Le sujet, en suspens depuis des années, de la prise en charge des mineurs isolés étrangers est-il sur le point de trouver une issue ? La décision du président du conseil général de Seine-Saint-Denis, en septembre 2011, de ne plus accueillir de nouveaux jeunes sans aide de l’Etat (1) avait relancé la question de la charge financière que les départements les plus exposés peinent à assumer pour ce public. Le garde des Sceaux de l’époque avait alors décidé de soulager le conseil général par un dispositif de répartition des mineurs vers une vingtaine de départements du grand bassin parisien. Mais au-delà de cette solution d’urgence, la question de la participation de l’Etat à l’accueil de ces jeunes migrants et de l’harmonisation des pratiques des départements restait entière.
Un groupe de travail initié par l’actuelle garde des Sceaux, Christiane Taubira, a commencé à plancher sur le sujet avec l’Assemblée des départements de France (ADF) en novembre dernier. Les discussions ont abouti à un projet de circulaire, qui prévoit la prise en charge financière par l’Etat des cinq premiers jours d’accueil des mineurs étrangers isolés, période nécessaire à l’évaluation par le conseil général de leur situation. Il appartiendrait ensuite au parquet d’orienter le jeune reconnu mineur vers un service d’aide sociale à l’enfance, selon un système de répartition nationale. « L’Etat reconnaît ses obligations en matière de mise à l’abri, mais nous attendons aussi des réponses sur sa contribution à la prise en charge dans les départements qui accueillent plusieurs centaines de mineurs isolés par an », commente Jean-Pierre Hardy, responsable des politiques sociales à l’ADF. Cette dernière demande, à l’instar du défenseur des droits, la création d’une section dédiée au sein du Fonds national de financement de la protection de l’enfance.
Pierre Henry, directeur général de France terre d’asile, émet quant à lui des réserves sur « l’applicabilité de ce texte » : « Il comporte des avancées, mais l’accord passé avec l’ADF est un dispositif complexe qui risque de ne pas améliorer les prises en charge », s’inquiète-t-il. En effet, « comment aboutir à une interprétation harmonisée des juridictions sur la nécessité de la prise en charge ? Cela suppose aussi que les départements jouent le jeu. Or certains, qui se voient aujourd’hui confier un mineur par le parquet de Bobigny [Seine-Saint-Denis], contestent leur âge pour les refuser. Sans compter qu’une évaluation de l’âge peut prendre deux mois lorsqu’il y a contestation de l’état civil ! » Selon France terre d’asile, mieux vaudrait que l’Etat finance l’accueil du mineur jusqu’à la détermination définitive de son âge et qu’un système de péréquation financière nationale soit créé. Cela afin de répondre à un double enjeu : celui de la solidarité entre les départements et celui de l’intérêt supérieur de l’enfant. Sur son blog (2), Jean-Pierre Rosenczveig, président du tribunal pour enfants de Bobigny et de l’association DEI-France, s’inquiète, quant à lui, du rôle prépondérant qui serait confié aux parquets dans l’orientation des mineurs. « Un juge doit les recevoir, éventuellement avec un administrateur ad hoc », défend-il.
Au cabinet de la garde des Sceaux, on précise que le projet de circulaire « n’est pas finalisé et ne pourra l’être qu’après validation du Premier ministre à une date qui reste à déterminer ».
(1) Voir ASH n° 2728 du 14-10-11, p. 16.
(2)