Après un débat houleux (1), les parlementaires ont, le 11 mars, définitivement adopté la proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes. Ce texte, initié par les députés (PS) François Brottes et Bruno Le Roux, est entre autres censé lutter contre la précarité énergétique. Très critiques, les sénateurs de l’opposition l’ont déféré au Conseil constitutionnel (2).
La loi met en place, à compter du 1er janvier 2015, un système de bonus-malus – dont les taux seront fixés chaque année avant le 15 octobre (3) – en vue d’« inciter les consommateurs domestiques à réduire leur consommation d’énergies de réseau » (électricité, gaz naturel et chaleur en réseau) (4). Ce dispositif portera sur les immeubles chauffés collectivement et tout lieu à usage d’habitation, qu’il s’agisse d’une résidence principale ou occasionnelle, et pour lequel un contrat de fourniture d’énergie a été conclu. Ce système de bonus-malus sera personnalisé en fonction de trois critères : le nombre de personnes résidant dans le logement, la localisation géographique de ce dernier et son mode de chauffage principal. Avant le 1er mai de chaque année, les consommateurs devront donc fournir à un organisme de collecte dédié les informations nécessaires à la détermination de leur volume de consommation. Données qui seront ensuite transmises aux fournisseurs d’énergie avant le 1er septembre. A défaut de déclaration, l’organisme de collecte mettra en demeure le consommateur de la déposer avant un délai minimal de 20 jours et au plus tard le 1er juillet de l’année en cours. S’il ne s’exécute pas, son volume de consommation sera évalué forfaitai rement. En pratique, explique le rapporteur de la loi à l’Assemblée nationale, le barème de tarification progressive sera constitué de trois tranches : une « zone verte », reflétant un niveau de consommation en dessous du volume de base ; une « zone orange », décrivant un niveau de consommation entre le bonus et le malus (sans conséquence pour le foyer) ; une « zone rouge », faisant état d’un niveau de consommation « extravagant » (Rap. A.N. n° 579, Brottes, 2013, page 23). Si le volume de consommation du ménage dépasse les volumes de base fixés pour la zone rouge, il sera redevable d’un malus sur la fraction de la consommation excédant ces volumes, récupéré directement par le fournisseur d’énergie. Les personnes titulaires du tarif social d’électricité pourront, elles, bénéficier d’une minoration du malus. En cas de bon résultat, le fournisseur d’énergie appliquera un bonus, donnant lieu à une diminution du prix du kWh. A noter: en cas de désaccord sur les volumes constatés, les consommateurs pourront saisir le médiateur national de l’énergie ou s’informer auprès d’un service dédié mis en place par l’organisme collecteur des données personnelles.
Par ailleurs, le texte crée un « service public de la performance énergétique de l’habitat », chargé d’accompagner les ménages locataires et propriétaires souhaitant diminuer leur consommation énergétique. Dans ce cadre, lorsque des foyers bénéficiant de tarifs sociaux d’électricité ou de gaz se verront appliquer un malus dont le montant dépasse un plafond fixé par décret, le fournisseur d’électricité ou de gaz devra les informer qu’il entend signaler leur situation à l’Agence nationale de l’amélioration de l’habitat qui les assistera. Une sorte de « mécanisme d’alerte » qui permettra d’identifier les ménages modestes ayant besoin d’un accompagnement pour rénover leur logement, explique l’exposé des motifs de la proposition de loi initiale.
Afin de mieux identifier les ménages les plus précaires, la loi stipule que l’administration fiscale et les organismes de sécurité sociale – et non plus seulement les organismes d’assurance maladie – devront constituer un fichier regroupant les bénéficiaires potentiels des tarifs sociaux de gaz et d’électricité et le transmettre aux fournisseurs d’énergie. Signalons au passage que le bénéfice des tarifs sociaux d’énergie est étendu aux gestionnaires des logements-foyers.
En outre, dans un délai de neuf mois à compter de la publication de la loi, le gouvernement remettra au Parlement un rapport étudiant la possibilité et les modalités de mise en œuvre d’un « bouclier énergétique » pour les plus précaires. L’objectif étant qu’aucun ménage ne dépense plus de 10 % de ses revenus pour ses besoins énergétiques.
Autre disposition: du 1er novembre de chaque année au 15 mars de l’année suivante, les fournisseurs d’électricité, de chaleur et de gaz ne peuvent procéder, dans une résidence principale, à l’interruption – y compris désormais par résiliation de contrat, indique la loi – pour non-paiement des factures, de la fourniture d’électricité, de chaleur ou de gaz aux personnes ou familles précaires et bénéficiant ou ayant bénéficié, dans les 12 derniers mois, d’une décision favorable d’attribution d’une aide du fonds de solidarité pour le logement. Toutefois, le texte permet aux fournisseurs d’énergie de réduire la puissance fournie, sauf pour les ménages titulaires des tarifs sociaux « énergie ».
A compter de la date de sa promulgation, la loi autorise les collectivités territoriales organisatrices des services d’eau et d’assainissement à mener, pendant cinq ans, des expérimentations visant à favoriser l’accès à l’eau et à mettre en œuvre une tarification sociale de l’eau (5). Elles pourront notamment porter sur la définition de tarifs tenant compte de la composition ou du revenu du foyer, ou bien sur l’attribution d’une aide au paiement des factures d’eau ou d’une aide à l’accès à l’eau. D’ici à la fin 2017, le Comité national de l’eau devra remettre au gouvernement un rapport évaluant ces expérimentations et faisant des propositions.
(1) Le texte – soumis à la procédure accélérée – n’a pas recueilli les faveurs des sénateurs en première lecture. La commission mixte n’étant pas parvenue à un accord, la proposition de loi a dû être réexaminée par les deux chambres, le Sénat l’ayant une nouvelle fois rejeté. C’est donc l’Assemblée nationale qui eu le dernier mot.
(2) Ils reprochent notamment au texte de constituer une « rupture d’égalité entre consommateurs devant les charges publiques » en ce qu’il met en place un dispositif de tarification progressive de l’énergie au regard de leur localisation géographique, de leur situation personnelle et du type de consommation.
(3) Dans un délai de neuf mois à compter de la publication de la loi, le gouvernement devra remettre au Parlement un rapport précisant les bonus et les malus qui pourraient être fixés, leur évolution et leur impact sur les consommateurs ainsi que la manière dont les tarifs sociaux de l’énergie pourraient être définitivement intégrés au dispositif du bonus-malus.
(4) En pratique, la collecte des données personnelles nécessaires à la mise en œuvre du nouveau dispositif débutera en 2014. Appliqué pour la première fois à la consommation de l’année 2015, il donnera lieu au versement d’un bonus ou à la collecte d’un malus en 2016, une fois la consommation de l’année 2015 connue (Rap. A.N. n° 579, Brottes, 2013, page 24).
(5) La demande d’expérimentation devra être transmise au préfet du département avant le 31 décembre 2014.