Il aurait dû s’agir d’une enquête facile à mener : un sans-domicile fixe retrouvé poignardé sur les rails de la gare de Lyon, pas de quoi exciter l’équipe du capitaine Mehrlicht. Mais ce qui ressemblait à une simple altercation entre personnes sans abri prend des proportions toutes différentes quand le cadavre révèle son identité : celle d’un journaliste controversé, enquêtant en immersion dans le monde des exclus. Voilà le point de départ de L’heure des fous, premier roman de Nicolas Lebel, linguiste, traducteur et enseignant. Impossible d’en dire plus, au risque de déflorer les multiples rebondissements de ce polar aux ingrédients classiques mais parfaitement dosés : un capitaine de police tout droit sorti d’un film d’Audiard, un lieutenant stagiaire discret mais malin, un soupçon de guerre des services, des rues parisiennes traversées toutes sirènes hurlantes dans une voiture banalisée… L’enquête entraîne les personnages dans le bois de Vincennes à la découverte de la « jungle » – une cour des miracles contemporaine ultra-hiérarchisée –, dans les coulisses – pas très reluisantes – de la vénérable Sorbonne, à travers le cloaque pestilentiel de la capitale, où croupissent les nouveaux Misérables, rejetés par une société sans scrupules. Visiblement, l’auteur connaît son métier : les personnages se révèlent par petites touches, les ramifications de l’intrigue ralentissent le déroulement de l’enquête, le récit progresse grâce à l’érudition des personnages secondaires. Un seul regret : le sujet aurait pu se prêter à davantage de noirceur. Reste un polar de bonne facture et divertissant.
L’heure des fous
Nicolas Lebel – Ed. Marabout – 19,90 €