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Ces morts qu’on oublie

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Debout devant un mur de béton, Mireille Denoyer reste immobile, comme abasourdie. « Y’a même pas son nom, dis donc. Qu’est-ce que c’est moche, souffle-t-elle. Quelle honte… Mais quelle honte ! » Bénévole au collectif Marseillais solidaires des morts anonymes, ce n’est pourtant pas la première fois qu’elle se rend au carré des indigents d’un cimetière. Mais aujourd’hui, elle est venue rendre hommage à Gilbert, qu’elle a connu en maraude, qui est mort en maison de repos et dont elle est parvenue à retrouver la trace. « Alors, c’est là qu’il serait ? Mon pauvre Gilbert…? », soupire-t-elle en déposant un bouquet de pensées. Pendant trois ans, le réalisateur Emmanuel Vigier a suivi les militants qui, à Marseille et à Paris, « pleurent et gueulent » la mort de leurs semblables à la rue. Il en a tiré un webdocumentaire sobre et sans artifices, Terres communes. Sidéré par la persistance de l’exclusion jusque dans la mort, il ne cherche pas d’explication mais préfère montrer la résistance de quelques-uns. Pas de surenchère d’éléments clicables dans ce projet, mais des formats brefs et une narration au choix, saison par saison ou dans les pas de chaque protagoniste. On y voit ainsi Cécile Rocca, coordinatrice du Collectif des morts de la rue, participer à l’hommage funèbre rendu dans une station de métro à un sans-abri qui y est mort, recueillant quelques mots sur sa personnalité pour conserver une trace de sa vie. Sorti de l’errance, Patrick le Marseillais s’assied pour la première fois sur le banc qui lui a servi de couche – « de catafalque ! » – pendant des mois. Bien décidé à conjurer le sort une bonne fois pour toutes, il a passé un veston et une cravate, comme pour les grandes occasions. Ses boucles rousses cachées sous une grande capuche sombre, Marie-Jeanne Péraldi, est filmée en décembre 2011 alors qu’elle accompagne, au cimetière de Thiais (Val-de-Marne), le corps d’un défunt qu’aucun proche n’a réclamé. « Merci des liens d’amour et de création que vous avez peut-être posés », prononce-t-elle avec pudeur devant la tombe encore ouverte. Puis, comme une dernière requête adressée au nom d’une humanité défaillante : « Pardon pour l’abandon au soir de votre vie. »

Terres communes

Emmanuel Vigier – Coprod. Les Films du tambour de soie/ Zinc Arts et cultures numériques – www.terrescommunes.fr

Culture

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