Les dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales impliquent-elles qu’un étranger faisant l’objet d’un placement en rétention ne puisse être effectivement éloigné avant que le juge ait statué sur le recours qu’il a introduit contre la mesure de placement ? Le Conseil d’Etat a répondu par la négative dans un arrêt du 4 mars.
Au centre de l’affaire : un ressortissant tunisien entré irrégulièrement en France, que le préfet entreprend de reconduire à la frontière. Il forme un recours contre cette décision mais celui-ci est rejeté par un jugement devenu définitif. Interpellé par la suite, l’intéressé est placé en rétention administrative par un arrêté du préfet. Il forme alors un nouveau recours, cette fois-ci contre la décision de placement. Après un rejet en première instance, il se tourne vers la cour administrative d’appel… et obtient l’annulation partielle de l’arrêté du préfet décidant son placement en rétention, en tant qu’il indique que « le recours juridictionnel contre la décision de placement […] ne suspend pas l’exécution de la mesure d’éloignement ». La cour administrative d’appel se fonde sur l’article 5, paragraphe 4 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, selon lequel « toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale ». La cour estime que cette disposition implique qu’un étranger faisant l’objet d’un placement en rétention ne puisse effectivement être éloigné avant que le juge ait statué sur le recours qu’il a, le cas échéant, introduit contre le placement en rétention.
Le Conseil d’Etat n’a pas partagé cette analyse. Il a observé, en premier lieu, que le législateur français a souhaité organiser une voie de recours spéciale permettant au juge administratif de statuer rapidement sur la légalité des mesures relatives à l’éloignement des étrangers, hors la décision refusant le séjour, lorsque ces derniers sont placés en rétention ou assignés à résidence et sur la légalité des décisions de placement en rétention ou d’assignation à résidence. C’est ainsi que, en vertu du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le juge administratif doit statuer dans les 72 heures suivant sa saisine, cette saisine suspendant l’exécution de l’obligation de quitter le territoire jusqu’à sa décision.
Cela étant posé, les sages soulignent que, à leurs yeux, si l’article 5, paragraphe 4 de la convention reconnaît bien à une personne privée de liberté le droit d’exercer un recours, il n’a en revanche ni pour objet ni pour effet de reconnaître un caractère suspensif aux recours susceptibles d’être exercés contre les mesures de placement en rétention administrative prises pour assurer l’exécution de décisions, distinctes, qui ont ordonné l’éloignement des étrangers retenus.
Le Conseil d’Etat ajoute que l’article 15, paragraphe 2 de la directive européenne n° 2008/115 du 16 décembre 2008 – dite « directive retour » –, qui garantit « un contrôle juridictionnel accéléré de la légalité de la rétention […] le plus rapidement possible à compter du début de la rétention », n’implique pas davantage que le recours formé contre la mesure de rétention doive présenter un caractère suspensif.