Le refus implicite opposé à une demande de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour peut-il servir de base légale à une obligation de quitter le territoire français (OQTF) ? Oui, répond le Conseil d’Etat dans un avis rendu le 13 février, précisant toutefois qu’il incombe à l’autorité administrative de motiver la décision énonçant l’OQTF autrement qu’en se référant simplement au refus implicite de titre de séjour.
Le Conseil d’Etat était interrogé, dans cette affaire, par la cour administrative d’appel de Nantes. Pour bien comprendre la question posée, il convient de rappeler que, avant la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, l’obligation de quitter le territoire français constituait une mesure particulière d’éloignement qui n’était susceptible d’être prononcée que pour assortir un refus de délivrance ou de renouvellement d’un titre de séjour. Se basant sur cette ancienne législation, le Conseil d’Etat avait estimé, en 2008, que le préfet ne pouvait prendre une décision obligeant un étranger à quitter le territoire français sans lui avoir, dans la même décision, refusé un titre de séjour de manière explicite. Il avait, dès lors, été d’avis qu’un refus implicite résultant du silence gardé par l’administration sur une demande de titre de séjour durant quatre mois (1) ne pouvait permettre de prendre une OQTF et qu’une telle mesure ne pouvait intervenir qu’après que l’administration eut opposé, à nouveau et de manière explicite, un refus à la demande de titre de séjour.
Mais la législation – et l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) en particulier – a changé en 2011 (2). Désormais, l’administration est susceptible de prononcer une OQTF dans différents cas, tenant à l’entrée irrégulière en France, au maintien irrégulier sur le territoire national, au refus de délivrance ou de renouvellement d’un titre de séjour ou de retrait d’un tel titre, au retrait ou au refus de renouvellement d’un récépissé ou d’une autorisation provisoire de séjour. Cette mesure d’éloignement n’est ainsi plus spécifiquement liée au cas du refus de séjour. Et, souligne le Conseil d’Etat, « si rien ne s’oppose à ce que l’administration, comme elle le fait de façon générale, permette le maintien sur le territoire d’un étranger qui a demandé un titre de séjour jusqu’à ce qu’elle ait statué par une décision explicite sur la demande de séjour », ni l’article L. 511-1 du Ceseda, ni aucune autre disposition de ce code ne peuvent faire obstacle à ce que le silence gardé par l’administration pendant plus de quatre mois sur une demande de titre de séjour vaille décision de rejet et à ce que ce rejet implicite permette de prononcer une obligation de quitter le territoire français.
L’autorité administrative peut donc prononcer une obligation de quitter le territoire français lorsque le silence gardé pendant quatre mois sur une demande de délivrance ou de renouvellement d’un titre de séjour a fait naître une décision implicite de rejet, sans qu’il lui soit impératif d’opposer au préalable un refus explicite de titre de séjour.
Cela étant posé, le Conseil d’Etat rappelle que, en vertu de l’article L. 511-1 du Ceseda, la décision énonçant l’OQTF doit être motivée. Or, souligne la Haute Juridiction, si la législation prévoit que celle-ci n’a pas à faire l’objet d’une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas où la mesure d’éloignement fait suite à un refus de délivrance ou de renouvellement d’un titre de séjour, cette exception à l’obligation de motivation « ne peut trouver à s’appliquer que si la mesure d’éloignement assortit une décision relative au séjour elle-même explicite et motivée ».
Pour le Conseil d’Etat, il incombe ainsi au préfet, dans le cas où il prononcerait une obligation de quitter le territoire français à la suite d’un refus implicite de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour, de motiver sa décision « en indiquant les circonstances de fait et les considérations de droit qui la justifient, sans qu’elle puisse se borner à motiver sa décision par référence à l’existence d’un refus implicite de titre de séjour ».
(1) En vertu de l’article R. 311-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le silence gardé pendant plus de quatre mois sur les demandes de titres de séjour vaut en effet décision implicite de rejet.