du bénéfice de l’allocation temporaire d’attente (ATA) les demandeurs d’asile ayant déposé une requête sur son territoire, même si l’examen de cette demande est de la responsabilité d’un autre Etat membre de l’Union européenne en vertu du règlement « Dublin II » (1). C’est ce qu’a décidé, le 27 septembre dernier, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en répondant à une question préjudicielle posée par le Conseil d’Etat (2). La Haute Juridiction administrative vient d’en tirer les conséquences dans un arrêt du 17 avril annulant la disposition de la circulaire du 3 novembre 2009 qui excluait les demandeurs d’asile « Dublin II » du bénéfice de l’ATA (3). Une aide qui, pour mémoire, trouve son origine dans la directive européenne 2003/9/CE du 27 janvier 2003 relative aux normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile, laquelle demande aux Etats membres de garantir un niveau de vie assurant la santé et la subsistance des demandeurs d’asile pendant l’examen de leur requête (par exemple, par le versement d’une allocation).
Cette décision du 17 avril 2013 marque le terme de près de trois ans de procédure. Tout est parti d’une saisine du Conseil d’Etat par la Cimade et le GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigrés), qui contestaient la légalité de la circulaire de 2009. Dans un premier arrêt du 7 avril 2011, les sages avaient annulé le texte sur plusieurs points mais avaient préféré renvoyé à la CJUE la question du droit à l’ATA des demandeurs d’asile dont la prise en charge relève d’un autre Etat membre (4). La circulaire contestée prévoyait en effet l’attribution de l’allocation aux demandeurs d’asile pendant toute la durée de la procédure d’instruction de leur demande, « sauf si la demande d’asile relève de la compétence d’un autre Etat européen en application des dispositions du règlement “Dublin II” ».
Dans son arrêt du 17 avril 2013, le Conseil d’Etat indique en premier lieu que, même si l’article L. 741-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile autorise l’administration à refuser l’admission au séjour des demandeurs d’asile dont la demande relève d’un autre Etat membre, ces derniers disposent du droit de rester en France jusqu’à ce qu’ils aient été transférés dans l’autre Etat, en application de l’article 7 de la directive européenne 2005/85/CE du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres. Dès lors, ils doivent pouvoir accéder aux conditions minimales d’accueil prévues par la directive du 27 janvier 2003.
Le Conseil d’Etat s’arrête également sur l’article L. 5423-8 du code du travail qui dispose que peuvent bénéficier de l’ATA « les ressortissants étrangers dont le titre de séjour ou le récépissé de demande de titre de séjour mentionne qu’ils ont sollicité l’asile en France et qui ont présenté une demande tendant à bénéficier du statut de réfugié, s’ils satisfont à des conditions d’âge et de ressources ». Pour les sages, ces dispositions doivent être interprétées à la lumière de la directive du 27 janvier 2003. Et n’ont donc pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet d’exiger la détention d’un titre de séjour ou d’un récépissé pour le demandeur d’asile dont la demande relève de la compétence d’un autre Etat. Ainsi, les demandeurs d’asile en attente de transfert après détermination de l’Etat responsable de leur demande doivent bénéficier des conditions minimales d’accueil… et ont donc droit à l’ATA – sous réserve de remplir les conditions d’âge et de ressources prévues – jusqu’à ce qu’ils aient effectivement été transférés dans l’Etat compétent ou, le cas échéant, jusqu’à ce que la France, ayant finalement engagé l’examen de sa demande, se soit prononcée sur celle-ci.
(1) Rappelons que la demande d’asile déposée en France peut relever de la compétence d’un autre Etat européen, en application du règlement européen n° 343/2003 du 18 février 2003, dit « Dublin II ». En vertu de ce texte, la demande est examinée par un seul pays européen. Pour savoir quel pays est responsable, plusieurs critères sont appliqués. Si la France n’est pas responsable, l’étranger est transféré vers le pays concerné, après accord sur sa prise en charge.