« L’Etat est de retour dans les quartiers. » C’est l’un des messages que le Premier ministre a voulu faire passer à l’issue du comité interministériel des villes (CIV) qui s’est tenu le 19 février à Matignon. Une réunion au cours de laquelle, entouré de 20 membres de son gouvernement, il a arrêté 27 mesures censées répondre aux promesses électorales de François Hollande en faveur des habitants des quartiers.
« Je ne suis pas venu […] vous présenter un nouveau “plan Marshall pour les banlieues” », a précisé d’emblée Jean-Marc Ayrault devant la presse. De fait, à une exception près – les « emplois francs » (voir ci-dessous) –, les 27 mesures arrêtées par le gouvernement n’engagent pas de moyens nouveaux. Pour une large part d’entre elles, elles sont fondées sur les préconisations formulées dans le cadre de la concertation lancée en octobre dernier par le ministre délégué chargé de la ville, François Lamy (1). Au menu : la mise en place d’une nouvelle géographie prioritaire fondée sur un recentrage des crédits spécifiques de la politique de la ville sur les quartiers les plus en difficulté, la fixation d’objectifs précis dans différents secteurs (emploi, éducation, santé, affaires sociales, etc.) pour tenter de relever les quartiers populaires ou bien encore la réorganisation interne de l’administration de la politique de la ville.
A noter : le gouvernement s’est également engagé à mener à bien le programme national de rénovation urbaine (PNRU) lancé en 2003 – quitte à autoriser l’engagement d’opérations au-delà de la date butoir du 31 décembre 2013 – et à lancer une nouvelle génération d’opérations de renouvellement urbain, resserrée sur les quartiers les plus déshérités.
Jean-Marc Ayrault en est convaincu : « si la politique de la ville n’a pas apporté depuis 30 ans tous les résultats escomptés, c’est notamment en raison de la dilution des moyens ». C’est pourquoi le gouvernement souhaite aujourd’hui, dans le cadre d’un projet de loi, revoir la géographie prioritaire « pour identifier les quartiers où les besoins sont les plus criants ». Ces quartiers seront sélectionnés sur la base du critère de la part de population à bas revenus. « Quand nous faisons ce calcul, a indiqué le Premier ministre, nous arrivons à un nombre d’environ 1 000 quartiers prioritaires [contre près de 2 500 actuellement] qui ne sont pas forcément en banlieue ou dans les cités. » Les quartiers populaires qui bénéficient aujourd’hui des dispositifs particuliers de la politique de la ville et qui, du fait du resserrement de la géographie, ne répondront plus aux critères, seront placés « sous une veille active » et bénéficieront dans ce cadre d’un « dispositif de transition ». Cette veille active pourra concerner également les quartiers populaires dont la situation et l’évolution pourraient les amener, à moyen terme, à « basculer » en quartiers prioritaires.
Tous les quartiers populaires, qu’ils relèvent ou non de la géographie prioritaire, se verront par ailleurs proposer un contrat de ville de nouvelle génération « afin de mieux mobiliser les dispositifs de droit commun et la solidarité locale ». Portés au niveau intercommunal, ces contrats regrouperont les politiques sociales, urbaines, économiques et environnementales conduites pour les quartiers. Ils devront impliquer l’ensemble des acteurs de la politique de la ville, invités ainsi à en être signataires (préfet, maire, président de l’intercommunalité, région, département, recteur, agence régionale de santé, caisse d’allocations familiales, Pôle emploi, institution judiciaire, bailleurs, etc.).
« Avant de prendre des mesures spécifiques pour les quartiers, il faut s’assurer qu’ils bénéficient comme les autres territoires, et peut-être plus encore, des politiques générales qui sont conduites dans les ministères », a souligné le Premier ministre. Or « c’est malheureusement loin d’être le cas ». Cette mobilisation du droit commun n’est pas une idée nouvelle. Elle a été prônée sous de précédents gouvernements mais est restée le plus souvent au stade du vœu pieu. Pour tenter d’éviter une telle désillusion, des objectifs précis ont été fixés « dans tous les domaines » pour « déployer, adapter, renforcer les politiques de droit commun dans les quartiers populaires » (2). En matière d’emploi, par exemple, il a été décidé que 30 % des emplois d’avenir seraient mobilisés d’ici à 2015 en faveur des jeunes peu ou pas qualifiés en recherche d’emploi dans les quartiers prioritaires (3). Il s’agira également, entre autres, de :
→ renforcer la part des résidents des quartiers prioritaires bénéficiaires d’un contrat unique d’insertion, avec un objectif de 12 % pour les contrats aidés du secteur marchand d’ici à 2015 ;
→ renforcer la part des jeunes issus d’un quartier prioritaire bénéficiaires d’un contrat d’insertion dans la vie sociale, avec un objectif de 20 % d’ici à 2015 ;
→ doubler la part des résidents des quartiers prioritaires parmi les bénéficiaires du nouvel accompagnement pour la création ou la reprise d’entreprise ;
→ conventionner avec Pôle emploi sur sa présence et son offre de services pour les habitants des quartiers prioritaires.
Un nouveau dispositif, appelé « emplois francs », sera par ailleurs expérimenté sur dix sites pilotes. Il s’agit, pour l’Etat, de financer – 5 000 € par emploi la première année – les entreprises qui vont employer un jeune issu des quartiers concernés, qu’il soit diplômé ou non, a expliqué Jean-Marc Ayrault. Cela concernera 2 000 emplois en 2013, a-t-il précisé. En fonction des résultats de cette expérimentation, le dispositif pourra être généralisé.
D’autres domaines sont également concernés. L’école, par exemple. En la matière, le gouvernement compte « cibler tout particulièrement dans les quartiers prioritaires la répartition des moyens que l’Education nationale va déployer au titre de la refondation de l’école ». Moyens en faveur de la scolarisation des moins de 3 ans, mais aussi de l’initiative « plus de maîtres que de classes » ainsi que, de façon plus générale, pour la lutte contre le décrochage scolaire et l’affectation de nouveaux emplois de vie scolaire et médico-sociaux. Des places en résidences sociales seront par ailleurs réservées aux bacheliers issus des quartiers. Matignon évoque « entre 1 500 et 2 000 places supplémentaires avec accompagnement pédagogique personnalisé ».
Signalons encore, pêle-mêle, la volonté affichée :
→ de faire progresser la part des jeunes des quartiers parmi les bénéficiaires du service civique avec un objectif de 25 % ;
→ de déployer prioritairement les 100 nouveaux bureaux d’aide aux victimes dans les tribunaux de grande instance dont le ressort comprend des quartiers prioritaires ;
→ de recruter, en 2013, un délégué à la cohésion police-population et un intervenant social en commissariat dans chaque zone de sécurité prioritaire ;
→ d’« améliorer la prévention, le dépistage et la prise en charge du handicap dans les quartiers de la politique de la ville », en y facilitant notamment l’implantation des établissements sociaux et médico-sociaux.
Le gouvernement a également décidé de réorganiser l’administration de la politique de la ville. Ainsi, une « nouvelle instance partenariale d’évaluation de la politique de la ville » verra le jour. Elle mutualisera les compétences et moyens de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles et du comité d’évaluation et de suivi de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine. Il a, par ailleurs, été décidé d’« organiser le rapprochement » entre l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances et le secrétariat général du comité interministériel des villes.
(2) Rappelons que Jean-Marc Ayrault a, en novembre dernier, demandé à chaque ministre de signer avec leur homologue chargé de la ville des « conventions d’objectifs pour les quartiers populaires » – Voir ASH n° 2786 du 7-12-12, p. 38.
(3) Cet objectif figure dans la circulaire de programmation des emplois d’avenir pour 2013 – Voir ASH n° 2783 du 16-11-12, p. 37.