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Etrangers malades : les associations dénoncent l’incurie du ministère de la Santé

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Pas d’amélioration, ni de stagnation. C’est « pire qu’avant ». Les associations membres de l’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE) se sont alarmées, le 19 mars, d’un durcissement « sans précédent » des conditions d’accès au droit au séjour des étrangers gravement malades (1). « De manière inattendue, depuis le changement de gouvernement, nous assistons à une multiplication des notifications d’éloignement, des placements en centres de rétention administrative et des expulsions d’étrangers ressortissants de pays comme l’Angola, le Congo ou la Géorgie, atteints de pathologies lourdes – VIH, hépatite C ou diabète », a souligné Clémence Richard, responsable francilienne « rétention » pour la Cimade. Entre juillet 2012 et février 2013, l’association, qui intervient dans 12 des 26 centres de rétention administrative, a recensé une dizaine d’expulsions. En cause : le durcissement des conditions d’accès au titre de séjour pour soins par la réforme du Ceseda (code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) du 16 juin 2011, combinée « à la défaillance du ministère de la Santé », pourtant alerté, selon les associations, sur des situations individuelles.

Malgré la mobilisation des acteurs de terrain, la « loi Besson » avait remplacé la notion d’« accessibilité » du traitement dans le pays d’origine par celle de sa simple existence, tout en laissant à l’autorité administrative le pouvoir d’apprécier les cas de « circonstance humanitaire exceptionnelle », source de confusion et de décisions arbitraires. Pour éviter les divergences d’interprétation, la direction générale de la santé avait, en novembre 2011, diffusé aux agences régionales de santé (ARS) une instruction demandant de prendre en compte l’ensemble de l’offre de soins disponible dans l’Etat d’origine et protégeant les personnes atteintes du VIH d’un renvoi dans un pays en développement.

Une instruction visiblement peu suivie d’effets. Alors qu’entre 6 000 et 7 000 nouveaux titres de séjour « étrangers malades » sont délivrés chaque année (sur près de 33 000 personnes protégées au total fin 2010), les observations des membres de l’ODSE concluent à une diminution en un an de 11 % des taux d’accord des préfectures, à la fois pour les premières délivrances et les demandes de renouvellement. Ces refus suivent pour la plupart les recommandations des médecins des ARS, qui ont tendance à considérer, selon les associations, que le traitement est disponible dans le pays d’origine. A Strasbourg, une personne atteinte du VIH a essuyé un refus de renouvellement de son titre de séjour en février dernier, rapporte l’ODSE. « Son traitement est devenu – comme par magie – accessible en Républiqe démocratique du Congo, où la couverture en antirétroviraux dépasse à peine les 10 %. »

Pourquoi une telle tendance ? L’observatoire pointe un « décrochage » dans les pratiques des médecins des ARS, dont certains font preuve « d’un zèle non dissimulé pour interpréter la loi du 16 juin 2011 ». Il s’interroge sur « la multiplication des statuts contractuels ou vacataires [qui] fragilisent leur indépendance professionnelle », ou encore sur la pression exercée par les préfectures sur les décisions d’ordre médical. Pire, s’agace Arnaud Veïsse, directeur du Comede, « le ministère de la Santé nous dit qu’il ne peut rien faire car les ARS sont indépendantes ! Il a démissionné de sa fonction de responsable et de pilote du dispositif. » Sa difficulté à faire appliquer ses directives relève soit de « l’autocensure, soit d’une passivité par rapport au ministère de l’Intérieur, soit d’une volonté délibérée qui nous inquiète », ajoute Bruno Spire, président de AIDES. D’autant que ces pratiques, qui pénalisent les personnes gravement malades, sont également, en les précarisant et en retardant leur prise en charge, « contre-productives en termes de santé publique et sur le plan économique ».

Les associations mettent donc le ministère de la Santé devant ses responsabilités, mais aussi le chef de l’Etat, qui avait fait de l’abrogation des dispositions de la « loi Besson » sur les étrangers malades une promesse de campagne. Elles demandent l’arrêt immédiat des expulsions de personnes atteintes de pathologies lourdes, l’application de l’instruction ministérielle de novembre 2011 et l’annonce d’un calendrier législatif pour revenir au système d’« asile sanitaire » instauré en 1998. « François Hollande avait souhaité revenir aux dispositions antérieures au 16 juin 2011, je le souhaite aussi en tant que législateur », a affirmé le député (PS) de Loir-et-Cher Denys Robiliard (membre de la commission des affaires sociales), au côté des membres de l’ODSE. En février dernier, deux députés socialistes, Michel Ménard et Marie-Odile Bouillé, ont posé une question écrite sur le sujet au ministère de l’Intérieur. Denys Robiliard n’exclut pas de recourir à une proposition de loi. « Mais j’espère que le rapport conjoint des inspections générales de l’administration et des affaires sociales sur le droit au séjour pour soins, ainsi que celui de la mission de Matthias Fekl sur plusieurs aspects du séjour des étrangers, permettront de réunir les bases d’une réforme du Ceseda. » Interrogés par l’AFP, les ministères de l’Intérieur et de la Santé ont indiqué attendre la remise du rapport des inspections le 22 mars. « La ministre est attentive aux difficultés dans le fonctionnement du dispositif et aux pistes d’amélioration qui seront proposées à cette occasion », a déclaré le cabinet de Marisol Touraine, tandis que, place Beauvau, on précisait que le sujet nécessitait d’être remis à plat.

Notes

(1) Sur ce sujet, voir également notre décryptage dans les ASH n° 2751 du 16-03-12, p. 32.

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