Les personnes de plus de 60 ans représentent 10 % de la population vivant avec le VIH. Or vieillir séropositif est un phénomène auquel toute une génération de patients et de soignants n’était pas préparée. Etat de santé, prise en charge médicale, niveau de ressources, isolement, sexualité…, comment vit-on âgé avec le VIH ? Les premiers résultats de deux enquêtes sur ce thème ont été dévoilés lors de la conférence organisée par AIDES les 18 et 19 avril à Paris. Il s’agissait de réunir personnes concernées, institutionnels, professionnels et chercheurs afin de formuler des propositions en vue du chantier de la réforme de la dépendance annoncée pour fin 2013.
La première étude qualitative (1), menée par l’association auprès de 22 hommes et 30 femmes de 50 ans à 71 ans (âge médian 53 ans), relève qu’une majorité vit avec moins de 1 000 € par mois. La moitié reçoit l’allocation aux adultes handicapés. Moins d’un tiers des personnes sont propriétaires ; elles sont encore moins nombreuses à avoir des économies. Ce faible niveau de ressources s’explique par le fait que, avant l’arrivée des trithérapies en 1996, la question pour les personnes séropositives était de survivre et non de vieillir avec le VIH. « La génération ayant entre 50 et 60 ans aujourd’hui a pu être frappée à 20 ans, ce qui a interdit à certains toute forme de capitalisation économique », note AIDES. Les personnes ont, en outre, souvent eu un parcours professionnel décousu en raison de leur état de santé (fatigue notamment). Désormais inquiètes sur leur avenir financier, elles pensent qu’elles devront compter sur ? l’allocation de solidarité aux personnes âgées pour survivre une fois qu’elles seront à la retraite. Elles s’interrogent aussi sur leur logement futur : même si la majorité envisage de rester vivre à domicile le plus longtemps possible, elles se demandent si elles pourront s’offrir une place en maison de retraite…
Nombre des patients vieillissants se disent isolés car ils ont peu de contact avec leur famille et n’ont pas beaucoup d’amis. D’autres souffrent de solitude alors qu’ils ont un réseau social assez dense : c’est qu’ils sont souvent inactifs sur le plan professionnel et ressentent une inutilité sociale. L’idée de vieillir seul est en tout cas une préoccupation majeure.
Côté santé, les personnes interrogées souffrent de pathologies multiples – fatigue, maigreur, douleurs musculaires, cancers, maladies cardiovasculaires, dépressions, arthrose – qui ont un impact plus ou moins lourd sur leur qualité de vie. Elles se sentent souvent « déjà vieillies » et estiment que le VIH et/ou les traitements sont responsables de cette situation. Comment distinguer les effets du VIH des facteurs de vieillissement rencontrés par la population générale ? s’interroge AIDES.
Concernant la prise en charge des soins, une personne sur cinq a renoncé au moins une fois à une consultation chez un généraliste et une sur trois chez un spécialiste en raison du coût de la consultation. Si la moitié d’entre elles se disent satisfaites de leur suivi médical, les autres ont le sentiment « de ne pas être assez écoutées pendant les consultations », d’autant qu’elles souhaiteraient être accompagnées de manière préventive. L’absence de réponse des médecins aux questions sur le vieillissement avec une séropositivité est perçue comme un désintérêt. Signe d’un manque de formation sur cette thématique ? Se vivre comme des « pionniers » du vieillissement avec le VIH est, en tout cas, une source d’inquiétude pour les personnes interrogées.
La seconde étude a été menée par la direction générale de la santé (DGS) (2) auprès d’un panel de 54 personnes, en majorité des hommes, âgées de 60 à 70 ans. Leur profil révèle une situation financière meilleure que celle des moins de 60 ans. Sans doute parce qu’ils ont connu une période économique plus favorable et pouvaient déjà avoir « une situation » au moment où ils ont contracté le virus. Ceux qui ont travaillé toute leur vie perçoivent une retraite convenable et disposent souvent d’un logement. En revanche, les ressources de la majorité des femmes interrogées sont significativement plus faibles.
La DGS a également mené, auprès des acteurs de la prise en charge des personnes âgées (3), une enquête exploratoire sur la « sélectivité » des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et des unités de soins de longue durée (USLD). Pour le moment, seule une centaine de personnes vivant avec le VIH est hébergée en EHPAD. L’étude met en évidence ce qui, dans les logiques d’admission, est susceptible ou pas de produire à terme des obstacles à l’entrée des personnes vieillissantes vivant avec le VIH. Elle note que les établissements sont autonomes dans leur choix d’accueillir ou non un résident et se prononcent en fonction de leur capacité médicale et technique et de l’adéquation du profil de la personne avec le projet d’établissement. Dès lors, même si un patient porteur du VIH peut spontanément interpréter un refus comme une discrimination, l’étude souligne, sans rejeter cette hypothèse, que « ce n’est sans doute pas là le seul motif ». Une demande d’entrée en EHPAD pour un patient VIH, éventuellement jeune, peut par exemple représenter une charge en soins trop importante pour l’établissement. Les personnes ayant des traitements très onéreux (pas seulement les trithérapies) ont souvent des risques de se voir fermer la porte d’EHPAD pour lesquels ces coûts sont impossibles à assumer. L’expérience de l’accueil de résidents VIH et les efforts de formation déployés par des associations montrent aussi qu’il existe encore des réticences liées à une crainte irraisonnée du VIH dans les établissements médico-sociaux. La DGS préconise des séances de sensibilisation à la prise en charge des patients VIH en institution et un accompagnement à l’entrée de ces personnes.
(1) Prochainement en ligne sur
(2) Disponible sur
(3) Les parties prenantes de la prise en charge des personnes âgées au niveau des services déconcentrés de l’Etat dans les régions et des départements, des services concourant à l’orientation vers les EHPAD (associations, hôpitaux, services municipaux et départementaux, des experts associatifs et un panel de huit établissements).