A la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, la sécurité sociale fixe, en cas de séquelles, un taux d’incapacité, qui peut être complété par un coefficient professionnel (1). En cas de contestation, il est possible de saisir le tribunal du contentieux de l’incapacité (TCI) en première instance et la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail (CNITAAT) en appel. Le 28 avril, à l’occasion de la journée mondiale de la santé et la sécurité au travail, la FNATH (Association des accidentés de la vie) a dévoilé les résultats d’une étude visant à mesurer l’incidence du coefficient professionnel attribué par les tribunaux à partir de l’analyse de 135 décisions émanant d’une vingtaine d’entre eux (2). Les résultats sont surprenants : « Quelle commune mesure peut-il y avoir entre le tribunal du contentieux de l’incapacité de Rouen qui attribue des taux dont la moyenne est de 18 % et celui de Dijon qui accorde un taux moyen de 2,5 % sans compter ceux qui n’en attribue aucun ? », s’interroge l’association. Laquelle dénonce les fortes inégalités territoriales de l’indemnisation. « Une situation d’autant plus inacceptable qu’elle a des conséquences financières importantes et qu’elle repose sur l’opacité des décisions. »
L’étude met en évidence que les coefficients professionnels attribués par les TCI sont très bas : les deux tiers des taux se situent dans une fourchette de 1 à 6 %. Quant aux recours contentieux, ils sont principalement exercés par des victimes ayant un taux d’incapacité initial peu élevé : dans 30 % des cas, la contestation porte sur un taux compris entre 1 et 5 %. Ce recours permet, en moyenne, d’obtenir une augmentation du taux d’incapacité de plus de 10 %, « ce qui interroge sur les modalités de fixation initiale des taux d’incapacité ».
Afin de lutter contre ces inégalités de traitement des victimes et pour que l’incidence professionnelle soit davantage prise en compte, la FNATH rappelle plusieurs pistes de réformes « avancées depuis une vingtaine d’années mais qui n’ont pas été suivies d’effet ». Il lui paraît d’abord indispensable d’harmoniser les pratiques des organismes d’assurance maladie, par la mise en place d’une procédure uniforme sur tout le territoire. Sur le plan contentieux, elle juge nécessaire d’harmoniser les décisions des juges. Elle suggère l’utilisation d’une grille d’évaluation des situations, dans laquelle se combineraient différents facteurs socio-professionnels (âge, nature de l’infirmité, aptitudes, qualification professionnelle, perte de la capacité de gain, difficultés de réinsertion, perte de perspectives de carrière, etc.). Elle propose, en outre, un renforcement de la formation des magistrats et assesseurs en matière de législation d’accidents du travail.
Toutefois, pour lutter contre les inégalités de traitement, c’est une vaste réforme qui lui paraît nécessaire. « Toute la difficulté réside dans la dimension essentiellement subjective de ce contentieux qui demande, certes, dans un souci d’égalité, l’harmonisation dans les décisions judiciaires, mais qui ne peut se satisfaire de la seule instauration de guides-barèmes. L’amélioration du sort des victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles passe nécessairement par une personnalisation des préjudices. »
(1) Celui-ci appréhende l’incidence professionnelle de la réduction de la capacité au travail qu’a subie le salarié du fait de son accident ou de sa maladie (perte de l’emploi, perte de revenus, difficultés de réorientation…). Le seuil de 10 % permet à la victime d’être indemnisée non pas par un simple capital mais par une rente.
(2) « L’attribution d’un coefficient professionnel » – Etude sur la jurisprudence du contentieux technique de l’incapacité et du contentieux général de la sécurité sociale des accidentés du travail et des maladies professionnelles (2008-2012) – Disponible sur