Recevoir la newsletter

Inquiétudes sur la jurisprudence des juridictions de la tarification

Article réservé aux abonnés

Va-t-on vers une mise au pas de la justice spécifique de la tarification sanitaire et sociale ? C’est la crainte d’Olivier Poinsot, avocat et chargé de cours à l’EHESP (Ecole des hautes études en santé publique), qui, dans une « lettre ouverte aux fédérations et associations du secteur social et médico-social » (1), alerte sur le devenir des tribunaux interrégionaux et de la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale. Ces juridictions sociales spécialisées sont en effet chargées de trancher les litiges portant sur les arrêtés de tarification des établissements et services sanitaires, sociaux et médico-sociaux.

Sévérité accrue

L’avocat s’interroge, tout d’abord, sur la mise en sommeil de la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale, qui a interrompu son activité en juin 2011, date à laquelle le mandat des juges échevins (non professionnels) (2) est arrivé à échéance. « Le Conseil d’Etat attend toujours les listes de candidats que doivent lui soumettre les ministres concernés », explique Olivier Poinsot, qui a interrogé le secrétariat général de la Haute Assemblée le 5 avril dernier. Ce que confirme l’Uniopss (Union nationale interfédérale des œx0153;uvres et organismes privés sanitaires et sociaux), qui ajoute toutefois que le Conseil d’Etat lui a indiqué que le règlement de ce problème devrait intervenir dans les deux mois. Beaucoup de retard aurait été pris, en raison notamment de la réforme de la Cour nationale et des tribunaux interrégionaux de la tarification, qui s’est achevée avec le décret du 30 mars 2012 (3).

Plus grave, il semble à Olivier Poinsot, au vu des conclusions des commissaires du gouvernement lors des dernières audiences des tribunaux, que les juridictions « soient sur le point de faire évoluer leur jurisprudence dans un sens beaucoup plus sévère à l’égard des organismes gestionnaires ». Jusqu’en 2009, par exemple, elles considéraient que les autorités de tarification ne pouvaient pas invoquer le caractère limitatif des enveloppes de crédit pour justifier des abattements de tarifs. Ensuite, la jurisprudence a retenu ce motif à condition que celles-ci démontrent que les montants demandés par les établissements étaient de nature à dépasser les enveloppes régionales et départementales de crédits. « Une preuve très difficile à apporter », indique Olivier Poinsot, ce qui explique le peu de décisions fondées sur cet argument.

Or, aujourd’hui, le caractère limitatif de l’enveloppe serait un motif d’abattement présumé valable et ce serait à l’établissement concerné de prouver que ses demandes budgétaires n’étaient pas de nature à excéder la dotation, souligne Olivier Poinsot. « Ce qui revient à exiger la preuve d’un fait négatif, preuve par hypothèse impossible à rapporter. »

Il estime que cette « rupture » de la jurisprudence pourrait ne pas être étrangère à certaines consignes données aux juridictions aux fins de maîtrise budgétaire du secteur social et médico-social, « les décisions de réformation du tarif obtenues par les organismes gestionnaires provoquant nécessairement un dépassement de l’enveloppe ». D’où son cri d’alarme : « Le recours au juge du tarif demeure le seul moyen d’une objectivation des besoins des établissements et services. Tolérer l’étouffement des juridictions de la tarification reviendrait à accepter que l’arbitraire l’emporte sur le droit des associations alors même que le Conseil d’Etat a jugé en 2008 que le droit au tarif est un droit fondamental protégé par la Convention européenne des droits de l’Homme. »

L’Uniopss mobilisée

A l’Uniopss, on prend son analyse très au sérieux. Il est clair que le contentieux de la tarification a un coût très important, souligne Thierry Couvert-Leroy, responsable du service « gestion et ressources de la solidarité » : il s’élevait ainsi, selon des données de la direction générale de la cohésion sociale, à 8 millions d’euros pour les centres d’hébergement et de réinsertion sociale dans neuf régions en 2012. L’Uniopss entend donc réunir un groupe de travail pour analyser l’évolution de la jurisprudence et arrêter un positionnement politique. Elle s’interroge aussi sur l’accompagnement qui pourrait être mis en place auprès de ses adhérents et des autorités de tarification afin de favoriser « une bonne utilisation du contentieux », lequel est souvent mal perçu alors qu’il peut offrir « un arbitrage dans le respect des règles du droit ».

Mais, plus globalement, c’est l’évolution même des modes de tarification, que reflètent d’ailleurs les décisions des juridictions spécialisées, qui préoccupe l’Uniopss. Le modèle classique de la tarification, basé sur l’échange entre le gestionnaire qui établit ses charges prévisionnelles et l’autorité administrative, a-t-il encore un avenir ? « Avec les enveloppes limitatives ou les tarifs plafonds, on est de plus en plus dans une logique d’attribution mécanique d’une allocation globale pour une prestation sans s’adapter au projet porté par l’association », relève Thierry-Couvert-Leroy. Une logique de rationalisation qui tue l’initiative associative.

Notes

(1) Sur son blog http://avocats.fr/space/olivier.poinsot.

(2) Les juridictions de la tarification sanitaire et sociale associent des magistrats professionnels et des juges non professionnels.

(3) Ce dernier a transféré la gestion des greffes et du fonctionnement des juridictions des ministères sociaux vers la juridiction administrative. La réforme, entrée en vigueur le 2 mars 2006, a modifié la composition et le fonctionnement de ces juridictions en 2006 et en 2008 – Voir ASH n° 2754 du 6-04-12, p. 8.

Côté terrain

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur