Près de deux ans après son entrée en vigueur, le nouveau « droit d’accès » des associations humanitaires aux lieux de rétention, consacré par la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (1), tardait encore il y a peu à se concrétiser, faute de candidats parmi les acteurs de terrain. En cause: un cadre réglementaire jugé trop restrictif. En l’espace d’un mois, trois associations ont finalement répondu favorablement aux demandes des pouvoirs publics pour solliciter un droit de visite. Forum réfugiés-Cosi, France terre d’asile et Médecins sans frontières (MSF) sont ainsi, dorénavant, habilitées à proposer des représentants en vue d’accéder aux lieux de rétention, indépendamment de toute mission d’information ou d’assistance aux étrangers. Les deux premières l’ont été par une décision du ministère de l’Intérieur du 1er mars, parue au Bulletin officiel du ministère de l’Intérieur. Et MSF par une autre décision émanant de la Place Beauvau, datée du 15 mars et parue, pour sa part, au Journal officiel.
Rappelons que, avant 2011, la réglementation française prévoyait simplement la présence, dans chaque centre de rétention, d’une seule association, sur la base d’une convention passée avec l’Etat, et ce, pour permettre l’exercice par les étrangers des droits qui leur sont reconnus : accueil, information, soutien, aide à l’exercice de leurs droits. Mais cette organisation ne satisfaisait pas complètement les exigences de la directive européenne du 16 décembre 2008 - dite directive « retour » -, qui prévoit que les organisations et instances nationales, internationales et non gouvernementales compétentes ont la possibilité de « visiter » les centres de rétention. Indépendamment donc de toute mission d’information ou d’assistance aux étrangers. C’est pourquoi la loi du 16 juin 2011 a consacré l’existence de ce droit d’accès. Un décret du 8 juillet 2011 en a fixé les conditions d’exercice (2). Des conditions jugées toutefois trop restrictives par la vingtaine d’associations membres de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers… qui refusent par conséquent, depuis l’entrée en vigueur du décret, de solliciter l’habilitation pour exercer le droit de visite en rétention. Ce, malgré les sollicitations des pouvoirs publics.
Ce collectif d’associations estime en effet que les conditions posées par la réglementation ne leur permettent pas d’effectuer des visites en rétention de manière suffisamment indépendante. Il reproche notamment au texte de donner les pleins pouvoirs au ministère de l’Intérieur pour habiliter les associations, de ne permettre l’habilitation que de cinq personnes par association sur l’ensemble du territoire, de limiter ce droit d’accès dans un lieu de rétention à une seule association à la fois ou bien encore de ne pas préciser l’étendue des locaux accessibles et d’obliger les associations à prévenir de leur visite 24 heures à l’avance.
Cette opposition a mené jusqu’à un recours en annulation, déposé devant le Conseil d’Etat, contre la disposition du décret qui encadre l’exercice du droit de visite en rétention. Mais les sages ont validé la quasi-totalité des restrictions posées (3).
C’est dans ce contexte que Forum réfugiés-Cosi, France terre d’asile et MSF ont finalement choisi, pour leur part, de répondre favorablement aux demandes du ministère de l’Intérieur pour solliciter un droit de visite. Leur habilitation est valable pour une durée de trois ans à compter du 18 mars pour les deux premières et du 21 mars pour la troisième (4).
(3) La seule restriction qui a été censurée est celle qui interdisait aux associations chargées de l’assistance juridique aux étrangers placés en rétention de solliciter l’habilitation exigée pour exercer le nouveau « droit d’accès » - Voir ASH n° 2763 du 8-06-12, p. 14.
(4) Il s’agit des dates de publication des décisions du ministère de l’Intérieur.