L’affaiblissement, voire l’échec de la politique de la ville, est lié à la manière dont a été conçue la participation des habitants. Ce qui est vrai pour l’ensemble du champ social est encore plus frappant pour cette politique, dont les textes fondateurs des années 1980 accordaient une place importante à la mobilisation citoyenne. Après les premières opérations de développement social des quartiers, il y a eu une sorte de regain dans la foulée de la loi « Vaillant » de 2002 sur la démocratie de proximité, qui a créé les conseils de quartier. Puis les dispositifs plus ou moins institués se sont effondrés et ont perdu de leur sens. On a, en même temps, continué à entretenir un contresens sur les milieux populaires, considérés comme porteurs de difficultés. Les politiques ont raté leur cible en se privant de la capacité d’agir des citoyens et en individualisant les réponses alors que le ressort du lien social, des solutions économiques et sociales, est dans la capacité collective à être en mouvement et à améliorer son environnement (2). L’idée n’est pas nouvelle, il s’agit de la remettre en action, de la dynamiser alors que s’achève un cycle d’une trentaine d’années et que l’Etat providence est en train de se reconfigurer.
Nos propositions sont de trois ordres. Le premier est de faire le pari de soutenir les initiatives citoyennes dans les territoires populaires, non pas pour les associer à un objectif préalablement défini, mais en considérant leur existence même comme une plus-value en termes d’intérêt général. Ce qui suppose des moyens matériels.
Les fonds de participation des habitants, qui ont connu une existence expérimentale, pourraient être activés par un abondement des pouvoirs publics et une nouvelle gouvernance, notamment dans le cadre des contrats urbains de cohésion sociale. Les maisons de quartier et les centres sociaux pourraient davantage être des lieux-ressources pour de telles actions. Dans le cadre des projets de territoire, la mise en place d’une clause de « mieux disant participatif » dans les critères de choix d’actions à financer permettrait de fixer localement les priorités. Le deuxième enjeu est de modifier les modalités d’élaboration, de pilotage et de mise en œuvre des politiques publiques, afin que les habitants aient un réel pouvoir dans les processus de décision et d’évaluation. Le troisième est de développer la culture du pouvoir d’agir, par exemple à travers les démarches de coformation mises en œuvre par ATD quart monde (3) ou par les universités populaires de parents de l’Association des collectifs enfants parents professionnels.
La crise a libéré les initiatives, ce qui est positif, même si le pire danger est que ces dernières soient perçues comme une alternative au service public. Il s’agit plutôt de forger une nouvelle alliance entre la société civile et les pouvoirs publics ! Au sein du collectif, des synergies se créent : ATD quart monde travaille en partenariat avec des fédérations départementales de centres sociaux. A l’échelle des régions – Ile-de-France, Nord-Pas-de-Calais ou Rhône-Alpes –, les réseaux ont commencé à organiser des rencontres de collectifs d’habitants pour favoriser les échanges de pratique. Cette démarche peut constituer les prémices d’un groupe d’appui et alimenter le projet d’une rencontre nationale et annuelle sur le développement du pouvoir d’agir, organisée par l’Etat, les institutions et les acteurs de terrain. Montrer aux élus qu’ils ne perdront pas de pouvoir en le partageant se démontre par les faits, pas par les discours !
Le ministère de la Ville a confié cette mission à Marie-Hélène Bacqué et Mohamed Mechmache, qui nous ont sollicités pour faire partie de leur commission. Celle-ci devrait se réunir jusqu’à l’été.
(1) Composé de réseaux (Centres sociaux, IRDSU, ATD quart monde, CNLAPS, ACEPP…), d’associations et de personnes engagés dans la lutte contre l’exclusion sociale et politique –
(3) ATD quart monde a, de son côté, adressé le 4 février au ministre délégué à la Ville une contribution à la concertation pour la réforme de la politique de la ville, intitulée « Pour une ville riche de tous ses habitants ».