Pour toucher les adolescents là où ils sont, le sport est un vecteur idéal, mais ce n’est pas nouveau. Dans toutes les associations, il y a déjà eu, à un moment ou à un autre, des pratiques sportives. En revanche, il devient nécessaire de s’interroger sur leur contenu éducatif. Pour la prévention spécialisée, l’activité sportive, comme toute autre activité, n’est qu’un prétexte qui doit permettre une rencontre authentique avec un groupe de jeunes. Or beaucoup trop d’associations font de l’animation sportive sans poser véritablement la question en termes d’apport éducatif comme cela se fait couramment ailleurs, par exemple dans l’action culturelle. En outre, comme la pratique sportive est un extraordinaire outil de mobilisation, on peut s’étonner qu’elle ne soit pas plus souvent utilisée dans une perspective de développement communautaire. Quand on voit l’envergure de certaines actions, il est dommage qu’il y ait si peu de retombées durables sur le vivre ensemble dans les quartiers.
Vue depuis la prévention spécialisée, la question du sport est globale : est-ce que le sport peut occuper une place importante dans la transformation du quartier et comment le mouvement sportif peut-il s’organiser en ce sens ? Cela suppose bien sûr que les associations de prévention développent beaucoup plus leurs partenariats avec les clubs sportifs qu’elles ne le font aujourd’hui. Mais encore faut-il que les clubs acceptent la main tendue et approfondissent eux aussi leur dimension éducative. Peu le font. Sont-ils toujours animés par une philosophie d’éducation populaire ou sont-ils passés à une logique de compétition ? La désaffection des adolescents pour les clubs sportifs n’est-elle pas aussi le refus d’un modèle pédagogique tourné vers l’élitisme, d’un encadrement ne laissant place à aucune créativité ? Par ailleurs, il faut admettre que la prévention spécialisée – qui s’est créée il y a 40 ans sur l’action avec, pour et dans le milieu – fait face, avec les appels à projet, à un processus descendant de définition des réponses sociales, qui va à l’encontre du développement communautaire. Peut-être n’avons nous pas été assez vigilants sur ce problème.
En octobre prochain, le CNLAPS organisera un forum sur le développement communautaire, avec l’ambition d’aboutir à un référentiel pour la prévention spécialisée. Pour nous, il est nécessaire de redonner de l’autonomie d’action aux publics dont nous nous occupons. Au vu de l’augmentation des besoins sociaux et de la réduction des moyens, si nous maintenons les gens dans l’assistanat, nous courons droit à la catastrophe. C’est pourquoi les outils permettant la mobilisation, la prise de conscience et l’invention de réponses par des collectifs d’habitants deviennent si importants. Il faut absolument que les acteurs associatifs qui interviennent dans les quartiers arrivent à croiser leurs politiques, leurs expériences et leurs regards. Pour espérer contrer l’évolution néo-libérale et la désaffection des citoyens vis-à-vis des politiques publiques, le secteur associatif doit se montrer fort. Et pour être fort, il lui faut être uni, retrouver cet esprit de militance à la base de l’engagement dans le mouvement sportif, social ou culturel. Mais ce n’est pas simple aujourd’hui.