En Bourgogne, le festival Itinéraires singuliers réunit une multitude de créations autour du thème de l’exclusion. Certaines œuvres ont été réalisées par des personnes malades, handicapées ou exclues, d’autres par des artistes professionnels. Riche de 140 manifestations réparties sur trois semaines, le programme propose un itinéraire parmi les salles des fêtes, les théâtres communaux et les places de Dijon et de sa région. Mais une partie des pièces de théâtre, des concerts, des lectures, des projections de films, des expositions photo et des présentations de tableaux d’art singulier se tiennent aussi dans des lieux liés à l’altérité : accueils de jour, centres hospitaliers, établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, et même un centre éducatif fermé.
Rendez-vous est notamment donné devant les grilles extérieures du parc Darcy, à Dijon, pour l’exposition « Vis-à-vies », triptyques grand format de Matthieu Guichon. Réalisées au sein du centre d’hébergement et de réinsertion sociale Sadi-Carnot et du centre de jour Resto pop de Dijon, ces photos originales en noir et blanc captent l’œil. Matthieu Guichon est un ancien travailleur social devenu photographe. Il a voulu saisir le ressenti des résidents (sans-domicile fixe, sans-papiers, demandeurs d’asile) à travers ses clichés : « Eux que l’on regarde trop souvent avec mépris, alors qu’ils sont comme vous et moi, sauf qu’il leur est arrivé une tuile. » La première approche fut difficile : « Ils me prenaient pour un journaliste, se méfiaient, refusaient d’être reconnus sur les photos. » Mais une fois le contact établi et le projet compris, le photographe a pu installer son studio au sein de la structure. « A partir du moment où j’ai développé les premiers portraits, ils voulaient tous être photographiés. » Les visages détourés des résidents expriment trois sentiments différents. « Je me souviens d’un Kurde qui galérait dans les méandres de l’administration française – je lui ai demandé d’interpréter les singes de la sagesse [1] – ou d’un Ethiopien qui avait vu sa famille se faire massacrer – à qui j’ai proposé de personnifier la peur et la tristesse. Ensuite, je n’ai plus eu besoin de les guider. L’image qu’ils avaient d’eux-mêmes, si elle n’est pas totalement lissée, s’en est trouvée valorisée. »
Itinéraires singuliers
A Dijon et en région Bourgogne – Jusqu’au 7 avril – Programme sur
(1) Symbole asiatique constitué de trois singes se couvrant chacun une partie différente du visage – bouche, yeux, oreilles – avec les mains.