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Accompagner de la rue à la maison de retraite

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Dans la Loire-Atlantique, la mission Interface tente d’insérer d’anciens SDF dans les établissements pour personnes âgées. Avec des résultats.

L’expérience demeure unique en France. Depuis décembre 2008, la mission Interface vise à favoriser l’entrée de personnes plus de 58 ans hébergées dans le dispositif d’urgence ou d’insertion dans des structures de droit commun pour personnes âgées. L’idée d’un service de médiation entre ces deux secteurs a germé au sein d’un groupe de travail sur les sans-domicile fixe vieillissants animé par le centre communal d’action sociale de Nantes. Celui-ci est aujourd’hui assuré par une conseillère en économie sociale et familiale de la Maison de la veille sociale 44 (1), dont le poste est financé par la direction départementale de la cohésion sociale. Son rôle ? Prendre contact avec les établissements pour personnes âgées de Loire-Atlantique habilités à l’aide sociale – 78 participent à ce jour à l’opération –, préparer l’arrivée des personnes dans leurs locaux et les accompagner le temps nécessaire à leur intégration.

Ce partenariat fait l’objet d’une convention, où la Maison de la veille sociale s’engage à réintégrer la personne concernée après une période probatoire de trois mois. « Du côté des établissements, c’est une négociation permanente, souligne Caroline Tendron, chargée de mission Interface. Il faut préparer les équipes et lever les a priori sur les sans-abri, que l’on imagine alcooliques ou voleurs. » Du côté des personnes ayant connu l’exclusion, il faut aussi briser certains préjugés. « Elles voient souvent la maison de retraite comme un mouroir ou une prison. Par ailleurs, la différence d’âge avec les autres résidents peut poser souci. »

Une fois la personne intégrée dans l’établissement (maison de retraite, domicile collectif ou foyer-logement), Caroline Tendron lui rend visite régulièrement : « La période d’intégration peut prendre trois mois comme un an. Pour les plus désocialisés, qui cumulent addictions et problèmes psychiatriques, cela demande du temps. » Elle noue ainsi des liens avec des services de psychiatrie ou d’addictologie et veille à mille et un détails : achat de mobilier, d’une bouilloire, d’un téléviseur, inscriptions dans un club de loisirs, étiquetage des vêtements…

A Aigrefeuille-sur-Maine, dans le vignoble nantais, l’EHPAD Mon repos a intégré une personne de 76 ans dans ce cadre. « Les six premiers mois ont été difficiles », reconnaît sa directrice Catherine Leroy, qui accueille 78 résidents, majoritairement des femmes. « Les usagers le regardaient comme un clochard et le personnel n’était pas très à l’aise. D’autant qu’au départ, l’hygiène et le confort lui faisaient peur… » Mais la directrice n’a pas baissé les bras. « Petit à petit, tout le monde s’est habitué et cette personne a trouvé de la sécurité et des oreilles attentives. »

Réduction ou maîtrise de la consommation d’alcool, accès aux loisirs, à la culture, ouverture aux autres… Pour Caroline Tendron, le bilan est largement positif. « Ces personnes se sont relevées grâce à la mixité. Elles n’ont plus l’étiquette de l’exclusion mais sont des retraités comme tout le monde. » Pour autant, les difficultés existent : certains refusent de prendre des douches régulières ou leurs médicaments, d’autres fument dans leur chambre ou boivent excessivement.

Mais sur la quarantaine de personnes intégrées depuis 2009 (elles étaient 12 en 2012), les échecs sont rares. « L’une est repartie à la rue, une autre dans une maison-relais et une troisième en logement social. » Autre délicate mission : accompagner leur fin de vie. Caroline Tendron, qui a déjà connu plusieurs décès, travaille avec le Collectif des morts de la rue pour leur offrir les obsèques les plus dignes possibles.

Notes

(1) Association qui gère le 115, le SAMU social, la mission Interface et le service d’insertion, d’accueil et d’orientation – Tél. 02 40 75 98 98 – secretariatvs44@wanadoo.fr.

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