L’enjeu est double : s’emparer du calendrier législatif pour demander l’abrogation de la loi du 5 juillet 2011 sur les soins sans consentement et défendre les pratiques d’une psychiatrie fondée sur la pluralité des approches, centrée sur « le soin de personnes en souffrance psychique et non sur la normalisation des conduites et des populations ». A l’occasion de la semaine d’information sur la santé mentale (1), « le collectif des 39 contre la nuit sécuritaire », qui réunit depuis 2008 des professionnels, des représentants du monde de la culture et des citoyens (2), réitère ses revendications en lançant un appel « pour une éthique de l’hospitalité ».
En censurant deux dispositions de la loi du 5 juillet 2011 sur les soins sans consentement, le Conseil constitutionnel a imposé une réforme partielle du texte d’ici à octobre 2013. « Mais le toiletter et le modifier ne suffira pas, argumente Mathieu Bellahsen, psychiatre de secteur dans l’Essonne et membre du collectif. La loi a introduit une confusion entre psychiatrie et criminalité, entre soins et traitements médicamenteux, et est passée de la notion d’accès aux soins et de continuité des soins à celle d’accès à la contrainte et de continuité de la contrainte. Ce qui va à l’encontre de la confiance nécessaire à la relation soignante. » Mais au-delà des dispositions décriées – sur les soins ambulatoires sans consentement, la période d’observation de 72 heures, la possibilité pour le préfet d’ordonner une hospitalisation d’office… –, le collectif réclame de nouveau la mise en chantier d’une « ambitieuse loi-cadre » refondant la psychiatrie et qui n’éluderait pas les questions de la formation et des moyens. La dérive sécuritaire, par des dispositions qui empiètent sur les libertés fondamentales, est en cause, précise Mathieu Bellahsen, mais pas seulement. « La dérive gestionnaire, renforcée par la loi “hôpital, patients, santé et territoires”, se traduit par des normes, des certifications, des protocoles. Nous souhaitons une loi qui porte une orientation politique, des valeurs, des principes respectueux de l’éthique soignante, et parte des pratiques, non de positions idéologiques. » Autant de revendications que les représentants du collectif ont portées lors de leur audition, le 21 février dernier, par les membres de la mission d’information parlementaire sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie, présidée par Arnaud Robinet, député (UMP) de la Marne et dont le rapporteur est Denys Robiliard, député (PS) du Loir-et-Cher. Ses conclusions devraient être connues avant l’été.
En attendant, le collectif des 39 entend, avec les CEMEA (Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active), élaborer des propositions à l’issue d’« assises citoyennes pour l’hospitalité en psychiatrie et dans le médico-social », qu’ils co-organisent les 31 mai et 1er juin. Objectif : rassembler les expériences des professionnels du soin et de l’éducatif, des usagers et de leurs familles pour jeter les bases d’une « réinvention de la politique de secteur, dans ses liens avec la psychiatrie privée et l’ensemble des acteurs de la vie sociale ». Un appel à témoignages est d’ores et déjà lancé pour nourrir les huit ateliers prévus au programme.
(1) Du 18 au 24 mars. Créée en 1990 par l’Association française de psychiatrie, elle est organisée par un collectif de 16 partenaires réunis dans un comité de coordination, animé par le Centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé pour la recherche et la formation en santé mentale (CCOMS).
(2)