La revendication n’est pas nouvelle, mais les associations espèrent bien la voir aboutir en ce début de quinquennat. A l’approche de la trêve hivernale des expulsions locatives, les 33 membres du « Collectif des associations unies pour une nouvelle politique publique du logement des personnes sans abri et mal logées » ont transmis, le 13 mars, un courrier aux députés et aux sénateurs pour exiger en 2013 « un moratoire sur toutes les expulsions locatives sans solutions, avec dédommagement des propriétaires » (1). Alors que le gouvernement vient de reporter de 15 jours, jusqu’au 31 mars, la fin de la trêve hivernale pour des raisons climatiques (voir ce numéro, page 13), « nous demandons la même mesure d’urgence, mais jusqu’au 1er novembre prochain, explique Christophe Robert, délégué général adjoint de la Fondation Abbé-Pierre. Mais ce moratoire n’aura de sens que si on s’oriente vers le déploiement d’une forte politique de prévention, avec la mobilisation des préfets. » Or les dispositifs de prévention sont insuffisamment évoqués dans le plan quinquennal de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, relèvent les associations. Elles espèrent, à tout le moins, davantage d’ambition en la matière dans le prochain projet de loi sur le logement annoncé pour juin. Si certains chantiers sont en cours, comme l’amélioration du fonctionnement des CCAPEX (commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives) et la création d’une garantie universelle et solidaire des risques locatifs, « nous appelons à un changement de cap, plaide le collectif, qui rappelle le coût social, humain, mais aussi financier des expulsions. Substituons une logique d’action sociale et de prévention à une logique d’ordre public, construisons avec tous les acteurs concernés (représentants des bailleurs, des locataires, de l’Etat et associations) une réponse adaptée face à ces situations complexes. » Le renforcement du rôle des fonds de solidarité pour le logement et des CCAPEX, la mise en œuvre de diagnostics sociaux et d’un accompagnement dès les premiers impayés, ou encore le maintien des allocations logement malgré le défaut de paiement du loyer, figurent parmi les mesures préconisées. Quant à la circulaire du 26 octobre dernier – qui protège des expulsions locatives les personnes dont le relogement a été reconnu prioritaire et urgent par la mise en œuvre du droit au logement opposable (DALO) –, elle fait l’objet d’une « lecture restrictive » de certaines CCAPEX, qui ont tendance à limiter ce critère de priorité au titre de la menace d’expulsion.
Le collectif, qui précise qu’il « ne s’agit pas de donner un aval à d’éventuels mauvais payeurs », indique qu’en 2011, 113?669 décisions judiciaires d’expulsion pour impayés de loyer ont été rendues, soit une augmentation de 4 % en un an, et que 12 760 expulsions ont eu lieu avec le concours de la force publique (+ 9 %), ce qui traduit « un durcissement très préoccupant du traitement de ces situations ». De son côté, la Fondation Abbé-Pierre souligne que les personnes en situation d’impayé qui appellent sa plateforme téléphonique « Allô prévention expulsion » le sont principalement à cause d’un changement ou d’une perte d’emploi (50 %). Preuve supplémentaire que l’emploi ne protège pas de l’exclusion, quatre appelants sur dix travaillent. La fondation, également préoccupée par l’extension du phénomène à des territoires jusqu’ici épargnés, appelle à mettre un terme « à une situation qui se dé?grade de jour en jour ». Reçue le 13 mars par les députés socialistes François Pupponi et Jacqueline Maquet et des conseillers de Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale, le collectif a fait valoir ses priorités. Les députés « ont indiqué qu’ils proposeraient à la ministre du Logement de profiter des 15 jours de report de la fin de la trêve hivernale pour demander, par circulaire, aux préfets d’identifier les ménages menacés d’expulsion, et de vérifier si des mesures d’enquête sociale ont été envisagées en amont. Mais l’idée de moratoire provoque des réticences », rapporte Christophe Robert. Si les constats sont partagés, les solutions à l’exclusion par le logement sont loin de faire consensus.
La « plateforme logement des mouvements sociaux », qui comprend notamment AC !, le DAL, le MNCP, des associations de défense des locataires et plusieurs syndicats, invite quant à elle à manifester le 16 mars pour l’arrêt des expulsions, la baisse des loyers et des charges et le respect du droit au logement.
(1) Un fonds permet déjà aux préfets d’indemniser les propriétaires lorsqu’ils décident de ne pas procéder à l’expulsion. Son montant est passé de 78 millions d’euros en 2005 à 42 millions en 2013.