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La décentralisation des ESAT révèle les divergences de vues entre l’ADF et les associations

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Le CNCPH a émis un avis négatif sur les dispositions du projet de loi sur la décentralisation – qui doit être remanié – visant à transférer les ESAT aux conseils généraux. Une note de l’ADF, qui s’interroge sur l’avenir du dispositif, a mis le feu aux poudres.

Même si le gouvernement a décidé de revoir entièrement sa copie sur le projet de loi sur la décentralisation (voir ce numéro, page 8), le conflit est désormais ouvert entre le secteur associatif, en premier lieu l’Unapei (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis), et l’Assemblée des départements de France (ADF). Le 26 mars, le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) a émis à une large majorité (27 pour, 13 contre et 8 abstentions) un avis défavorable au texte qui lui a été présenté, plus particulièrement aux dispositions relatives au transfert des ESAT (établissements et services d’aide par le travail) des agences régionales de santé aux conseils généraux. Proposé par l’Unapei, ce vote négatif est surtout une réaction à la note de problématique adressée quelques jours auparavant par l’ADF aux membres du conseil.

Quelle évolution du dispositif ?

Intitulé « Décentralisation des ESAT : enjeux sociaux et financiers pour les départements », ce document tente de faire le point sur les questions soulevées par le transfert. Il estime tout d’abord cohérent de confier à un même chef de file les politiques publiques de travail protégé, d’hébergement, d’accompagnement à la vie sociale et de perte d’autonomie des adultes handicapés, rappelant que la décentralisation des ESAT est une question récurrente déjà envisagée en 1984, en 2004 et en 2009 avec la loi « hôpital, patients, santé et territoires ». Le texte met toutefois en doute l’efficacité du dispositif, expliquant que « le “sas” est devenu une “nasse” » avec un taux de sortie de 0,8 % tous les cinq ans. De même, il pointe les disparités entre territoires liées en partie au niveau d’énergie des promoteurs et à « la gestion de leur patrimoine immobilier par les organismes gestionnaires ». Il s’interroge également sur le dynamisme de la dépense des ESAT sous l’effet du vieillissement de la population des adultes handicapés, qui entraîne le développement des temps partiels, et d’une baisse prévisible de la demande. L’ADF prévoit, en effet, que les jeunes majeurs handicapés, qui auront été scolarisés en milieu ordinaire, « n’accepteront plus d’être institutionnalisés à 21 ans ». Et estime que des services de « job coaching », qui visent à accompagner les personnes handicapées au travail, peuvent assurer leur intégration dans l’entreprise ; la note suggère même leur développement avec un financement par l’Agefiph. Pour l’ADF, la réponse à venir aux besoins des adultes handicapés n’est pas dans la création de places en ESAT, dont les flux d’entrée devraient diminuer, mais dans la révision des modalités des prises en charge pour faire face au vieillissement de la population et aux besoins de médicalisation. Ce qui l’amène, par exemple, à reprendre certaines propositions du rapport « Vachey-Jeannet » (1), comme celle visant à réunifier sous un même statut et à faire financer à 100 % par l’assurance maladie les maisons d’accueil spécialisées et les foyers d’accueil médicalisé (actuellement financés à titre principal par l’aide sociale départementale), qui accueillent les mêmes publics. Enfin, l’assemblée souhaite voir clarifier certains éléments financiers relatifs aux ESAT.

Vision unilatérale

Cette note de problématique vise, avant tout transfert, à clarifier la réalité de la dépense et son évolution en fonction du devenir du dispositif, explique Jean-Pierre Hardy, chef du service des politiques sociales de l’ADF. S’il est, de fait, légitime pour les conseils généraux de s’interroger sur l’impact financier de la décentralisation des ESAT avant de se prononcer (2), le document, même s’il pose des questions de fond, n’en est pas moins porté par une vision unilatérale du dispositif et de son avenir. Et ses critiques acerbes n’ont pas manqué de faire réagir.

L’Unapei y voit ainsi « un séisme dans la politique du handicap ». Christel Prado, sa présidente, dénonce des « contrevérités » comme le fait que les ESAT devraient jouer un rôle de sas. Elle rappelle que ces établissements visent l’aide par le travail et que 70 % des personnes qu’ils accompagnent présentent une déficience intellectuelle. Quant aux disparités entre les territoires, elles sont beaucoup moins importantes que pour d’autres dispositifs, souligne-t-elle. Mais, au-delà, elle dénonce la vision du document qui présente les ESAT comme « un outil du passé » promis, en raison du développement de la scolarisation en milieu ordinaire, à la disparition au profit des services de « job coaching ». « Comment transférer 2,6 milliards d’euros de l’Etat à un acteur qui prévoit à terme la mort des ESAT ? », s’interroge-t-elle. Et de rappeler que l’Unapei n’était pourtant pas opposée à leur décentralisation à partir du moment où il y avait une évaluation de la situation actuelle avec un accord de méthode, la mise en place d’un dispositif de péréquation et un calendrier progressif.

De même, Jacques Serpette, secrétaire général d’Andicat (Association na ? tionale des directeurs et cadres d’ESAT), dénonce la logique qui sous-tend l’analyse de l’ADF et vise à la réduction du nombre de places en ESAT. Laquelle « pourrait d’ailleurs s’accélérer par la mise en œuvre d’objectifs de taux de sorties comme les conseils généraux le pratiquent avec les entreprises d’insertion ». Mais à l’inverse de l’Unapei, Andicat avait fermement affiché son opposition à la décentralisation de ces établissements, qui aboutirait au « renoncement définitif à une politique nationale de travail protégé » (3). Au final, l’épisode de la décentralisation aura brutalement mis en évidence les divergences de conception entre les associations et les conseils généraux sur les ESAT… et la nécessité du dialogue.

Notes

(1) Voir ASH n° 2786 du 7-12-12, p. 5.

(2) L’ADF pose en préalable à la décentralisation des ESAT l’issue positive des négociations relatives au financement de l’APA, de la PCH et du RSA.

(3) Voir ASH n° 2800 du 8-03-13, p. 15.

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