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Enfants placés : vers un transfert des allocations familiales et de rentrée scolaire à l’ASE ?

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C’est ce que prévoit une proposition de loi UMP, adoptée par le Sénat le 28 mars, en première lecture, contre l’avis du gouvernement.

Contre l’avis du gouvernement, le Sénat a, le 28 mars, adopté en première lecture une proposition de loi relative au versement des allocations familiales et de l’allocation de rentrée scolaire (ARS) au service de l’aide sociale à l’enfance (ASE) lorsque l’enfant a été confié à ce service par décision du juge (1). Un texte déposé l’été dernier par les sénateurs (UMP) Christophe Béchu et Catherine Deroche mais qui n’avait jusqu’à présent pas été mis à l’ordre du jour. C’est donc en vain que, lors des débats, la ministre déléguée chargée de la famille a clairement indiqué que cette proposition de loi allait non seulement « à rebours des travaux menés par le Haut Conseil de la famille, à rebours aussi de l’abrogation de la loi « Ciotti » qui supprimait les allocations en cas d’absentéisme » mais aussi « à contre-courant de tous les efforts entrepris par le gouvernement » pour ne pas stigmatiser les familles, notamment dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale (2). Le secteur ne voit pas non plus d’un bon œil ce nouveau texte qui, selon lui, fragilise les familles et compromet le projet de retour de l’enfant dans son foyer (voir les réactions, ce numéro, page 15). Si Dominique Bertinotti considère cette proposition comme « insatisfaisante » pour toutes les parties, elle plaide en revanche pour « une vraie réforme de la protection de l’enfance ». C’est maintenant au tour des députés d’examiner ce texte.

Maintien partiel des allocations familiales en faveur des parents

Actuellement, en vertu de l’article L. 521-2 du code de la sécurité sociale, lorsqu’un enfant est confié au service de l’aide sociale à l’enfance, la part des allocations familiales dues à la famille pour cet enfant est versée à ce service. Toutefois, le juge des enfants peut décider, d’office ou sur saisine du président du conseil général, à la suite d’une mesure de placement judiciaire, de maintenir le versement des allocations à la famille, lorsque celle-ci participe à la prise en charge morale ou matérielle de l’enfant ou en vue de faciliter le retour de l’enfant dans son foyer. « Dans la pratique, il apparaît que l’exception est devenue la règle : dans la très grande majorité des cas, en effet, les parents continuent de percevoir l’intégralité des allocations familiales alors même que l’un ou plusieurs de leurs enfants [sont confiés] à l’ASE » (3), relèvent les sénateurs (Rap. Sén. n° 430, 2012-2013, Deroche, page 20). Ce qui, ont-ils estimé lors des débats, pose un « problème de justice et d’équité entre les familles, de moralisation de nos dispositifs d’aide sociale ainsi que de meilleures utilisations des fonds publics à un moment où nos collectivités, et les départements en particulier [chefs de file de la protection de l’enfance], connaissent des contraintes budgétaires croissantes » (4).

Aussi la proposition de loi réaffirme-t-elle le principe du versement des allocations familiales à la personne, physique ou morale, qui assume la charge effective de l’enfant. En outre, elle permet au juge de décider, d’office ou sur saisine du conseil général – dorénavant au vu d’un rapport établi par l’ASE – de maintenir partiellement le versement des allocations familiales aux parents de l’enfant. Toutefois, le texte précise que, à compter du quatrième mois suivant la décision du juge, le montant de ce versement ne pourra excéder 35 % de la part due pour cet enfant. Une précision qui, selon Catherine Deroche, souligne le « souci de ne pas fragiliser les familles et la volonté de reconnaître la charge que supportent les services départementaux » (Rap. Sén. n° 430, 2012-2013, Deroche, page 24). En effet, a précisé lors des débats Yves Daudigny, sénateur (PS) de l’Aisne, le texte laisse une « période transitoire entre la décision de placement et la décision sur les allocations familiales afin d’éviter un choc, d’autant que l’enfant peut, dans ce délai, retourner dans sa famille ».

Versement de l’ARS au service de l’aide à l’enfance

Aujourd’hui, les parents continuent de percevoir l’ARS même quand l’enfant est placé auprès de l’ASE. Ce qui pose là encore un « problème d’équité entre les familles », estime la commission des affaires sociales du Sénat (Rap. Sén. n° 430, 2012-2013, Deroche, page 30). Les sénateurs ont donc voté une disposition prévoyant, dans cette hypothèse, le transfert du bénéfice de cette allocation à l’ASE.

Notes

(1) 330 sénateurs ont voté pour le texte et 16 contre.

(2) Voir ASH n° 2794 du 25-01-13, p. 39.

(3) Le rapporteur de la proposition de loi indique que, d’après les informations recueillies auprès des juges, le versement des allocations familiales à l’ASE n’intervient que dans une minorité de cas, c’est-à-dire : lorsque les faits à l’origine du placement sont graves (maltraitance, par exemple) ; lorsque le dialogue avec la famille est impossible (absence de coopération des parents notamment); lorsque le placement à l’ASE est supérieur à deux ans ; lorsque le juge ne statue pas sur le versement des allocations familiales, elles reviennent de droit à l’ASE (Rap. Sén. n° 430, 2012-2013, Deroche, pages 20 et 21).

(4) Selon l’exposé des motifs de la proposition de loi initiale, les dépenses consacrées à la famille et à l’enfance représentent le troisième poste de l’action sociale départementale en moyenne et même le premier poste pour une dizaine de départements. En 2010, elles se sont élevées à 6,4 milliards d’euros.

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