C’est à l’« accrochage » scolaire pour aider les jeunes à trouver leur place au collège qu’œuvre l’équipe de prévention spécialisée de la Sauvegarde du Val-d’Oise. A cette fin, des coopérations s’organisent autour de projets collectifs portant sur des activités sportives ou culturelles. Elles s’inscrivent dans le cadre d’une convention plus large entre le conseil général et les associations donnant la priorité au travail avec les 11-15 ans et les collèges, et de l’accord entre le département et l’institution scolaire reconnaissant la prévention spécialisée comme un acteur complémentaire en matière d’éducation et de socialisation. « Avec les établissements, nous veillons à être dans la collaboration et non la prestation. Cela passe notamment par l’adhésion des jeunes et des familles aux projets, même si cela se déroule dans le cadre scolaire », précise Xavier Prat, directeur de la Sauvegarde. Au collège Les Explorateurs de Cergy-le-Haut, l’équipe de prévention s’implique ainsi dans l’orientation. « Nous accueillons 50 à 70 % d’enfants de familles défavorisées et le décrochage scolaire est massif. Or nous avons décidé de ne mettre aucun élève de 3e dehors en juin sans affectation », résume Valérie Moreau, la principale.
De là est né le projet « 3e parcours réussite » en 2011. « L’idée était d’intervenir sur des temps scolaires mais aussi de penser des temps à l’extérieur ou dans le service, et de travailler à l’articulation dedans-dehors en faisant que chacun respecte les logiques et pratiques de l’autre », précise Jean-Baptiste Mangue, chef de service « prévention spécialisée ». Globalement, les élèves de 3e se voient proposer de l’aide individualisée, des cours de rattrapage et tout un dispositif visant à ce qu’ils voient l’école et ses acteurs autrement. Pour créer une cohésion de groupe, un séjour en Baie de Somme a été coorganisé et cofinancé, suivi par un projet artistique. « Nous avons cherché à renforcer l’estime de soi des jeunes et leur confiance en eux », souligne Valérie Moreau. Une expérience concluante, puisque tous les élèves ont pu bénéficier d’une orientation, choisie à 70 %.
Sur les hauteurs de Nice, à Drap, c’est dans la cour d’un collège que le service de prévention spécialisée Passaj, de l’association Montjoye, s’est, quant à lui, invité (1). L’équipe, qui compte deux secteurs, peinait à se mettre en lien avec les jeunes, du fait des habitations dispersées. Elle a donc choisi d’effectuer un travail de rue aux abords du collège. Mais les rencontres se sont révélées là aussi compliquées. Comme il existait des tensions et des violences au collège, l’équipe a proposé un temps de présence dans la cour. « Cela a fait débat dans le service car il y avait des craintes que les éducateurs soient instrumentalisés ou pris pour des pions », reconnaît Carole Beninati, éducatrice. Finalement, l’idée a été validée, permettant la rencontre avec de nouveaux jeunes et les échanges avec la communauté éducative.
Aux collégiens, les éducateurs expliquent qui ils sont, leurs principes d’intervention, leur rôle afin de lever toute ambiguïté. La présence dans la cour est vécue comme un tremplin pour lancer d’autres actions et un complément au travail de rue. « C’est tout l’intérêt du dedans-dehors. Cela permet d’avoir une vision plus globale des jeunes », estime Katia Chairou, éducatrice. Cela peut aussi faciliter le rapprochement de certaines familles avec l’école. Des actions collectives sont également imaginées. La cour se révélant scindée par une ligne imaginaire opposant les jeunes des deux secteurs, une réflexion a notamment été menée pour mixer cette population. Un atelier théâtre d’improvisation a été monté avec l’implication d’un intervenant payé par le collège et d’un éducateur. Les tensions se sont depuis apaisées. L’expérience a aussi fait évoluer certaines représentations d’enseignants sur les jeunes et leur famille.
« Etre dans un collège, c’est aussi agir sur le milieu du collège. L’éducateur apporte une compétence et un regard nouveau et le collège change d’optique », confirme Slimane Kadri, directeur général d’Itinéraires dans le Nord. L’association a, dès 1995, innové en créant des postes d’acteurs de liaison sociale dans l’environnement scolaire (ALSES), rattachés à la prévention spécialisée. Imaginé pour répondre à la montée des violences dans des collèges de Lille, le dispositif a fait l’objet d’une convention entre les établissements scolaires, la ville et Itinéraires. Aujourd’hui, il a été étendu et une trentaine d’ALSES financés par le conseil général couvrent le Nord. Ces éducateurs ont pour mission d’être à l’écoute des élèves comme des enseignants. « L’ALSES est un lien entre un jeune, un collège, les parents, le quartier et un relais avec l’extérieur. Outre l’accompagnement individuel, il impulse des dynamiques via des projets collectifs », résume Karima Elkhadiri, conseillère technique à l’Association prévention spécialisée Nord. Pour préserver leur posture spécifique et ne pas risquer d’être instrumentalisés ou assimilés à des membres du collège, les ALSES sont des éducateurs expérimentés, qui connaissent bien leur quartier. Passées les premières résistances des acteurs du collège – comment gérer cet électron libre ? pourquoi faire venir des éducateurs extérieurs quand les assistantes sociales perdent des moyens ? –, l’intérêt du dispositif a été reconnu, en 2011, par le cabinet CRESS (2). La fonction d’ALSES est bien repérée comme centrée sur les élèves les plus en difficulté et apte à mettre en perspective quartier et collège et à assurer une continuité. L’Education nationale fait valoir que les relations avec les familles sont facilitées.
(1) Un agrément a été signé entre Passaj et l’Education nationale pour autoriser l’intervention du service dans les collèges et même dans les classes.
(2) Qui avait été mandaté pour évaluer l’effet du dispositif sur le décrochage scolaire – Rapport téléchargeable sur