Répondant à une requête présentée par plusieurs associations de défense des droits des étrangers (1), le Conseil d’Etat a, le 4 mars, annulé la décision par laquelle, le 6 décembre 2011, le conseil d’administration de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a ajouté la république populaire du Bangladesh à la liste des pays d’origine de demandeurs d’asile considérés comme « sûrs ».
Pour mémoire, les demandes d’asile déposées par les ressortissants de pays d’origine « sûrs » suivent une procédure spécifique dite « prioritaire », qui se caractérise par le fait que l’intéressé ne bénéficie pas d’une admission provisoire au séjour pendant l’instruction au fond de sa demande, mais aussi par un délai d’instruction de l’OFPRA de seulement 15 jours et le caractère non suspensif de l’éventuel recours devant la Cour nationale du droit d’asile. Le demandeur peut donc être renvoyé dans son pays d’origine dans l’attente de la décision.
Selon l’article L. 741-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, est considéré comme « sûr » un pays qui « veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l’état de droit, ainsi que des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ». Or, aux yeux des sages, la république populaire du Bangladesh ne présentait pas, à la date de la décision attaquée, les caractéristiques justifiant son inscription sur la liste des pays d’origine « sûrs ». Le Conseil d’Etat pointe en particulier les violences auxquelles sont exposés, dans ce pays, « les opposants politiques ainsi que certaines catégories de la population en raison de leur religion, de leur origine ou de leurs opinions », sans garantie de pouvoir disposer d’une protection suffisante de la part des autorités publiques. Il évoque également « les violations des droits des minorités et des personnes déplacées dans certaines régions ».
Rappelons que, selon les chiffres publiés par l’OFPRA en juin dernier (2), le Bangladesh est devenu en 2011, pour la France, le principal pays de provenance des demandeurs d’asile, avec près de 3 500 premières demandes déposées.
Dans sa décision du 6 décembre 2011, l’OFPRA a, en plus du Bangladesh, ajouté l’Arménie, la Moldavie et le Monténégro à la liste des pays d’origine « sûrs ». Les associations requérantes espéraient également leur retrait (3). Mais le Conseil d’Etat ne leur a pas donné satisfaction.
Le Monténégro, soulignent les sages, « a mis en place depuis son indépendance en 2006 des institutions démocratiques respectueuses de l’Etat de droit et des droits des personnes quelles que soient leurs origines ». Il est, en outre, partie à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ainsi qu’à plusieurs conventions du Conseil de l’Europe. Et a été reconnu candidat à l’adhésion à l’Union européenne depuis 2010.
Pour sa part, « en dépit de certaines difficultés persistantes dans l’affirmation de l’autorité de l’Etat et des particularités de la situation de la Transnistrie », la Moldavie peut également être considérée comme un pays d’origine « sûr », selon le Conseil d’Etat. Les sages relèvent notamment que cette république « s’est engagée dans la voie de réformes profondes de son système politique et judiciaire dans le sens d’une consolidation de l’Etat de droit conformément aux exigences du partenariat conclu avec l’Union européenne ».
Enfin, s’agissant de l’Arménie – retirée de la liste par le Conseil d’Etat en juillet 2010 avant, donc, d’y être réintégrée par l’OFPRA en décembre 2011 –, la Haute Juridiction retient entre autres les « évolutions constatées depuis 2009 dans le sens d’un affermissement du processus démocratique » pour considérer que, « en dépit de certaines difficultés persistantes dans le contrôle des pratiques des forces de sécurité », le conseil d’administration de l’OFPRA n’a pas fait une inexacte appréciation de sa situation en l’inscrivant dans la liste des pays d’origine « sûrs ».
Après cet arrêt et en tenant compte de la dernière décision du conseil d’administration de l’office – qui a retiré le Mali de la liste en décembre 2012 (4) –, 16 pays sont désormais considérés comme pays d’origine « sûrs » : l’Arménie, le Bénin, la Bosnie-Herzégovine, le Cap-Vert, la Croatie, le Ghana, l’Inde, l’île Maurice, la Macédoine, la Moldavie, la Mongolie, le Monténégro, le Sénégal, la Serbie, la Tanzanie et l’Ukraine.
(1) Elena France, Cimade, Association avocats pour la défense des droits des étrangers, Ligue des droits de l’Homme, Forum réfugiés, France terre d’asile.
(3) Ce sont plus précisément Forum réfugiés et France terre d’asile qui réclamaient le retrait de tous les pays ajoutés à la liste le 6 décembre 2011 par l’OFPRA. Les autres associations visaient simplement le Bangladesh et l’Arménie.