Debout, comme le roseau…

Dans Quatre saisons d’un éducateur spécialisé, Guy Delhasse regarde son métier dans un miroir. « Oulah, je vous vois venir?! Un spécialiste de l’éducation ! Encore un de ces prétentieux qui va exposer comment éduquer les enfants d’aujourd’hui et vous exposer la crise de l’éducation du XXI^e siècle », ironise l’auteur dans son introduction. Que nenni, en toute humilité, Guy Delhasse conte dans ce court texte sa trentième année dans une fonction qu’il qualifie de « curieuse » et de « généreuse ». Il dédie d’abord ce témoignage, qui est la suite et la conclusion de deux autres ouvrages (1), aux 167 jeunes dont il s’est occupé de près ou de loin dans l’institution belge où il exerce, mais aussi aux 20 collègues, aux 6 psychologues et aux 3 directeurs qui ont croisé son chemin. L’éducateur spécialisé a essayé de retirer de cette année « un curieux mélange d’anecdotes, de réflexions, d’ambiances ». Il y parle de ses « référés » (Colin, Brat, Arnaud et José, qui lui cause tant de soucis), de son emploi du temps morcelé, de sa famille, de ses réussites et de ses échecs. Il raconte comment, avec l’expérience, on résiste à tout – « y compris à sa propre incompétence » – et donne quelques-uns de ses « trucs » éducatifs. Il avoue aussi qu’il est fatigué, même s’il aime tant son métier qu’il ne se voit pas faire autre chose : « Quand je regarde ces mômes, leur chambre, leur lit, quand je lis dans leur regard la détresse de l’abandon, l’attente du retour espéré, je me dis que je n’ai pas le choix de m’activer pour rendre du sourire, de la joie de vivre, de l’appétit du soleil de chez nous et tous ces ingrédients qui, sans faire jamais de miracle, permettent à la vie de s’écouler. » Au fil de sa carrière, Guy Delhasse a su « rester debout dans toutes les circonstances », même s’il lui est arrivé, « comme le roseau, de plier ». Il précise qu’il était peut-être fait pour embrasser cette profession : il avait une santé de fer, un mental de battant, des capacités de récupération et surtout une bonne prise à l’humour des autres et à l’auto-dérision. Du coup, « ça va, pas trop de casse ». Quatre saisons d’un éducateur spécialisé est une incursion dans ce métier qu’il définit enfin ainsi : « Eduquer, c’est faire entrer le beau dans l’avenir. »