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Accessibilité : les sanctions sont maintenant inévitables !

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La sénatrice Claire-Lise Campion (PS) a remis son rapport sur la mise en accessibilité des établissements recevant du public (voir ce numéro, page 5). Rejoignant les constats d’autres associations (voir ce numéro, page 14), Arnaud de Broca, secrétaire général de la FNATH (Association des accidentés de la vie), estime qu’il faut passer à la vitesse supérieure en assortissant les mesures proposées, notamment les agendas d’accessibilité programmée, d’une politique de sanctions.

« Certains rapports sont particulièrement attendus. Car l’on sait qu’ils ne pourront rester dans un tiroir comme tant d’autres. Tel est le cas de celui porté par la sénatrice Claire-Lise Campion et remis au Premier ministre le 1er mars dernier. Intitulé Réussir 2015, il porte dans son titre même l’affirmation ferme de ne pas repousser l’échéance prévue par la loi de 2005 pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public. C’est en soi une bonne nouvelle. Il n’était pas forcément exclu que certains lobbies réussissent à convaincre de faire voler en éclats cette date, comme ils ont réussi tout au long de ces dernières années à impulser des amendements visant à revenir sur le contenu même de la législation, en intégrant par exemple des dérogations aux règles d’accessibilité aux bâtiments neufs.

En rappelant que l’obligation d’accessibilité remonte à la loi de 1975, le rapport éclaire l’impatience accrue des personnes handicapées. Car ce n’est pas depuis dix ans qu’elles attendent que la loi soit appliquée, mais bien depuis 40 ans. Certes, la loi de 2005 a renforcé et amplifié les obligations. Mais cela a été rendu nécessaire par le fait que la loi de 1975 n’a jamais été appliquée, notamment parce qu’elle ne prévoyait aucune sanction ni aucune échéance.

Nous sommes maintenant à moins de deux ans de l’échéance de 2015. Il est temps d’agir et de réagir. Les mois s’enchaînent sans qu’aucune décision politique ne voie le jour. Personne n’ignore maintenant que la société ne sera pas au rendez-vous de 2015. Certains, comme les auteurs du rapport, font valoir que le délai était de toute manière trop court et irréaliste. Difficile de partager ce point de vue. Mais pour avoir un quelconque impact, il aurait fallu un portage politique fort. Au-delà d’une disposition légale, il devait s’agir avant tout d’un projet de société structurant pour l’ensemble des acteurs publics. Or, cela n’a pas été le cas. Evidemment, la crise financière n’a pas facilité. Pour autant, qui peut nier que les progrès réalisés auraient pu être beaucoup plus importants dix ans après la loi de 2005 ? Ce scandaleux constat d’échec ne peut suffire. Il faut maintenant des réponses rapides pour, d’une part, favoriser la mise en accessibilité d’ici 2015, et, d’autre part, gérer l’après-2015.

Les mois sont comptés

Comment décupler en deux ans ce qui a été fait depuis 2005 ? Cela passe certainement par des actions de communication ainsi que par des mesures incitatives financières ou légales. Le rapport fait des propositions : la réalisation d’états régionaux de l’accessibilité, la proposition de faire de l’accessibilité une grande cause nationale en 2014 ou bien encore la mobilisation de prêts à taux zéro dans le cadre de la banque publique d’investissement pour des travaux réalisés d’ici 2015 et l’exonération de droits de succession dans certaines situations vont indéniablement dans ce sens, même si d’autres pistes peuvent être recherchées. Mais pour que de telles mesures soient efficaces, elles devront être très rapidement mises en œuvre. Car, les mois sont comptés.

Mais on nous annonce des décisions gouvernementales lors de la première réunion du comité interministériel du handicap en juin prochain. Si tel est le calendrier retenu, ces mesures ne pourront pour la plupart d’entre elles entrer en application qu’après, et donc vraisemblablement à l’automne prochain. Quel que soit leur contenu, ces mesures disposeront donc d’à peine plus d’une année pleine pour porter leurs effets. Autant dire que c’est court et qu’il faudra frapper fort. Sans doute plus fort que les propositions faites dans le rapport, notamment en moyens financiers supplémentaires dégagés.

Malgré tous les efforts et les mesures incitatives, nous savons aussi maintenant, ce n’est plus qu’un secret de Polichinelle, que l’obligation légale ne sera pas respectée partout. On pourrait se contenter d’inviter les personnes handicapées à saisir la justice. Mais, la judiciarisation de la mise en accessibilité ne peut en aucun cas constituer la seule réponse : si quelques procès ne manqueront pas d’être médiatisés, est-ce qu’ils amélioreront véritablement le quotidien des personnes handicapées ? Evidemment, non. La FNATH qui réalise chaque année des milliers de contentieux sait bien à quel point cela peut constituer une réponse individuelle mais en aucun cas une réponse collective, pour la concrétisation d’un projet de société.

La sénatrice Claire-Lise Campion propose, dans son rapport, de mettre en place des agendas d’accessibilité programmée (Ad’AP), qui doivent permettre de prévoir un échéancier de mise en accessibilité au-delà de 2015, ce qui a l’apparence et le goût d’un report de l’échéance ! Pour avoir vraiment un impact, cette proposition devrait s’entourer de quatre conditions : d’une part, elle doit s’accompagner d’une volonté politique forte pour accélérer la mise en accessibilité d’ici 2015 et éviter ainsi le développement de ces reports déguisés de l’échéance de 2015. De ce point de vue, la remise du rapport au Premier ministre peut être un premier signe encourageant, mais encore insuffisant à ce stade.

D’autre part, la fixation de ces agendas doit se faire en concertation avec les associations de personnes handicapées, qui devront valider leur contenu et leur réalisme. Le rapport semble partager cette condition puisqu’il évoque un certain nombre de propositions – notamment le remboursement des frais de déplacement des représentants associatifs – en vue d’améliorer le fonctionnement, la compétence et la coordination des commissions départementales d’accessibilité.

Prévoir le « bâton »

En revanche, les deux dernières conditions nécessaires pour que ces agendas soient efficaces ne semblent pas être partagées par les auteurs du rapport. Ces Ad’AP ne peuvent reporter aux calendes grecques la mise en accessibilité : ils doivent prévoir un échéancier court mais réaliste. Or en prévoyant un délai renouvelable pouvant aller jusqu’à sept ans, les auteurs doublent quasiment l’échéance initiale de dix ans. Mais, ces agendas, pour être efficaces, doivent surtout être assortis de véritables sanctions pour tous ceux qui refuseraient de les adopter d’ici 2015, mais aussi s’ils ne sont pas respectés : le fameux “bâton”, indissociable de la “carotte”. Il faut en effet que les structures qui ne respecteraient pas l’agenda qu’elles se sont fixé connaissent dès le départ à quoi elles s’engagent en cas de non-respect, outre l’absence de mesures incitatives. Sinon comment penser que ces agendas seraient plus respectés qu’une obligation définie par la loi en 2005 ?

Claire-Lise Campion fait, en introduction et en conclusion de son rapport, appel à un “pari de la confiance”. On aimerait partager cette vision, malheureusement elle ne semble plus être adaptée aujourd’hui. Cela fait maintenant près de 40 ans, depuis la loi de 1975, que les personnes handicapées en appellent à la confiance : la confiance de vivre dans une cité accessible, la confiance d’être inscrit à l’école de son quartier, la confiance de trouver et de se maintenir dans son emploi… Cela ne peut plus durer et ne suffit plus pour rassurer les millions de personnes handicapées qui continuent à être exclues, non pas en raison de leur handicap, mais parce que la société souhaite continuer de les voir exclues en ne se donnant pas les moyens de se rendre accessible.

Sans nul doute, il est temps maintenant de passer à une politique de sanctions, seule manière véritable de donner à ces agendas leur rôle véritable : laisser un peu plus de temps que la loi de 2005 n’avait prévu, mais avec une obligation de résultat et non juste de moyens. Des sanctions qui permettraient d’alimenter un fonds utile pour financer des opérations de mise en accessibilité.

Le rapport ouvre également la porte à l’aménagement d’un certain nombre de dispositions réglementaires. Sur l’ensemble de ces points, la FNATH fait part de ses nombreuses réserves pour remettre en cause des textes qui ont déjà fait l’objet de concertations longues et nourries.

Concertation inéluctable

Confirmant la nécessité de conserver l’échéance de 2015, ce rapport appelle le gouvernement à faire preuve d’une véritable volonté politique d’autant plus que l’exigence de mise en accessibilité n’est pas une lubie de quelques personnes mais concerne près de dix millions de citoyens et presque autant d’électeurs. Une concertation rapide sur l’ensemble des propositions est inéluctable, non pas pour perdre encore du temps, mais pour aboutir rapidement à un plan d’actions partagé. L’heure du diagnostic et des constats est maintenant dépassée. La date de 2015 constitue pour beaucoup de personnes handicapées un rêve : le rêve de vivre comme un citoyen à part entière dans la cité. Faisons à présent en sorte que ce rêve ne se transforme pas en cauchemar. C’est pourtant ce qu’il se passera si des mesures incitatives ne sont pas prises rapidement pour sortir de l’attentisme dans lequel sont plongés nombre d’acteurs à quelques mois de l’échéance de 2015 ou si des sanctions ne sont pas prévues en cas de non-respect de tels agendas d’accessibilité programmée, s’ils venaient à être mis en place. Savoir actionner la carotte et le bâton : tels sont les enjeux des prochains mois. »

Contact : arnaud.debroca@fnath.com

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