Les exigences sur les droits des étrangers retenus, telles que rappelées par la Cour de cassation dans son arrêt du 13 février (voir ce numéro, page 38), peuvent-elles être satisfaites depuis que trois associations sont habilitées à exercer un droit de visite dans ces centres (1) ? Après que la Haute Juridiction a, sur le fondement de la directive européenne « retour » de 2008, estimé qu’une personne placée en centre de rétention doit être informée « non pas de la seule présence d’une association conventionnée », mais être mise en mesure « de contacter effectivement les différentes organisations et instances susceptibles de l’aider », les juges de la liberté et de la rétention ont prononcé une série de remises en liberté. Ils ont estimé que la notification aux étrangers de la seule association conventionnée pour assister juridiquement les personnes retenues n’était pas suffisante. Et pour cause : faute de candidats, le ministère de l’Intérieur n’était toujours pas en mesure, jusqu’au 1er mars dernier, de produire la liste des organisations habilitées à exercer un droit de visite en rétention.
Dans une lettre ouverte à Manuel Valls du 22 février, les 15 associations membres de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE), en faveur d’un droit d’accès « inconditionnel », avaient réitéré leur souhait de revoir le décret du 8 juillet 2011 fixant les modalités de ce droit d’accès, qu’elles jugent trop restrictives et soumises « aux pleins pouvoirs » de la Place Beauvau pour être conformes à l’esprit de la directive « retour ». Compte tenu de l’habilitation de trois associations – Forum réfugiés-Cosi, France terre d’asile et Médecins sans frontières –, « et sachant que seules cinq personnes par association sont autorisées à visiter les centres, soit 15 personnes sur tout le territoire, on peut s’interroger sur la capacité à satisfaire, sur le terrain, toutes les exigences de la Cour de cassation », explique Claire Rodier, directrice du GISTI (Groupe d’information et de soutien aux immigrés). « Le faible nombre d’associations habilitées et la définition trop restrictive du droit d’accès en centre de rétention par le décret ne permet toujours pas de contrôler les droits fondamentaux des étrangers retenus », abonde David Rohi, responsable de la commission « éloignement » de la Cimade, également membre de l’OEE.
L’observatoire veut continuer à plaider en faveur d’une transposition « complète » des dispositions de la directive « retour » sur l’accès des organisations non gouvernementales en rétention et l’information des étrangers sur leur droit à les contacter. Il espère faire valoir ses arguments au sein du groupe de travail sur la rétention (2) mis en place par le secrétariat général à l’immigration et à l’intégration, dans la perspective de la réforme du code de l’entrée, du séjour des étrangers et du droit d’asile promise par le ministère. Estimant l’approche proposée trop éloignée d’une révision globale de la politique d’éloignement des étrangers, le GISTI a néanmoins décliné l’invitation à la réunion de lancement de ces travaux, le 20 mars dernier.
(1) Voir ASH n° 2803 du 29-03-13, p. 46.
(2) Deux autres groupes ont été créés sur les zones d’attente et les alternatives à la rétention.