Les établissements et services d’aide par le travail (ESAT) proposent toutes sortes de travaux professionnels – sous-traitance industrielle, services ou productions propres (vin, gâteaux, conserves, papeterie…) –, vendus au prix du marché. Or, depuis de nombreuses années, des officines commerciales contactent les particuliers, les collectivités locales et les entreprises pour vendre des brosses de nettoyage, de la lessive, de la papeterie à un tarif très élevé – parfois quatre fois supérieur à celui du marché. Les téléconseillers, très habiles et souvent à la limite du harcèlement, justifient le prix par les coûts de production liés à la présence de personnel handicapé. L’argumentaire repose sur la culpabilisation du client, qui, souvent, cède. Ces officines ont parfois la caution d’un ou de plusieurs ESAT qui se sont « englués » dans des accords dont ils ne peuvent se sortir et qui ne leur rapportent quasiment rien.
Ces pratiques commerciales, énième variété d’escroquerie à la charité, causent beaucoup de tort. Elles cassent l’image économique des ESAT, qui veulent valoriser le travail des personnes handicapées. Elles sont aussi catastrophiques pour l’image du travailleur handicapé et portent plus largement atteinte à la dignité de l’ensemble des personnes en situation de handicap.
Une de nos missions est de défendre les intérêts matériels et moraux des travailleurs handicapés des ESAT. Nous nous battons depuis longtemps contre ces sociétés, en tentant – en vain – d’attirer l’attention des pouvoirs publics. Tout ce que nous sommes parvenus à faire, c’est aider quelques ESAT à rompre – sans trop de casse – des accords qu’ils avaient signés. Depuis quelques mois, nous menons des réunions de travail avec desorganisations comme l’Unapei (1), pour mettre au point une déontologie dans les pratiques commerciales. En début d’année, nous avons commandé une étude juridique à un cabinet d’avocat afin qu’il nous éclaire sur les moyens de contrecarrer ces officines. Depuis, nous avons fait évoluer nos statuts afin de pouvoir les poursuivre en justice et de leur demander des comptes.
Nos réseaux nous informeront dès qu’ils auront connaissance d’un démarchage et, selon les situations, nous aurons plusieurs options d’actions. Il sera possible de recourir aux voies pénales – délits d’escroquerie, de tromperie ou de pratique commerciale agressive. Nous pourrons également entamer des procédures civiles – comme l’action en concurrence déloyale. Nous comptons aussi relancer la piste politique en demandant le renforcement de la législation pour que la sous-traitance soit mieux prise en compte pour satisfaire à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés ou l’augmentation des contrôles opérés par les autorités publiques. Enfin, il serait opportun de nouer un partenariat avec les opérateurs du secteur des ESAT, des entreprises adaptées et des centres de distribution de travail à domicile pour élaborer une charte commune des établissements vendeurs, réaliser une étude commune sur la réalité des coûts et des prix et mettre en œx0153;uvre un plan de communication afin de faire connaître ces escroqueries au grand public. Enfin, nous allons continuer à aider juridiquement les établissements qui se sont fait « prendre » dans l’engrenage de ces sociétés.
(1) L’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis représente près de 50 % de l’offre de places en ESAT.