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Soutien à la parentalité : l’IGAS invite le gouvernement à élaborer une véritable politique publique

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A la demande de Marisol Touraine et de Dominique Bertinotti, respectivement ministre des Affaires sociales et ministre déléguée chargée de la famille, l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) a dressé un état des lieux des dispositifs de soutien à la parentalité, rendu public le 19 février (1). Et elle n’est pas tendre : des moyens financiers dédiés « modestes », un engagement croissant de la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) mais dégressif de l’Etat, un déficit de lisibilité et d’accessibilité des dispositifs, une gouvernance nationale « hésitante ». Et pourtant « le soutien à la parentalité, dans le contexte sociétal d’aujourd’hui, est non seulement utile mais nécessaire », estime l’inspection, qui formule une vingtaine de propositions afin de développer cette politique publique.

Rappelons que le soutien de la parentalité regroupe six dispositifs : les réseaux d’écoute et d’appui aux parents (REAAP), les lieux d’accueils enfants-parents (LAEP), les contrats locaux d’accompagnement à la scolarité (CLAS), les points info famille, la médiation familiale et les espaces de rencontre. Des dispositifs qui touchent un peu plus de un million de personnes pour un coût d’environ 150 millions d’euros en 2012 (2), financés en grande partie par la CNAF (74 millions) et les collectivités locales (un peu moins de 50 millions), et de manière résiduelle par l’Etat (18 millions).

Une politique inachevée et bridée par des financements trop modestes

Pour l’IGAS, on est face à une « construction progressive mais inachevée de la parentalité comme politique publique ». En effet, illustre-t-elle, seules cinq circulaires diffusées entre 2001 et 2008 encadrent les REAAP, dont la nature des actions, les contenus et les modalités de mise en œuvre ne sont pas édictés au niveau national. En outre, estime l’inspection, la tentative de croisement des politiques de soutien à la parentalité et de prévention de la délinquance opérée par la loi du 5 mars 2007 de prévention de la délinquance a entraîné un « brouillage du référentiel initial des acteurs du soutien à la parentalité » du fait d’un glissement terminologique de « responsabilités parentales » à « responsabilisation des parents ». La loi a en effet créé des dispositifs coercitifs – tels que les conseils des droits et devoirs des parents – contraires aux principes et aux objectifs de la politique de soutien à la parentalité.

Tout en soulignant le manque d’ambition des objectifs de la CNAF en matière de soutien à la parentalité, l’IGAS relève que la période de mise en œuvre de la convention d’objectifs et de gestion (COG) 2009-2012 de la caisse a tout de même vu la « montée en puissance » de son engagement. L’effort financier de la branche famille a en effet progressé de 40 % sur cette période (3). Même si les crédits mobilisés ne représentaient qu’un peu plus de 1 % de l’action sociale de la CNAF, la création de prestations de services (LAEP, CLAS…) au sein de la branche famille a toutefois permis de donner « un début de sécurité financière aux opérateurs du soutien à la parentalité », se félicite l’inspection.

La CNAF a donc réussi à conforter son rôle dans le pilotage et l’animation locale de la politique de soutien à la parentalité. Un état de fait qui résulte aussi pour partie du désengagement de l’Etat. En raison de la « contraction des finances publiques et de la réorganisation de l’Etat tant au plan national qu’au plan local », les crédits que ce dernier a réservés au soutien de la parentalité ont en effet diminué de 70 % entre 2008 et 2012, explique le rapport. Du côté des effectifs, pas mieux : réduction d’un emploi équivalent temps plein sur un total initial de 3,5 hors encadrement au niveau de l’administration centrale. Au plan local, l’IGAS estime que les postes dédiés au soutien à la parentalité ont été divisés par deux, créant une « tension difficilement tenable pour les services ». Dans ce cadre, poursuit-elle, l’apport des collectivités locales, bien que facultatif, apparaît « déterminant ».

Dans ce contexte, l’IGAS insiste pour que la CNAF soit « clairement » missionnée comme opérateur central et les caisses d’allocations familiales (CAF) comme opérateurs locaux de la politique de soutien à la parentalité. Il faut aussi, selon elle, fixer un cadre d’intervention clair, en élaborant un référentiel national des actions « parentalité ». Ce document devrait entre autres préciser les actions éligibles à un « fonds national parentalité » de la CNAF qu’il convient de créer (4), présenter un socle définissant les missions d’animation départementale et les conditions de financement par le fonds, et faire de la participation des parents un critère de financement explicite pour inciter les opérateurs à développer cet axe (notamment pour les CLAS). Afin d’asseoir le pilotage local partenarial Etat-CNAF, il faut également, selon le rapport, « établir un document d’orientations départemental “parentalité” commun, à partir d’un diagnostic partagé, visant à établir une offre de services cible sur tout le territoire et à définir une feuille de route commune ». Compte tenu des contraintes budgétaires, l’IGAS préconise de « doubler, par redéploiement, les crédits nationaux de la branche famille en faveur de la parentalité », selon trois hypothèses qu’elle détaille dans le rapport. En tout état de cause, ce sont 75 millions d’euros supplémentaires qu’il faut, d’après elle, mobiliser sur la période 2014-2016.

Une stratégie nationale « ambiguë »

Globalement, « des faiblesses structurelles demeurent au niveau du pilotage national, malgré une gouvernance locale plutôt dynamique », souligne le rapport. « La politique de soutien à la parentalité a subi des à-coups successifs pour partie liés à une stratégie hésitante quant à son devenir, entraînant, selon les périodes, une atonie de l’Etat sur le sujet, suivie par une relance parfois impromptue avec la création dans l’urgence de dispositifs. » Des dispositifs qui « s’empilent et ne sont pas financés » (maisons pour les familles, points info famille), estime-t-il. Cette politique souffre également d’un pilotage administratif de la direction générale de la cohésion sociale « minimaliste » en raison de l’absence de moyens, note l’IGAS.

En outre, alors qu’il remplit une « fonction politique et symbolique essentielle », le Comité national de soutien à la parentalité, créé en 2010 afin de remédier aux difficultés de pilotage et d’animation (5), est « doté d’une ambition limitée ». Cette instance, qui plus est, doit disparaître le 15 novembre 2013 conformément aux dispositions réglementaires qui la régissent. Dès lors, l’inspection estime qu’il faut soit pérenniser le comité national, soit le supprimer ou soit le fusionner avec le Haut Conseil de la famille (HCF), mais ce dernier n’y est pas favorable. La seconde proposition ne recueille pas non plus les faveurs des acteurs. Reste donc la pérennisation du comité dont les modalités de rénovation et d’articulation avec le HCF doivent dans tous les cas être révisées, estime l’inspection générale des affaires sociales.

Plus généralement, elle considère que l’Etat doit être « positionné dans un rôle de stratège, animateur du Comité national de soutien à la parentalité et [de ses] conseils départementaux, garant de la cohérence et de l’interministérialité de cette politique, évaluateur de la COG, promoteur de l’innovation ». Et doit « renoncer à une position de “gestionnaire” direct », sans se désengager sur le plan budgétaire.

Un accès insuffisant aux dispositifs

« L’information des parents et leur accès effectif aux dispositifs restent un enjeu à traiter », indique par ailleurs l’IGAS : « l’acronyme « REAAP » n’est pas connu des familles », ni même les sites Internet locaux dédiés… Elle suggère donc de « banaliser l’accès [à ces dispositifs] en développant l’offre d’accompagnement à la parentalité dans les lieux universels, naturels, fréquentés par les familles : écoles, centres sociaux, crèches, relais petite enfance, centres de protection maternelle et infantile… ». Pour l’inspection, le défaut d’information a conduit à « une offre de services calibrée très en deçà des besoins », souffrant de fortes inégalités territoriales. Et « la demande potentielle non satisfaite est importante ». Par exemple, illustre-t-elle, le nombre de bénéficiaires d’une action REAAP était de 813 368 en 2010, ce qui correspond à une famille sur dix. Même chose pour la médiation familiale qui ne couvre que 4 % des divorces. Aussi l’IGAS préconise-t-elle de développer les actions REAAP avec pour objectif de toucher deux familles sur dix et les lieux d’accueil enfants-parents avec un objectif de un LAEP pour 3 500 enfants âgés de 0 à 6 ans. Elle recommande aussi de doubler le nombre de médiations familiales et d’espaces rencontres. Des objectifs qui pourraient être inscrits dans la future COG 2013-2016 que la caisse nationale des allocations familiales doit conclure avec l’Etat d’ici à avril (6).

Pour l’inspection générale des affaires sociales, il conviendrait aussi de créer un site Internet national de type « www.parentalite.fr » afin que les familles puissent s’informer sur les divers dispositifs de soutien à la parentalité et « géolocaliser l’offre à l’échelle de leur département ». Un site – dont l’idée a été retenue par Dominique Bertinotti (voir ce numéro, page 7) – qui pourrait aussi permettre la diffusion des bonnes pratiques des acteurs de terrain. Des journées d’échange interinstitutionnelles entre professionnels devraient en outre être développées pour « faciliter le brassage des cultures professionnelles et le décloisonnement (CAF, conseils généraux, directions départementales de la cohésion sociale…) », indique l’inspection.

Notes

(1) Evaluation de la politique de soutien à la parentalité – IGAS – Bénédicte Jacquay-Vazquez, Patricia Sitruck et Michel Raymond – Février 2013 – Disponible sur www.igas.gouv.fr.

(2) Si l’on tient compte des prestations « animation collective famille », des actions menées par les techniciens de l’intervention sociale et familiale et des aides aux vacances, le coût de la politique de soutien à la parentalité s’élève à peu près à 300 millions d’euros.

(3) L’essentiel du budget a été consacré aux actions d’accompagnement à la scolarité (25 millions), aux REAAP et à la médiation familiale (près de 15 millions) ainsi qu’aux LAEP (moins de 10 millions).

(4) En pratique, il s’agirait de rassembler au minimum les actions REAAP et CLAS au sein d’un fonds unique « parentalité » afin d’en améliorer la lisibilité.

(5) Ce comité rassemble les différentes instances de pilotage spécialisées concernées par les dispositifs de soutien à la parentalité.

(6) Sur le contenu de la future COG, voir ASH n° 2785 du 30-11-12, p. 7 et n° 2795 du 1-02-13, p. 8.

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