A l’âge de la majorité, tous les adultes sont présumés capables d’exercer l’intégralité des actes de la vie civile. Toutefois, l’étendue de ce droit à se gouverner soi-même peut être réduite si, en raison d’une altération de ses facultés, le sujet a besoin d’une protection et d’une aide. Près de 800 000 personnes bénéficient à ce titre d’une mesure de tutelle ou de curatelle, confiée à un proche ou à un professionnel. C’est au rôle de ce dernier, aux interactions qui se nouent entre lui et la personne protégée et à la façon dont l’intéressée vit la diminution de sa liberté d’action que le sociologue Benoît Eyraud consacre la part la plus personnelle de son passionnant ouvrage. Fruit d’une implication de cinq ans dans un service associatif, celui-ci met à jour l’imbrication des difficultés sociales et psychologiques ou psychiatriques présentées par les majeurs protégés qui sont au cœur de l’enquête. La « collaboration obligatoire » qui s’instaure entre eux et les mandataires judiciaires se joue en grande partie autour de l’argent, dont ces intervenants ont le contrôle. Les personnes protégées cherchent-elles à négocier quelque dépense supplémentaire ? Pour ne pas satisfaire cette demande sans avoir à dire « non », les professionnels savent se montrer diablement rusés. Amenés à intervenir dans les domaines les plus variés, ils se font aussi coachs, conseillers conjugaux, pourvoyeurs de soins ou encore éducateurs. « Certes, le pouvoir de transformation des mandataires sur la vie des personnes est faible, mais il permet bien souvent d’adoucir le sort difficile que ces dernières endurent », souligne l’auteur.
Protéger et rendre capable. La considération civile et sociale des personnes très vulnérables
Benoît Eyraud – Ed. érès – 29,50 €