Ces 30 dernières années, le nombre de demandeurs d’asile est resté globalement stable en France (57 000 en 2011). « A-t-on pour autant déjà connu une telle pétaudière » ? Rarement. » « L’ état des lieux 2012 » (1) de la Coordination française pour le droit d’asile (CFDA), qui rassemble une vingtaine d’organisations, dresse un tableau alarmant des effets des réformes successives, des logiques de rationalisation et de l’application des règlements européens sur l’accueil des demandeurs d’asile. Délais d’attente de plusieurs mois avant l’enregistrement d’une demande, accompagnement réduit à la portion congrue, voire inexistant, utilisation disparate de procédures d’exception et dissuasives, des centaines de personnes et familles à la rue dans plusieurs grandes villes, des dispositifs 115 engorgés… Elle condamne, à partir d’enquêtes de terrain réalisées dans 31 départements, la détérioration d’un dispositif devenu trop complexe, désorganisé et générateur de situations d’exclusion.
Alors qu’elles jouent un rôle essentiel dans l’accès aux droits, les missions des plateformes d’accueil ont été « mises à mal » : depuis fin 2011, un référentiel réduit leur rôle de suivi social et juridique à de l’information, à de l’orientation vers le droit commun et à l’inscription des demandeurs dans le logiciel de gestion des admissions en centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA). Régionalisés, tout comme les procédures d’admission au séjour dans les préfectures, ces dispositifs de premier accueil, gérés directement ou par délégation à des associations par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), sont débordés. A ces premiers obstacles s’ajoutent des entraves dans l’accès à la domiciliation, dont le délai d’attente varie de quelques jours à plus de cinq mois. Selon la CFDA, la tentation est grande pour un préfet « d’utiliser cet outil de l’adresse pour gérer les flux de demandes d’asile sur “son” territoire », en imposant des exigences supplémentaires pour l’obtention par les associations des agréments de domiciliation, voire en procédant à des retraits ou à des non-renouvellements d’agrément.
Le « parcours du combattant » se poursuit pendant la procédure. Alors que Pôle emploi est chargé de gérer l’ouverture des droits et le versement de l’allocation temporaire d’attente (ATA), attribuée aux personnes non accueillies en CADA, les associations relèvent « une grande disparité dans l’inscription, l’attribution et le versement de l’allocation », en outre compromise pour les demandeurs d’asile dépourvus de compte bancaire, faute de pièce d’identité. Autre distorsion du système : par manque de places disponibles en CADA (à peine un tiers des demandeurs peuvent en bénéficier, avec des délais allant de quatre à quatorze mois), « l’hébergement d’urgence s’avère la principale modalité d’hébergement », sans offrir l’accompagnement juridique nécessaire au candidat à la protection. Et, en dépit de la circulaire du 24 mai 2011 qui fixe les modalités de prise en charge, autant pour les demandeurs admis au séjour que les autres, « chacun (association gestionnaire et/ou décideur institutionnel dans les départements et régions) fixe ses propres règles » d’admission. Ainsi, pour les personnes placées en procédure « prioritaire » ou relevant du règlement « Dublin », « obtenir une place est quasi impossible, quelle que soit la composition familiale ». Même les dispositions réglementaires sur l’accès des demandeurs d’asile à l’assurance maladie ne sont pas uniformément appliquées : « Ces différences s’expliquent en partie par une méconnaissance des textes, mais aussi par l’interprétation des caisses primaires d’assurance maladie des nouvelles instructions du ministère de l’Intérieur, excluant ainsi du champ de l’assurance maladie certains demandeurs. »
Alors que le gouvernement a annoncé une réforme du code de l’entrée, du séjour et du droit d’asile pour le deuxième trimestre 2013, la CFDA l’appelle à « engager sans tarder les réformes nécessaires ». Elle demande notamment la fin de la régionalisation de l’accueil et la suppression des « procédures prioritaires », qui privent les requérants de leurs droits sociaux. Autre impératif : garantir des « conditions de vie dignes dans le respect du choix des demandeurs d’asile ». Ce qui implique, selon la CFDA, la revalorisation de l’ATA et la création de CADA en nombre suffisant pour couvrir les besoins. Les plateformes doivent, quant à elles, retrouver « leur mission initiale d’accompagnement social et d’aide à l’exercice du droit des demandeurs d’asile qui ne sont pas accueillis dans les centres, en lien avec les associations, dont le travail doit être reconnu ». La coordination plaide également en faveur d’un « accès au marché du travail et à la formation facilité » et d’une prise en charge effective des mineurs isolés étrangers.
(1) Disponible sur